Copié-collé ?

#indabacomm – 2 | Initiée par Barka Dia (Walabok Digital – Dakar) et Vincent Garrigues (Méroé Global – Paris), la nouvelle série de papiers IndabaComm croise les points de vue Sud/Nord sur les nouveaux trends de la communication.

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Barka Dia - Je récuse l’idée ‘évolutionniste’ qui voudrait que l’Afrique suive la même ligne numérique que les pays occidentaux pour arriver à une maturité similaire. Ce fantasme d’une Silicon Valley africaine est à mon avis hors de portée et contre-productif. Il n’y a qu’une seule Silicon Valley et l’on voudrait d’un coup de baguette magique en créer une dans chaque pays africain.

Vincent Garrigues - Les champions digitaux engendrent un effet de fascination qui produit ses étincelles tout autour du monde. Ils sont, du même coup, dans le même souffle d’effroi, les vecteurs de prophéties autoréalisatrices émises par des partenaires (parfois) bien intentionnés. Le numérique est un mantra développementaliste.

BD - Tous les championnats de foot ne sont pas comparables à la Premier League. La Coupe d’Afrique des nations est une compétition unique : ses couleurs, son ambiance, les sensations éprouvées sont intrinsèquement africaines. Les États-Unis ont réussi à monter sur la première marche du podium numérique. En se basant sur ses réalités socio-économiques et ses priorités, l’Afrique doit édifier, patiemment, sa CAN du digital.

VG - Le défi est plus culturel que technologique. Je crois que le désir mimétique est plus une emprise qu’une empreinte. Pour les gouvernements comme pour les fameux partenaires extérieurs, la tentation du copié-collé est une séduction qui masque son risque. Voyez l’Europe, et le mal qu’elle a à naviguer en autonomie sur le vaste océan des données, dans la conquête de son Cloud !

BD - Le numérique africain est en marche, mais encore loin de sa maturité, et les comparaisons avec d’autres continents ne tiennent pas. Beaucoup d’industries peinent à décoller car nos écosystèmes sont encore en formation. Jumia n’a-t-il pas fermé certains marchés l’an dernier ? Et je rappelle qu’il y a 20 ans, le numérique ne générait globalement presque aucun revenu.

VG - Un peu partout, le digital est venu se poser en surcouche sur des systèmes commerciaux très structurés. Sur le continent, où les économies informelles dominent, la tech pratique le fameux ‘saut de grenouille’ en zappant les étapes connues ailleurs. Cela a permis des innovations fulgurantes, à l’image du paiement par téléphone popularisé en Afrique de l’est ou encore de la mémoire en nuage inventée dans un laboratoire sud-africain. L’épreuve de l’intégration est encore devant.

BD - Le réalisme doit baliser notre chemin, et pour progresser essayons d’incarner de la façon la plus juste possible le potentiel qui est le nôtre. Beaucoup d’entre nous sont actuellement des pionniers dans leurs domaines respectifs. Il nous faut du temps pour réussir à inventer un digital durable.

VG - Le temps est notre allié pour construire, oui, et aussi notre principal ennemi. Chaque seconde qui passe voit les géants mondiaux étendre leur spectre, noter nos déplacements, anticiper nos attentes, fluidifier nos échanges tout en captant nos données. La destruction créatrice ne marque pas de pause. C’est une guerre culturelle à bas bruit, ce doux pouvoir appelé ‘soft power’.

Voici le deuxième papier de notre série « Regards croisés », imaginée comme un vecteur d’idées, un espace de débat Sud / Nord, l’IndabaComm. (indaba, zoulou, « l’histoire »)