Devenir dirigeant

Devenir dirigeant

Le parcours d’un dirigeant s’articule le plus souvent autour de trois axes : sa personnalité et ses compétences, un contexte favorable à l’éclosion de son potentiel et des rencontres qui vont lui permettre de progresser et de s’exprimer.

 

Qu’est-ce qui fait que l’on devient dirigeant ?

Dans 1984, George Orwell exprime en ces termes la conviction d’O’Brien, fervent membre du Parti Intérieur, face à Winston Smith, le personnage principal : « Pour quel motif voulons-nous le pouvoir ? (…) Je vais vous donner la réponse à ma question. La voici : le Parti recherche le pouvoir pour le pouvoir, exclusivement pour le pouvoir. Le bien des autres ne l’intéresse pas. Il ne recherche ni la richesse, ni le luxe, ni une longue vie, ni le bonheur. Il ne recherche que le pouvoir. Le pur pouvoir. »

Peut-on vraiment devenir dirigeant avec ce seul moteur, la quête du pouvoir pour le pouvoir ?

J’ai la faiblesse de penser que cela ne suffit pas. Je ne suis pas naïf pour autant : c’est bien de pouvoir qu’il s’agit ici. Mais le pouvoir selon moi ne doit être qu’un levier. Un levier qui favorise l’action, l’action pour le collectif.

Il y a mille et un parcours possibles avant d’arriver à la tête d’une entreprise. Si l’on y réfléchit bien, ils se résument presque tous à la convergence de trois grands facteurs : une personnalité, un contexte et des rencontres.

La personnalité

Il est des dirigeants qui n’ont jamais imaginé se retrouver au poste qu’ils occupent et qui s’en débrouillent très bien. Ceux-là ne sont pas légion. Pour la majorité, il s’agit d’une volonté qui ne les a jamais quittés. Encore faut-il qu’ils aient fait montre des compétences indispensables.

Pour ma part, j’ai toujours éprouvé le besoin de décortiquer une organisation, d’en comprendre les rouages (humains, culturels, techniques, financiers…) ou d’en diagnostiquer les forces et les faiblesses. Avec l’ambition de lutter contre l’entropie galopante, d’envisager ce qu’elle pourrait devenir et de construire quelque chose de durable, d’harmonieux, de fluide.

Cela ne se fait jamais tout seul. On sait bien qu’il y a souvent deux solutions à un problème : la première qui est rapide et classique, la seconde qui est longue et moderne. C’est sur votre capacité à promouvoir et mettre en place la seconde que vous êtes jugé.

Il y a enfin, chez la plupart des dirigeants que je croise, une insistante envie d’entreprendre. Sans cette volonté vissée au corps, un Steve Jobs aurait terminé ses études au Reed College au lieu de s’enfermer dans le garage de ses parents et un Elon Musk serait resté physicien toute sa vie au lieu de fonder plusieurs entreprises avant finalement d’entrer au capital de Tesla Motors qui sera certainement au cœur de la prochaine révolution des transports.

Le contexte

L’environnement dans lequel vous vous trouvez conditionne fortement votre évolution. Être là au bon moment, savoir prendre les décisions qui s’imposent quand il le faut, ne pas hésiter à prendre le risque qui s’avèrera payant… Lorsque je suis arrivé au Crédit Agricole Consumer Finance (CA-CF)[1], l’entreprise était confrontée à des enjeux extrêmement lourds. Des choix devaient être faits – oui mais lesquels ? Parfois, quelles que soient vos compétences, elles ne suffisent pas. Il vous faut autre chose. Il vous faut de l’intuition.

Le parcours d’un dirigeant est fait de ces choix intuitifs. S’y ajoute une volonté d’en découvrir toujours plus. Vous pouvez douter d’avoir opté pour le bon chemin, vous pouvez vous sentir à l’étroit dans la fonction que vous occupez mais, dans tous les cas, vous êtes toujours attiré par l’étape d’après.

La question du contexte revêt alors tout son sens. Elle recouvre jusqu’aux valeurs en vigueur dans l’entreprise qui vous emploie. En fonction de ses valeurs, un groupe va permettre l’éclosion ou l’épanouissement de certaines personnalités plus que d’autres et c’est cette adéquation, aussi, qui façonne le parcours d’un dirigeant.

Si je n’avais pas trouvé au sein du Crédit agricole ce respect des hommes qui est pour moi une valeur fondamentale, je n’y aurais pas progressé. De même, la probité, qu’elle soit intellectuelle (ne pas se contenter de réponses toutes faites, reconnaître ses erreurs…), morale (tenir ses engagements, assumer ses décisions…) relationnelle (être fidèle, faire preuve de reconnaissance…) ou sociale (être toujours accessible, ne pas abuser de sa position…), est une vertu qui ne doit pas céder sous le poids des responsabilités ni des difficultés.

Les rencontres

Enfin, vous avez peu de chances de devenir dirigeant si vous ne croisez pas tout au long de votre parcours des gens susceptibles de vous aider à exprimer votre potentiel. J’ai eu cette chance : j’ai rencontré des personnalités brillantes qui m’ont appris ce qu’il fallait savoir pour avancer ou qui m’ont servi d’exemple quand j’en avais besoin. Des managers et des dirigeants qui voulaient à tout prix être utiles aux autres, à la fois humains et rigoureux, exigeants avec eux-mêmes et empathiques envers les autres.

Je pourrais en citer beaucoup. Plusieurs d’entre eux, des mentors à mes yeux, ont permis de forger le dirigeant que je suis devenu aujourd’hui.

Lorsque vous travaillez avec des hommes aussi pointilleux que visionnaires et intransigeants avec eux-mêmes, il est impossible de ne pas vous sentir obligé de hausser à votre tour votre niveau d’exigence.

Cette exigence avec moi-même et les connaissances qu’ils m’ont apportées, notamment sur les fondements d’un groupe à dimension mutualiste comme le nôtre, ont eu un impact considérable pour moi.

Mais le plus important finalement, c’est peut-être la confiance que l’on m’a accordée dans des moments décisifs comme la restructuration de CA-CF France. Cette autonomie était aussi une façon de me révéler, aux yeux des autres et à moi-même.

 De nombreuses personnes dans et en dehors de l’entreprise viennent également vous nourrir. Et ce que vous recevez de tous ces gens, vous ne pouvez pas vous contenter de le garder pour vous. Vous devez le rendre. C’est pourquoi, à mon sens, un dirigeant doit avoir le souci du bien-être de ses collaborateurs. Leur offrir les conditions pour, eux aussi, à leur tour, grandir. Et c’est même peut-être là que réside la première de ses missions.

 

[1] Mai 2013

Julie Gauthier

Corporate Strategy and Innovation Director

5 ans

Cher Stéphane, Merci pour cet article dont, je pense, tout dirigeant devrait s’inspirer ! Il donne envie de travailler avec vous, mais aussi d’incarner de telles valeurs de bienveillance et d’accompagnement des collaborateurs ! Au plaisir, Julie

Paola ROLLAND

Retraitée du Groupe La Poste - Bénévole

8 ans

La réussite dans le milieu professionnel s'apparente ,à bien des egards au monde du show biz. ..une personnalité, du talent (compétences ) et croiser les bons imressarios. On peut avoir du talent et ne pas "percer ", réussir sans talent, çà peut arriver, mais pas partout, et pas longtemps. Intéressant !

Frédéric SERRE

Développement d'Entreprises chez SAS - Opti BOOST

8 ans

HUB +++...

Pascal PECH

Officier de gendarmerie chez Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer Inspecteur Sante Sécurité au Travail

8 ans

Belle tribune Stephane. Un beau souvenir de cet exemple que tu as été lorsque j ai le plaisir de travailler avec toi...

Arnaud LACAN

Professeur de management et entreprises responsables - Chercheur - Auteur - Conférencier

8 ans

HUB... très bon ! Soyons HUB.

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