Coronavirus : Pourquoi le confinement n’a-t-il pas un impact plus important ?
Après deux mois de confinement, le taux de contagiosité devrait logiquement être tombé très bas, autour de 0,3. Or le taux actuel (après 6 semaines de confinement total) est estimé à 1,05, un niveau qu’il avait atteint à Wuhan après seulement 3 semaines de confinement total. Et Il est annoncé par les autorités à 0,6 le 11 mai prochain, jour du début du déconfinement, donc après pas moins de deux mois de confinement.
Pourquoi un tel mauvais score ? Le confinement est-il en fin de compte inefficace ? Ou est-ce dû à notre manière permissive de nous confiner « totalement » ? En particulier, que penser de cette faculté qui nous a été laissée de sortir prendre l’air 1 h par jour ?
Je me suis donc demandé si cette faculté d’une heure n’était pas, dans les grandes villes, le cheval de Troyes du Coronavirus et notre talon d’Achille. Si je suis en bonne santé, puis-je me faire infecter lors de ces sorties ? Question assez légitime à laquelle, pensais-je, tout bon modélisateur habitué à la théorie du chaos peut répondre facilement. Mais question pour laquelle, encore une fois, je n’ai trouvé aucune réponse sur le web. A croire que le métier de modélisateur n’est pas très répandu… Alors j’ai essayé moi-même de combler cet espace vide de data, avec mes petits moyens. Voici le résultat, certainement très critiquable et améliorable.
Si je sors à Paris une heure/jour pendant un mois sans masque, la probabilité que mon foyer soit contaminé serait de 1,8%.
Prenons l’exemple de Paris confiné avec ses 2 220 000 habitants : la densité y est de 21 000 habitants/km². La distance de sécurité moyenne y ressort à 4 m : elle est de 1 m pour les 65% de passants que je vais croiser en train de marcher, de 5 m pour les 25% de joggeurs et de 15 m pour les 10% de vélos (la pondération entre passants est une hypothèse, les distances sont celles recommandées ici).
D’après l’application Covimoov, nos déplacements actuels à Paris ne représenteraient que 20% environ de nos déplacements normaux pré-confinement. Posons que ces 20% qui sortent quotidiennement utilisent leur heure de déconfinement à 70% entre 11h et 20h, donc sur 9h. Dans ce créneau, chaque heure, la densité humaine dans la rue serait de 1 633p/km², ou 16 p/100m². Cela correspond à 1 personne tous les 25m.
Source Covimoov
Si toutes les personnes que je vais rencontrer étaient statiques et que je me déplaçais de façon sans cesse optimisée, je me trouverais constamment à 12,5m d’elles, ce qui me protégerait a priori des éventuelles personnes contaminées que je pourrais croiser.
Sauf que ces personnes se déplacent aussi et que la distance sera parfois plus éloignée que 12,5 m et parfois plus proche. Si l’on découpe la distance maximale de 25 m en 6 distances de 4 m, on peut grossièrement estimer que j’aurai 1 chance sur 6 d’être à moins de 4 m (la distance de sécurité moyenne) d’une de ces personnes. Si je marche 1h à 4 km/h, je vais parcourir 4000 m, donc 320 fois la distance de 12,5 m. J’aurai donc 320/6 = 53 occasions de croiser quelqu’un en étant sous la distance de sécurité.
Si l’on prend comme hypothèses une durée de contamination de 3 semaines, des calculs basés sur le nombre de décès donneraient pour Paris un encours de cas contaminants de 86 500 personnes au 18/04/2020 (le calcul est un peu technique, ce qui complique sa restitution ici). Mettons que 50% de ces cas soient asymptomatiques et qu’ils se promènent dans les rues de Paris, cela fait un pourcentage de personnes contaminantes de 86 500 x 50% /2 220 000 = 3,9% de la population parisienne.
Donc, sur les 53 personnes que je vais croiser à moins de 4 m de distance pendant mon heure de promenade, 2,1 (3,9%) seront statistiquement contaminantes. Si je suis sorti tous les jours une heure depuis un mois, j’aurai donc rencontré un cumul de 62 personnes contaminantes (2,1 x 30).
Prenons ensuite le cas de la personne contaminante qui ne le sait pas parce qu’elle est asymptomatique. Pendant 3 semaines, elle va se promener et croiser 53 p x 21 jours = 1 113 personnes en-dessous de la distance moyenne de sécurité. Pour que son taux de contamination soit de 0,3 (taux à partir duquel la pandémie finit par s’arrêter toute seule), il faut qu’elle ne contamine que 0,3 personne, hypothèse hautement improbable qui implique pour chaque personne croisée sous la distance de sécurité de 4 m une probabilité de 0,02% d’être contaminée par cette personne. Comme moi-même j’aurai croisé 62 personnes contaminantes en un mois de confinement, ma probabilité à moi d’être contaminé ressortirait quand même à 0,02% x 62 = 1,24%.
Et si je suis contaminé, étant confiné, je deviens contaminant à mon tour auprès de mon entourage (0,9 personne car 1,9 personne par ménage à Paris en 2016 source insee), avec un taux de contagiosité pour le coup très élevé qu’on pourrait estimer à 50%. La probabilité pour mon foyer passe donc de 1,24% à 1,24% x (1 + 0,9x50%) = 1,8%.
Conclusion :
En laissant la population parisienne se promener 1 h par jour, on en condamne au minimum 1,8% à être contaminée chaque mois. A l’échelle de Paris, cela représente quand même 40 000 personnes pour un mois de confinement. Donc 400 morts si l’on retient un taux de mortalité de 1%.
Mais surtout, on entretient le virus, ce qui peut faire craindre une nouvelle explosion au moment du déconfinement…
Et, enfin, on annihile tout contrôle possible de notre respect du confinement par les forces de l’ordre. Car, tel que le mécanisme de dérogation est fait, tant que le contrôle ne porte pas sur la journée entière, on peut de facto rester dehors à peu près autant qu’on veut, donc des heures entières. Il suffit de ne pas rester dehors plus d’une heure d’affilée.
Comme me l'a fait remarquer Eric Rabiller, une dernière conclusion s'impose : le port du masque dans la rue est essentiel, dès maintenant, dans les grandes villes et toutes les zones humainement denses.
NB : toute cette analyse est bien entendu très empirique et sensible aux hypothèses. Ce serait tellement plus simple que des modélisations éprouvées nous fournissent une réponse solide…
PS1 : Petite remarque pour ceux qui blâment d’indiscipline les habitants des quartiers denses et défavorisés de Paris (ou de la proche banlieue populaire) : dans ces arrondissements très peuplés, la densité humaine peut atteindre 40 000 hab/km². Il faut donc multiplier par deux les résultats ci-dessus. Une heure quotidienne de promenade condamne les promeneurs et leur entourage à une probabilité de se contaminer de 1,8 % x 2 = 3,6%, au bout d’un mois, juste à cause de la densité humaine.
PS2 : Sinon, il y a ce tuto pour aider notre Ministère de l'Intérieur à gérer les récalcitrants :-)
Sophrologue, animateur d'ateliers Qigong adapté, accompagnement personnel
4 ansle confinement a surtout un impact (très négatif) sur le taux d'immunité; en fait c'est reculer pour mieux sauter, sauf à vouloir ne jamais déconfiner en prétextant un taux d'immunité trop faible, qui ne peut que rester indéfiniment inférieur aux 70% "nécessaires au déconfinement"...
Coordination commerciale et développement Direction professionnels et agricole chez AXA France
4 ansBelle démonstration Fabrice !