CONSOMMER OU RÉPARER ?
#TRANSFORMER
L’économie du jetable a dominé la société occidentale pendant près d’un demi-siècle. Elle ne concernait pas seulement les objets à usage unique (les couverts en plastique, gobelets en carton, couches, sacs plastique…), mais surtout les biens manufacturés (téléphones, réfrigérateurs, téléviseurs, vélos…) qu’il a été parfois moins coûteux de remplacer que de réparer. D’autant qu’en plus de réparer peu, on réparait mal.
Une prise de conscience écologique et environnementale conjuguée à la baisse du pouvoir d’achat des ménages, ont suscité un retournement de situation : pourquoi jeter ce qui pourrait encore être utilisé, revendu ou même donné ?
Pilier de l’économie dite circulaire, prônée dans un premier temps par une niche militante avant de gagner des pans de plus en plus importants de la population, la réparation est aujourd’hui rentrée dans les mœurs.
Un cadre législatif
L’inverse de réparer, c’est gâcher, jeter. Rien qu’en Europe, nous jetons chaque année 35 millions de tonnes de produits dont la vie aurait pourtant pu, avec un peu de bonne volonté, être prolongée, mais qui se transforment en déchets. Or, ce n’est plus admis de nos jours, ni par la société, au sens collectif, ni par les consommateurs, au niveau individuel et dans les interactions sociales.
Réservée dans les années 2000 à une poignée d’artisans indépendants, la réparation a ensuite connu une montée en puissance. D’abord timide, le mouvement s’est intensifié à l’orée des années 2020, parallèlement à la promulgation, dans le cadre de la loi française anti-gaspillage, du premier texte contraignant les industriels à afficher, pour les produits électriques et électroniques (smartphones, ordinateurs portables, téléviseurs, tondeuses à gazon, lave-linges…), un indice de réparabilité. Celui-ci tient compte, entre autres, de la démontabilité du produit ou encore de la disponibilité et du prix des pièces de rechange. Des critères supplémentaires devraient s’y ajouter, tels que la robustesse et la fiabilité, pour faire évoluer l’indice de réparabilité vers un indice de durabilité.
Par ailleurs, en 2022, un bonus réparation a été mis en place, toujours en France, remboursant aux particuliers 20% du coût de la réparation d’un produit électrique ou électronique par un réparateur agréé.
A l’échelle européenne, la définition d’un nouveau « droit à réparer », protégeant le consommateur, a été décidée en 2023 et devrait, selon Bruxelles, générer 4,5 milliards d’euros d’investissements tout en encourageant des modèles de consommation plus vertueux.
Entre temps, d’autres pays comme l'Espagne et la Belgique se sont également engagés dans l'élaboration de leur propre réglementation.
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Quel intérêt pour les industriels ?
Réparer plus signifie consommer moins. On peut, dès lors, s’interroger sur l’intérêt des industriels à accompagner ce mouvement, de prime abord contre-productif pour leurs entreprises. En réalité, ils ont tout à y gagner.
⇒ Un industriel se doit de répondre à la demande de ses clients qui exigent aujourd’hui des produits durables et réparables. Il en existe sur le marché et ils seront privilégiés par les consommateurs. Cette logique a amené le constructeur coréen Samsung à dédier un site marchand à la vente de pièces détachées de ses smartphones. Et même Apple, qui était réfractaire à ce principe, a fini par s’y plier, ne serait-ce que partiellement, pour conserver ses clients.
⇒ Les produits neufs, qui embarquent les dernières innovations technologiques, continuent d’être désirables et leur marché, en vente ou en location, ne va pas se tarir même s’il est appelé à se réduire. Ils resteront probablement onéreux, mais leur durabilité leur permettra de rejoindre le marché de l’occasion pour une deuxième vie, voire une troisième.
⇒ De grands groupes, industriels ou commerçants, voient par ailleurs dans ce marché une opportunité de développement dont certains se sont déjà saisis avec succès. Ainsi, La Redoute qui a lancé la Reboucle dédiée à la vente en ligne de vêtements et meubles d’occasion. Le Printemps en a fait de même avec Le Second Printemps, inauguré à Paris et réservé aux vêtements et à la maroquinerie de luxe de seconde main. Darty a inauguré Darty Max, une formule d’abonnement à prix modique pour la réparation de tous les appareils électroménagers. En 2022, 2,3 millions de produits ont été réparés dans ses ateliers (contre 400 000 avant la pandémie de Covid).
Quel rôle pour une banque ?
Au-delà de mes convictions personnelles, je fais le constat, en tant que banquier, qu’à partir du moment où il existe un marché de la durabilité, il y a forcément un marché de la seconde main. Et, comme tout marché, il suscite des demandes de financement. Le Crédit Agricole, qui a une longue expérience du crédit, a évidemment répondu présent en mettant en place des formules de financement dédiées pour ses clients, en France et dans 17 autres pays, dont la Chine.
Cette nouvelle économie se met d’autant plus volontiers en place que les produits d’occasion vendus par des professionnels, sur les plateformes et dans les magasins, sont désormais réparés et garantis pour une durée de trois ou six mois. Cela rappelle d’ailleurs ce qui existe sur le marché de l’automobile d’occasion depuis bien longtemps. En période de baisse du pouvoir d’achat, elle permet au plus grand nombre d’accéder à des produits qui sont bien plus onéreux quand ils sortent d’usine.
L’un des principes du Crédit Agricole est que l’utilité précède la rentabilité : on est rentable si on est utile, et non le contraire. Notre vision à moyen terme est très centrée, d’abord et avant tout, sur les besoins de la société.
CEO chez Ayto Consulting / Administrateur indépendant /Maire Adjoint Gif sur Yvette / Strategic Advisor chez Skaleet / Président SEQINO
1 ans👏👏👏👏👏👏réparer effectivement quand c’est possible ! Tout à fait en ligne !