COVID 19 : Libéralisation des licences obligatoires portant sur les brevets d’invention des vaccins une nécessité pour vaincre le Coronavirus.

COVID 19 : Libéralisation des licences obligatoires portant sur les brevets d’invention des vaccins une nécessité pour vaincre le Coronavirus.

La COVID-19, ou encore appelée Coronavirus, maladie provoquée par un virus qui secoue le monde depuis bientôt 2 ans, a fait son apparition en décembre 2019 dans la lointaine et reculée contrée de Wuhan, dans la province du Hubei en Chine, avant de se propager comme une trainée de poudre très rapidement d'abord à l’intérieur de la Chine, puis dans le reste du monde, débouchant à une pandémie mondiale ; une crise sanitaire sans précédent, aux troubles socio-économiques d’une rare violence, tellement le chamboulement a été soudain, profond et disproportionné.


Face à cette catastrophe sanitaire, comme certains aiment bien le nommer, il faut bien qu’il y ait une solution comme pour tout problème qui menace l’existence humaine, et la survie des hommes. S’est alors lancé une incroyable et extraordinaire course au vaccin contre la COvid-19, une guerre des laboratoires et des experts. Devant cette pandémie, les chercheurs du monde entier rivalisent d’ardeur et de prouesse et ont exploré de nombreuses pistes pour trouver un médicament antiviral ou un vaccin, n’est-ce pas le Saint Graal en cette période où le monde dévasté ne veut qu’une chose, qu’une seule chose : guérir du Coronavirus, vite et rapidement ! La guerre des solutions aura donc bien lieu, l’occasion est immense, les enjeux gros comme le monde, les intérêts eux, rocambolesques. Faire breveter leur vaccin anti COVID-19, est certainement aux yeux de l’industrie pharmaceutique, quelle qu’en soit la marque d’ailleurs, la priorité la plus absolue.

Il faut au préalable préciser que selon l’article 1 de l’Accord de Bangui révisé de 1999 « l’“Invention” s’entend d’une idée qui permet dans la pratique la solution d’un problème particulier dans le domaine de la technique. Le “Brevet” quant à lui s’entend du titre délivré pour protéger une invention. Il constitue donc le principal instrument juridique de protection d’une invention.


Le vaccin anti COVID 19, au regard des dispositions de l’annexe 1 de l’Accord de Bangui révisé, entre bien dans le régime de protection des brevets d’invention.

Selon une récente étude de L’organisation Mondiale de La Santé (OMS), environ 169 vaccins candidats contre la COVID-19 sont en cours de développement, dont 26 en phase d’essai chez l’homme. On a par exemple le vaccin des laboratoires Pfizer (Etats-Unis), BioNTech (Allemagne), Spoutnik VL en Russie qui se livrent tous une course acharnée pour une production mais aussi une distribution rapide à l’échelle mondiale avec l’adjonction de plusieurs cibles, continents et pays principalement ceux de l’Europe et de l’Amérique.


Et l’Afrique dans tout cela ? Bien que touchée par La COVID-19 le berceau de l’humanité est quasiment absent de cette course médicale effrénée de recherches des vaccins et se trouve ainsi dans une situation délicate en vue de l’acquisition des vaccins anti COVID malgré le dispositif COVAX mis en œuvre par l’OMS, dont La majorité de ses pays en est membre. Mais malheureusement le leadership est conservé par les pays du Nord, qui sont eux aussi en urgence d’acquérir les vaccins à juste titre contre une pandémie, particulièrement violente sous leurs cieux.


Nous sommes mêmes amenés à nous demander si l’OMS face à la difficile mise en œuvre de l’initiative COVAX, ne devrait-elle pas encourager les états sièges des laboratoires, titulaires des brevets d’inventions des vaccins contre la COVID 19 à imposer des licences obligatoires pour permettre à tous pays, notamment africains, d’acquérir facilement et à moindre coût les vaccins ?

Il faut préciser que Le dispositif COVAX est une initiative mondiale sous la facilitation de l’OMS, visant à assurer l’accès rapide et équitable de tous les pays aux vaccins contre la COVID-19, quel que soit leur niveau de revenu.


Le COVAX devait permettre le financement de la recherche, le regroupement des achats et la distribution d’environ 2 milliards de doses de vaccin équitablement à tous pays touchés d’ici la fin 2021.


Malheureusement, notons-le, dès le moment où certains industriels se sont dits en capacité de fournir un vaccin, certains pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni ou encore l’Union européenne, ont commencé à passer des accords bilatéraux et ont ainsi très vite capté la plus grande partie des doses que les compagnies sont en capacité de produire. Alors que, certains pays vont être servis, le reste du monde notamment les pays africains devront patienter avant de recevoir des doses et de se lancer dans une campagne de vaccination.


Face à l’inefficacité du dispositif COVAX, et compte tenu de l’urgence qu’impose la pandémie mondiale de COVID 19, l’option d’imposer des licences obligatoires aux titulaires du brevet d’invention des vaccins semble être la plus appropriée pour permettre une production massive des vaccins.

En effets, le laboratoire titulaire d’un brevet sur un vaccin bénéficie pendant la période de protection légale de son invention qui est par exemple de 20 ans dans l’espace OAPI, d’un droit exclusif d’empêcher toute exploitation par des tiers (ce qui implique la fabrication, l’utilisation, la vente ou l’importation) de l’invention brevetée sans son autorisation dans le pays ou la région où le brevet produit ses effets.


Il faut cependant préciser qu’en cas d’expiration naturelle du brevet, intervenant 20 ans après la demande de dépôt, il n’existe aucune condition empêchant de présenter une nouvelle demande comportant des améliorations de l’invention afin de bénéficier d’un monopole supplémentaire de 20 ans.

Le titulaire d’un brevet a également le droit d’attribuer et de conclure des contrats de licence portant sur son invention. Ces licences concédées par le titulaire du brevet sont réputées être “volontaires”.

 

Toutefois, lorsque certains brevets d’invention présentent un intérêt vital pour l’économie du pays, la santé publique ou la défense nationale, dans certaines circonstances et sous certaines conditions une licence “obligatoire” ou “non volontaire” peut être concédée à un tiers par une autorité compétente nationale, ce qui l’autorise à exploiter l’invention brevetée pendant la période de protection sans l’autorisation du titulaire du brevet.


Les licences « non volontaires » ou « licences d’offices » ont également été consacrées par Les Articles 46 à 56 de l’annexe I de l’Accord portant révision de l’Accord de Bangui du 2 mars 1977 instituant une Organisation africaine de la propriété intellectuelle révisé le 24 février1999 dont le Sénégal est membre.

De plus L’article 31 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (l’Accord sur les ADPIC) adopté à Marrakech le 15 avril 1994, dont sont signataires la majorité des pays du monde en tant que membres de l’Organisation Mondiale du Commerce dispose également que « dans des situations d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence ou en cas d'utilisation publique à des fins non commerciales » l’administration nationale peut octroyer des licences obligatoires portant sur des brevets d’inventions de « médicaments ».

En 2001, La Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique est venue préciser cette notion d‘urgence en indiquant notamment que « Chaque Membre a le droit de déterminer ce qui constitue une situation d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence, étant entendu que les crises dans le domaine de la santé publique, y compris celles qui sont liées au VIH/SIDA, à la tuberculose, au paludisme et à d'autres épidémies, peuvent représenter une situation d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence »


Ces dispositions permettent ainsi, à l’administration nationale compétente (par exemple le ministère de la santé du pays où l’invention a été brevetée), d’autoriser des laboratoires autres que ceux ayant inventés le vaccin à le produire pour faciliter la fabrication rapide et en grande quantité des vaccins.

Dans une étude publiée en 2019, l’OMPI recensait 156 pays ou territoires reconnaissant l’exception relative aux licences obligatoires qui permet l’utilisation d’un brevet sans autorisation du titulaire.


La COVID-19 constitue sans nul doute une « circonstance d’extrême urgence », et certains pays comme la France, l’Etat d’Israël, le Canada et l’Allemagne ont commencé à adopter des mesures extraordinaires pour assouplir les conditions du recours à la licence d’office ou obligatoire.


Les limites de ces dispositions sur la licence obligatoire c’est qu’elle ne peut se décider et s’appliquer en principe qu’au niveau national. Comment doit-on étendre ses effets afin qu’elle s’applique à l’ensemble des pays du monde touché par la pandémie de COVID 19 et ne pouvant bénéficier des doses suffisantes de vaccin ?

 

La réponse à cette question peut venir également d’une nouvelle disposition de l’Accord sur les ADPIC”, introduite lors de la modification du 23 janvier 2017 qui étend les effets de la licence obligatoire en dehors du territoire national ou la mesure peut être prise.

Il ressort ainsi de l’article 31 bis inscrite lors de la modification de l’“Accord sur les ADPIC” qu’une licence obligatoire spéciale peut permettre l’exportation de produits pharmaceutiques brevetés fabriqués sous une telle licence vers des pays dont la capacité de fabrication est insuffisante dans le domaine pharmaceutique.


Cette disposition de l’“Accord sur les ADPIC” est un bon prétexte que l’OMS peut évoquer pour convaincre les Etats membres à imposer des licences obligatoires aux laboratoires fabriquant de vaccin anti COVID afin de permettre leur production en grande quantité et faciliter leur exportation à moindre coût vers les pays ayant une capacité de fabrication insuffisante ou des moyens financiers limités tel étant le cas de nos pays Africains.


D’ailleurs le Directeur Général de l’OMS s’est déjà déclaré favorable à la mise en place d’un accès libre ou une licence à des conditions raisonnables pour tous les pays sur les médicaments, vaccins et produits de diagnostic utilisés contre la COVID-19.


On pourrait également songer à améliorer le dispositif COVAX en intégrant par exemple un fonds d’indemnisation forfaitaire sous la supervision commune de l’OMS, l’OMC et l’OMPI pour les laboratoires inventeurs de vaccins, qui se verront imposer des licences obligatoires.


Il faut maintenant espérer que les états qui ont déjà exploré l’option des licences obligatoires s’assurent de leur effectivité et que les autres pays où se trouvent des laboratoires fabriquant le vaccin anti COVID 19 emboîtent le pas, pour le grand bien de la santé en Afrique et surtout dans le monde.

En conclusion, le monde étant un village planétaire, laisser le monopole des vaccins anti COVID 19 aux mains des laboratoires titulaires des brevets d’inventions au sein des grandes puissances, n’est pas avantageux dans la mesure où le virus circule et s’exporte d’un continent à l’autre. Il serait judicieux pour la communauté internationale de faire une lutte en synergie contre cette pandémie en octroyant des licences obligatoires spéciales à tous laboratoires disposant de moyens de production des vaccins anti COVID 19. Cela va sans aucun doute permettre la fabrication et distribution à moindre coût des vaccins dans tous les pays africains en particulier et du monde en général.


Maître Cheikh FALL

Avocat à la Cour

Conseil en Propriété Industrielle

Mandataire agréé à L’OAPI

53, rue Vincens x Sandiniery

Tel: (221) 33 821 75 79 // 33 889 87 60 // 33 889 14 10 cheikhfall@avocat-cheikhfall.com

Alhassane Diallo

Juriste Propriété intellectuelle & DATA / BNP Paribas Group / M2 Droit de la propriété intellectuelle et valorisation des biens immatériels CEIPI

3 ans

3- Le brevet étant un titre de protection territorial, je ne suis pas sûr que les laboratoires ayant développé des vaccins ont déposés ( ou ont envisagé de déposer ) des demandes de brevet dans l’espace OAPI quoiqu’ils disposent encore du relais de priorité conformément à la convention d’union de paris. 4- Obtenir une licence est une chose, mais l’expoloiter en est une autre: Je n’ai pas connaissance d’un État africain de l’espace OAPI disposant des capacités technologiques et d’installations pour la fabrication, la conservation et la distribution locale d’un vaccin de type Pfizer. L’Afrique francophone ne dispose hélas pas de tels laboratoires. Alors faut-il installer des labo illico? Le coût global et le temps nécessaire pour obtenir un labo opérationel clé en main est incompatible avec l’urgence à laquelle on est confronté. La France a quasiment le même problème. 5- Quelle solution alors? Elle sera plus politique ou diplomatique que juridique.Il faut une implication effective de l’Union africaine pour faire du lobbying afin d’obtenir des quotas dans la distribution du vaccin. Le dispositif Covax mérite d’être amélioré. Ce qui suppose de mobiliser des fonds pour l’acquisition des vaccins pour l’Afrique notamment.

Alhassane Diallo

Juriste Propriété intellectuelle & DATA / BNP Paribas Group / M2 Droit de la propriété intellectuelle et valorisation des biens immatériels CEIPI

3 ans

Tout d’abord merci pour cette analyse. Cependant je m’interroge sur l’atteinte du but visé avec ce mécanisme. Le but est d’obtenir des vaccins à moindre coup en direction de l’Afrique et non de briser juridiquement les monopoles constitués par les brevets. Même si, il faut l’avouer le mécanisme des licences non volontaires peut en constituer un moyen. Je ferais donc quelques observations: 1- parmi les mécanismes de licences non volontaires prévus par l’accord de Bangui, seul le mécanisme de la licence d’office peut être mobilisé en ce sens, le mécanisme de licence obligatoire pour défaut d’exploitation ne pouvant être utilisé car suppose une non exploitation de l’invention de 4ans à partir du dépôt de la demande de brevet. 2- Licence non volontaire ( ici licence d’office) ne signifie pas une licence gratuite: le titulaire du brevet devra toujours bénéficier d’une rémunération raisonnable. Aussi, le dispositif de l’accord de Bangui prévoit de se tourner vers la juridiction compétente en cas de désaccord sur cette rémunération ( il y’a donc là un moyen dilatoire pouvant faire échec aux objectifs des états du-égard à l’urgence ) 3- suite👇👇👇

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