Concilier Design Thinking et Big Data pour transformer le marketing

Concilier Design Thinking et Big Data pour transformer le marketing

Aujourd'hui, la plupart des grandes entreprises ont entrepris des démarches de transformation vers la 'customer centricity'. En ce qui concerne la fonction marketing, cette démarche, positive dans son intention, peine cependant souvent à donner des résultats quand elle est adressée avec un référentiel et des méthodes du siècle dernier.

L'ère digitale a en effet introduit de nouveaux standards d’hyper-personnalisation et de congruence des actions vers les clients. Pour convaincre des consommateurs plus exigeants, le marketing ne peut plus se contenter du QUOI (qu’est-ce que mes clients achètent ?) et du COMMENT (quels sont leurs parcours d’achat ?).

Une connaissance superficielle des usages ne suffit plus à adapter le discours et créer la différence. Le marketing doit aujourd’hui comprendre POURQUOI les clients agissent ainsi. C’est à ce prix que la centricité client y deviendra une réalité.

Une connaissance superficielle des usages ne suffit plus à adapter le discours et créer la différence. Le marketing doit aujourd’hui comprendre POURQUOI les clients agissent ainsi. C’est à ce prix que la centricité client y deviendra une réalité.

Quel peut être l’apport du design pour le marketing ? Contrairement aux études classiques, les outils du design ne se contentent pas uniquement d’apporter des réponses aux questions posées. Ils permettent aussi et surtout (!) de redécouvrir les clients sans a priori, de révéler de nouveaux insights sur lesquels construire une stratégie de différenciation.

Nous sommes convaincus que cette approche empirique et centrée sur l’Humain est la clé pour comprendre POURQUOI. Quelles sont leurs aspirations, leurs motivations profondes ? Quelles sont leurs valeurs ? Comprendre enfin QUI ils sont pour aller au devant de leurs attentes non exprimées.

À travers notre méthode de 'Segmentation Causale', nous avons réussi à industrialiser les enseignements issus du design dans les plans marketing des grandes entreprises. Pour y parvenir, nous construisons des personae opérants dans le CRM. Ils représentent des stéréotypes de groupes de clients partageant des motivations, valeurs et usages communs. Ces personae sont construits en intégrant les deux apports du Design Thinking et du Big Data, en faisant le pont entre les insights directement récoltés auprès des clients sur le terrain et la hard data qui permet de les retrouver dans les bases de données. 

Comment passer du POURQUOI au QUI ? Comment passer de comportements humains complexes à un algorithme de segmentation capable de retrouver statistiquement des personae ? Nous vous proposons de partager notre méthode de ’Segmentation Causale' en 9 étapes… qui marche !

1. Comprendre les motivations profondes des clients grâce aux outils du design

La première phase d’exploration est la clé de voûte de cette démarche. Explorer, c’est croiser de multiples points de vue, se confronter à la réalité du terrain pour apporter un éclairage original, révélateur de tendances et d’insights forts pas encore identifiés par la concurrence. L’exploration rend possible l’innovation.

L’exploration rend possible l’innovation.

Ce travail permet concrètement d’identifier de grands archétypes comportementaux représentatifs des clients. Le recours à des modèles d’usage se révèle très efficace pour décrire ces groupes de manière didactique et synthétique à travers leurs valeurs, motivations, usages et attentes réelles tout en intégrant des éléments psychologiques, sociaux et culturels. La construction des modèles d’usage s’appuie notamment sur une matière brute très riche récoltée grâce à des outils du Design Thinking. Ceux-ci viennent enrichir des données issues de sources plus classiques (études de la consommation, des comportements digitaux, des parcours clients multicanaux…).

Au cours de la veille, nous recommandons d’étendre les recherches à de nombreux champs disciplinaires (sociologie, psychologie, anthropologie, philosophie, culture, sciences…). Ces regards croisés forcent à la prise de recul en mettant en perspective les usages et tendances à travers le temps et l’histoire. Mais pour déceler des insights, rien de tel que la réalité du terrain ! Partez à la rencontre de vos clients... Ce sont les premiers à pouvoir vous expliquer ‘comment’ et ‘pourquoi’ ils agissent ! En 5 entretiens clients, vous en apprendrez beaucoup plus en faisant preuve d’empathie sur leurs motivations profondes et les frictions de leur expérience qu’en assistant à un focus groupe derrière une vitre sans teint. N’oubliez pas qu'il existe toujours un écart entre ce que l’on dit et ce que l’on fait ! Des observations en situation vous donnerons une compréhension plus fine des usages et des habitudes de vos clients.

Partez à la rencontre de vos clients... Ce sont les premiers à pouvoir vous expliquer ‘comment’ et ‘pourquoi’ ils agissent !

À l’issue de l’exploration, vous avez posé un certain nombre d’hypothèses clés - des insights - et identifié les grandes typologies de clients - des modèles d’usage - qui seront par la suite transformées en personae puis en segmentation statistique.

2. Cartographier les données disponibles

À cette étape, des ateliers de travail avec les data scientists permettent de cartographier les données clients détenues par l’entreprise (first party data) et par ses partenaires (second et third party data) : caractéristiques démographiques et sociales, données déclaratives ou intentionnistes, comportement d’achat ou relationnel etc… L’enjeu est ici de valider la capacité que nous aurons plus tard à trouver des critères de segmentation opérables industriellement. Eventuellement, une sandbox Hadoop peut être constitué à ce stade pour y déverser les différentes données et préparer les travaux de segmentation de la phase 4.

3. Retrouver dans le CRM les clients appartenant à chaque modèle d’usage

Comment passer de modèles d’usages 'théoriques' à des clients bien réels ? C’est ici que data et design se rejoignent grâce à une étude attitudinale menée sur un panel représentatif extrait du CRM. L’objectif est d’identifier à quel modèle d’usage appartient chacun des clients interrogés. Des questions fermées construites à partir des modèles d’usage, portent sur les motivations et valeurs des répondants afin de les comparer par la suite aux enseignements issus de la phase 1.

Les résultats permettent de déduire les caractéristiques communes aux clients d’un même groupe. Elles correspondent à des données quantitatives dont les typologies ont été cartographie dans la phase 2. Ainsi, des éléments psychologiques, sociaux, culturels et comportementaux relativement complexes sont transformés en critères discriminants, quantifiables et identifiables dans la base de données. Ce sont ces hard data qui permettront de segmenter la base client par « look alike » et d'industrialiser l’approche design à grande échelle.

Ce sont ces hard data qui permettront de segmenter la base client par « look alike » et d'industrialiser l’approche design à grande échelle.

4. Construire les personae

À partir de cette étape, commence un travail collaboratif et itératif qui se poursuivra tout au long de la démarche. Nous vous invitons à faire autant d’itérations que nécessaires pour obtenir un résultat suffisamment stable et industrialisable.

Nous recommandons de travailler sous forme d’ateliers pluridisciplinaires, en réunissant autour d’une même table toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur de la relation client (data scientists, marketing, animation commerciale, forces de vente, réseau, service après vente, plateforme technique, juristes…). Aidez-vous de la cartographie des données pour vérifier à tout moment que les informations dont vous aurez besoin sont bien disponibles.

L’objectif de ces séances est de faire émerger des personae qui incarnent à la fois les motivations des modèles d’usage et les hard data issues de la phase 3. Ces 'portraits robots’ humanisent les données en intégrant une description qualitative et statistique. Les personae favorisent la créativité au cours des ateliers et doivent être faciles à utiliser et manipuler.

... des personae qui incarnent à la fois les motivations ...et les hard data. Ces 'portraits robots’ humanisent les données en intégrant une description qualitative et statistique.

La segmentation statistique de la base s’appuie sur la description de ces personae. Vous serez amenés à poser un certain nombre d’hypothèses qui seront challengées par les data scientists tout au long des itérations des étapes 5 à 8.

5. Valider statistiquement les personae

C’est ici qu’interviennent les data scientists dans et en-dehors des ateliers pour accompagner les hypothèses de segmentation et valider au fur et à mesure les prérequis suivants :

  • Les personae sont-ils suffisamment exclusifs les uns des autres ?
  • L’ensemble des personae couvrent-ils bien toute la base clients ?
  • Ont-ils chacun une taille suffisante pour être opérable (idéalement autour de 10 - 15% de la base chacun) ?
  • Les datas nécessaires à la discrimination des personae sont-elles suffisamment complètes, de qualité, stables, fraîches, facilement accessibles (rapport coût d’accès / pertinence) ?

Si la segmentation obtenue répond pas à ces conditions, retourner alors en 4 et faire évoluer les hypothèses. À la fin de cette étape, nous disposons d’un algorithme permettant de segmenter les personae de manière statistique, en se basant sur des données fiables et accessibles.

6. Valider empiriquement la segmentation causale

Une fois que la segmentation est la statistiquement valide, extraire un échantillon de clients (une dizaine) de chaque persona grâce à l’algorithme défini en 5. Les interviewer en face-à-face pour vérifier par un entretien empathique que leurs usages et motivations correspondent avec une marge d’erreur acceptable (<5%) aux descriptions qualitatives et statistiques du persona. Si ce n’est significativement pas le cas, retourner à l’étape précédente 4 et modifier les hypothèses.

À la fin de cette étape, l’algorithme permet de retrouver des clients qui correspondent majoritairement à la description des personae.

7. Personnaliser le mix marketing pour chaque persona

L'étape suivante est un travail de personnalisation de l'ensemble du mix marketing et des plans de contact aux différents personae lors d'ateliers de co-design avec à la fois des participants de la phase 4 et des consommateurs correspondant au persona. C'est ici que la méthode empathique pour se mettre à la place du client montrera toute son efficacité. Produits proposés, stratégie de pricing et de promotion, argumentation et tonalité du discours... tout est passé en revue pour aboutir à une stratégie marketing activable créant un véritable avantage concurrentiel. Nous avons à la fin de cette étape les principes marketing et relationnels correspondant à chaque persona.

8. Tester la personnalisation grâce à des campagnes tests

Nous préconisons de tester ensuite les mix marketing personnalisés par des campagnes marketing pilotes. L’objectif est tout autant d’avoir une validation « grandeur nature » de la pertinence des ciblages et approches marketing que de commencer la conduite du changement auprès des équipes participant à la chaîne de valeur marketing.

Cette phase correspond classiquement à une période de tests en split run avec d’une part une campagne marketing personnalisée tant en terme de scénarisation que de discours au persona qu’elle cible et d’autre part une campagne traditionnelle auprès du même type de clients. L’objectif est de vérifier la surperformance de la campagne personnalisée issue du persona.

Pour les actions faisant intervenir des commerciaux (ex. réseau de points de vente), nous préconisons d’intercaler sur les premiers tests une étape de validation avant la prise de contact, de type email dont seuls ceux qui auront été cliqués donneront lieu à contact humain. Ceci afin de ne pas « griller » la démarche auprès des forces de vente avant qu’elle soit suffisamment éprouvée.

Cette phase de démonstration par la preuve est, de notre expérience, la clé pour lever les derniers scepticismes et démontrer le ROI de la démarche.

9. Ancrer l’approche causale dans l’organisation et les pratiques

La généralisation de l’approche relationnelle par personae statistiques, au-delà des aspects techniques (ex. mise en place d’un datalake) pose la question de l’organisation des services marketing. Notre recommandation à ce stade est de tendre vers une organisation par « tribus » pluridisciplinaires gérant l’ensemble du mix marketing de un ou plusieurs personae et intégrant en son sein la globalité de la chaîne de valeur du lead management à la fidélisation en passant par l’activation. Une coordination est tout de même à mettre en place pour identifier et gérer les demandes parfois convergentes des différentes tribus, notamment sur des évolutions produit ou des développements IT. La mise en place de ce type d’organisation décloisonné est un projet en tant que tel et fera lieu d’un autre article.

Notre recommandation à ce stade est de tendre vers une organisation par « tribus » pluridisciplinaires gérant l’ensemble du mix marketing de un ou plusieurs personae et intégrant en son sein la globalité de la chaîne de valeur.

Nous vous remercions d’avoir pris le temps de lire cet article et, si le sujet vous passionne comme nous, n’hésitez pas à venir prendre un café pour partager nos expériences respectives en la matière ! 

Emmanuel SIMONET ✅

Transformer vos Data en leviers d'actions ROIstes

7 ans

Article passionnant. Bravo pour la démarche !

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