Contre le consensus mou, réhabiliter la confrontation fertile
Et si nous réhabilitions la confrontation dans l’entreprise ?! Cela pourrait ressembler à une blague, tant les mots « confrontation », « conflit », « discorde » sont connotés négativement. Et pourtant, si les conflits peuvent pénaliser une entreprise, les consensus de mauvaise qualité le peuvent tout autant…
3 raisons principales m’ont convaincu de l’importance de réhabiliter la confrontation dans l’entreprise et m’ont conduit à construire toute une offre de conseil et de formation autour de ce sujet. D’abord une raison humaine et psychologique. L’inhibition de l’agressivité et des émotions, l’évitement du conflit, l’absence de feedback authentique créent, me semble-t-il, des dysfonctionnements majeurs chez les personnes et au sein des organisations. Quitte à me montrer excessif, je dirais que les pires violences au travail dont j’ai été témoin l’ont toutes été dans des environnements apparemment consensuels et policés. L’accumulation des implicites et des non-dits crée un silence oppressant. La violence n’en est que plus intense quand elle finit par s’exprimer.
Seconde raison, la confrontation, bien orchestrée, favorise, je crois, la performance. C’est le sens du « discord and deadline » de Google. C’est aussi le sens profond des rites d’équipes autonomes préoccupées de laisser s’exprimer les divergences avant de trouver des solutions ou bien des séances « d’avocat du diable » utilisées par certains dirigeants pour fiabiliser leurs décisions. Certaines entreprises, à l’image de PSION, ce géant de la tech dont toute la stratégie ne reposait que sur la « qualité » ont expérimenté le drame de « l’univocité », quand toute l’organisation se met à penser à sens unique… L’alignement a des limites. PSION a été tué par l’univocité, l’absence de « tensions fertiles » dans sa stratégie et dans son organisation. De même que Nokia, dont le CEO, sonné après le rachat par Microsoft, disait à ses cadres : « nous étions tous d’accord, nous avons tout bien fait, et pourtant nous avons échoué ».
Troisième raison, à la suite d’Allan Watts, dans Bienheureuse Insécurité, j’ai une méfiance instinctive pour « l’illusion de l’ordre » : je constate au quotidien combien les univers processés et régulés produisent des décisions absurdes et du désengagement. Plus il y a de règles et moins on réfléchit… et cela a des limites dans une environnement exigeant qui se reconfigure à vive allure. Une belle organisation bien ordonnée sur le papier peut n’être qu’une illusion d’optique : chacun a son domaine de responsabilité, avec ses missions… mais on oublie les interfaces, les interactions, les points d’échange. Une bonne organisation ménage des espaces de confrontation positive, des interfaces favorisant l’échange et des tensions fertiles. Lorsqu’on cherche, souvent avec d’excellentes intentions au départ, à les limiter, on crée des silos… puis on compense l’absence de communication par une couche de matriciel, jusqu’à créer des monstres organisationnels lourds, difficilement lisibles et peu manœuvrables.
Encore faut-il rendre la confrontation fertile et non stérile. Et cela vaut la peine de s’inspirer d’environnements où la confrontation est particulièrement fertile, génère du bien-être et de la performance. Quelques repères en la matière : d’abord, la confrontation n’est fertile que si elle a du sens (un but positif), qu’elle est mutuelle (je ne suis pas d’accord avec toi et j’accepte, voire j’encourage, ton désaccord vis-à-vis de moi) et qu’elle ne met pas en cause les personnes (pas d’agressions personnelles). Un bon niveau de convivialité favorise une confrontation de qualité : on peut n’être pas d’accord, sans mettre en péril la relation.
Ensuite, l’exercice nécessite un minimum de mise en scène ainsi que des permissions et des protections : les réunions de confrontation positive du prix Nobel de physique Pierre Gilles de Gennes étaient soigneusement préparées avec l’intervention successive des « avocats du diable » et des « défenseurs de la cause ». Réhabiliter la dialectique, c’est ouvrir de nouvelles perspectives et stimuler la créativité. Linda Hill, d’Harvard, a rassemblé les meilleures pratiques en la matière dans des environnements aussi différents que l’armée israélienne, des associations humanitaires ou bien de grandes entreprises comme Google ou Disney.
Enfin, rendre la confrontation positive nécessite de s’outiller intellectuellement pour appréhender la complexité, rendre la dialectique fertile, sortir du cadre et innover. C’est l’objet d’une approche comme la théorie des contraintes, particulièrement adaptée aux situations paradoxales, nécessitant d’articuler des contraires et de s’extraire d’une opposition stérile.
Dirigeant chez RéSolutions - Votre futur voulu, résolument
5 ans"L’alignement a des limites. Une entreprise peut mourir de l’univocité, l’absence de « tensions fertiles » dans sa stratégie et dans son organisation." Merci Mathieu Maurice de pointer ce dilemme qui est au cœur de toute entreprise portée par un projet et une vision. Dilemme qui ne peut être traité que par une grande humilité et écoute de la part de l'entrepreneur porteur du projet.
Directeur À VRAI DIRE LA VILLE
5 ansEt dans le consulting aussi? Nous ça fait 25 ans qu’on pratique la confrontation avec nos partenaires et clients et ça se termine bien... en général
Formation, Coaching chez COMERGENCE. Psychopraticienne systémique stratégique
5 ansL’essentiel est de se reconnecter à son intention : si mon intention est de chercher à imposer mon opinion, ma vision du monde, la confrontation est stérile et elle ne sert pas à grand chose sinon à s’écouter parler et gérer des crispations ; si mon intention est de partager un regard différent sur les choses afin de faire avancer la réflexion, alors la confrontation est fertile. Et la forme de la communication n’est pas la même en fonction de l’intention...
Transformation & Change Leader
5 ansSans confrontation , comment tirer parti de la polyvalence et la diversité ? Quelle innovation ? Quels progrès y compris personnels? Dans le livre de P. Lencioni "the 5 dysfyunctions if a team". La non confrontation est le 2e maillon du disfonctionnement . Après, savoir se dire les choses "difficiles' s apprend. C est tout l'art du feedback quand il est vrai , authentique et courageux , à l'opposé du 'feel-good only feedback' inutile et contre productif.
Partenaire Cap Transition / Fondatrice The Owl in the Oak / Coach certifié
5 ansLa confrontation est un processus qui nécessite que chacun des protagonistes écoute l'autre et accepte le principe que les personnes autres que lui puissent ne pas avoir la même vision, la même opinion sur un même sujet. Dans son acceptation générale le mot confrontation a une connotation agressive. Pour être constructive, la confrontation peut être prise comme un partage en vue de construire une vision commune du sujet. En entreprise, le manager peut ne pas être bonne personne pour encadrer une confrontation... Un coach peut être la tierce personne neutre pour réguler une relation.