Comment survivre aux cul-secs (ganbei) en 7 règles.Passage obligé des affaires en Chine !
Qui, en Chine, n'a jamais été confronté aux terribles batailles de Ganbei (signifie cul-sec et se prononce gane-beille) ? Ce passage souvent obligé peut terroriser certains d'entre nous alors que d'autres s'en amuseront. Une question qui revient souvent est : comment gérer cette étape délicate ? Car il est vrai (et j'en ai personnellement déjà fait l'expérience), une bataille de Ganbei mal négociée peut avoir des conséquences néfastes sur les relations d'affaires que nous souhaitions bâtir avec nos interlocuteurs.
Je vais tenter de vous donner les clés, en 7 points, qui vous permettront de ne rater cette étape essentielle. L’une des choses primordiales a savoir pour ne pas sombrer est de ne jamais se laisser embarquer dans le jeu des Ganbei en subissant les attaques de ses interlocuteurs !
A moins d’être très résistant à l’alcool, nous risquons de perdre pied et je vous laisse imaginer les conséquences. La stratégie de nos adversaires d’un soir sera quasiment toujours la même. Ils vont, chacun à leur tour, nous solliciter et nous consumer par petites touches de Ganbei. Le combat est alors déséquilibré et nous risquons très vite de nous retrouver en difficulté. Un jeu d’alliances et de soutiens va alors se mettre en place autour de la table, c’est là qu’il faudra engager la réplique ! Il est nécessaire de connaître quelques règles qui nous permettront de gérer de telles situations.
Règle n°1: cacher son enthousiasme
Le repas commence toujours par un toast de bienvenue, initié par l’hôte principal. Toutes les personnes en présence lèvent leur verre ; c’est le rituel qui marque le début du repas. Les invités peuvent alors commencer à manger et les premières sollicitations individuelles ne tardent pas à arriver. Nous serons alors très vite approchés
Attention, le premier toast individuel est une étape déterminante pour la suite. En effet, les personnes présentes qui ne nous connaissent pas encore, vont observer notre comportement face à cette première sollicitation et ainsi évaluer notre capacité d’ingurgitation. Celles qui nous connaissent jugeront plutôt notre état d’esprit du moment. Nos adversaires potentiels profiteront de cette occasion pour effectuer l’étape qui correspond à l’analyse des forces ennemies.
Si, lors de cette première tentative, nous montrons un réel enthousiasme et une authentique volonté de boire, nous risquons tout simplement de devenir la cible numéro 1, « l’homme à abattre ». Si tel était déjà le cas, nous ne ferions que confirmer notre statut.
Le premier Ganbei ne se refuse pas pour autant. Il est essentiel d’accepter mais il faut le faire de manière posée, réservée. Pour éviter de trop se découvrir, il ne faut pas foncer, la fleur au fusil. Mieux vaut éviter se précipiter sur son verre en montrant une impatience incontrôlée. Le premier toast se fera donc posément afin de ne pas éveiller la frénésie de certains.
Règle n°2: ne pas s'isoler
Evitons le guet-apens. Ne venons jamais seuls si nous pensons que le repas sera bien arrosé. Mieux vaut alors prévoir d’être escortés par des personnes de notre entourage, des amis ou des collègues.
Choisissons si possible de bons buveurs. Ces derniers pourront alors nous soutenir et contenir l’enthousiasme de nos assaillants. Ils pourront même, c’est autorisé, boire à notre place. Pour rappel, les femmes chinoises ne boivent que très rarement et ne sont donc pas toujours de bonnes alliées dans ces rudes batailles de tablées.
Règle n°3: attaquer
La meilleure défense, c’est parfois l’attaque. Evitons de subir les initiatives de nos assaillants. Si nous pensons être la victime idéale, si nous remarquons que la stratégie du « tous contre un » est en train de se mettre en place, alors attaquons ! Levons-nous et interpellons nos compagnons de tablée pour un Ganbei .
Comme chaque toast honore quelque chose ou quelqu’un, nous pouvons ainsi solliciter plusieurs personnes en même temps. Tous les prétextes sont bons, même ceux qui n’ont aucun rapport avec le but du repas. Nous pouvons par exemple trinquer pour les célibataires (pratique très répandue en Chine), pour les hommes, pour les femmes, pour les hôtes, pour les invités, pour les cadres administratifs, pour la victoire de l’équipe chinoise de tennis de table aux derniers championnats de monde, etc. En parallèle, nous devons inciter discrètement nos alliés pour qu’eux aussi prennent de telles initiatives.
En procédant ainsi, nous arriverons à rééquilibrer les débats. Les dommages que subissent alors les deux camps sont mieux répartis. Dans un affrontement deGanbei, si nous sentons la tactique du « tous contre un » se mettre en place, nous devons y opposer la stratégie du « un contre tous ». Notre but est alors d’utiliser un minimum d’assaillants (nos alliés et nous) pour un maximum de victimes (nos adversaires). D’une situation subie, nous basculons alors sur une stratégie impulsée.
Règle n°4: ne pas tricher
Nous ne devons jamais nous écarter du code de l’honneur. La tricherie est parfois tentante mais c’est la plus mauvaise stratégie à appliquer. Mieux vaut perdre la bataille et capituler que de gagner sur une escroquerie. L’honneur est l’une des valeurs essentielles dans ce genre de situation et nous devons en respecter les principes.
J’ai souvent entendu des récits de personnes étrangères qui se vantaient d’utiliser des techniques inappropriées pour éviter de boire. Les astuces les plus courantes consistaient à jeter discrètement le contenu du verre avant de l’avaler, ou bien de tromper ses vis-à-vis sur l’aspect du liquide ingurgité. Ces anecdotes, certes plaisantes à raconter, sont dans la pratique très difficiles à mettre en application sauf peut-être en fin de soirée, dans un endroit sombre, quand nos assaillants sont déjà bien exposés aux effets de l’alcool.
Dans la plupart des contextes, de telles finasseries nous exposeraient au risque de décevoir l’assemblée en lui faisant affront. Ce serait en Chine, la pire des issues possibles. Le risque encouru n’en vaut pas la chandelle. Si vraiment nous ne souhaitons pas boire ou répondre aux sollicitations, mieux vaut encore refuser poliment, prétextant un petit problème de santé, comme une allergie.
Règle n°5: savoir s'arrêter
Il faut savoir s’arrêter avant de sombrer complètement. Le but est certes de pousser l’autre vers ses limites mais il n’est en aucun cas de mettre en danger sa santé.
Un observateur extérieur pourra juger de la réussite d’un repas en contemplant les protagonistes sortir de table. Il y a une scène que l’on observe fréquemment en Chine et qui me fait toujours sourire. C’est celle où un groupe de personnes sort du restaurant. Ce sont souvent des hommes, ils ont le visage rouge, titubent, se soutiennent mutuellement, s’enlacent, se serrent la main, cherchent désespérément leur chemin du retour ou se disputent gentiment pour savoir qui paiera le taxi. De tels comportements sont la preuve que le repas a été réussi.
Il faut cependant faire très attention à ne pas outrepasser ses limites car un accident pourrait vite gâcher la soirée pour tout le monde.
Le corps peut accepter une certaine dose d’alcool. Quand cette limite est franchie, il le rejette et, comme nous le savons tous, ce rejet n’est pas conduit de manière très élégante. Inutile d’aller plus loin dans les détails, il est facile d’imaginer les conséquences si un tel accident se déroulait devant toute une assemblée. Devenir ridicule ou vulgaire sous l’effet de l’alcool peut également nous porter un grand préjudice. A nous de savoir comment réagit notre corps à de telles pressions.
Règle n°6: avoir l'air occupé(e)
Ayons toujours l’air occupé. Ainsi, nous serons moins exposés aux sollicitations. L’une des tactiques possibles pour éviter de se faire solliciter trop vite après unGanbei est de se rendre physiquement non disponible. Paraître occupé n’est pas toujours facile, il faut parfois jouer la comédie et cette solution ne doit être que provisoire. Elle ne peut être appliquée systématiquement, elle nous permet seulement de différer une sollicitation pour souffler un peu.
Parfois, quand je sens ou quand je vois du coin de l’œil qu’un assaillant s’apprête à opérer, je me mets volontairement dans une situation de non disponibilité. Cela me permet de gagner quelques secondes ou quelques minutes pour le prochainGanbei. Je peux prétexter un coup de téléphone ou une envie pressante. Je peux également me lever et remplir les tasses ou les verres de chaque invité. Je peux encore engager une discussion avec l’un de mes vis-à-vis, forçant ainsi le supposé assaillant à m’interrompre, ce qu’il ou elle n’osera pas forcément.
Il existe ainsi de nombreuses ruses qui nous permettent occasionnellement de repousser une attaque, par anticipation. Il faut pour cela être alerte et connaître les manœuvres de l’adversaire. Nous en revenons encore à l’étape initiale, celle de la connaissance des forces ennemies. Attention toutefois à ne pas jouer le mauvais acteur. Nous devons rester le plus naturel possible. L’objectif sera de pouvoir détecter les signes précurseurs d’une attaque pour ne pas réagir trop tard, c’est-à-dire une fois la sollicitation engagée.
Règle n°7: manger
Il faut manger ! En buvant le ventre vide, l’alcool passe plus rapidement dans le sang et l’ivresse est ressentie de manière plus violente. Il est donc vivement conseillé, si nous sommes amenés à boire beaucoup, de manger du riz et d’autres aliments consistants.