Culture du risque: que nous apprennent les neurosciences?
Les neurosciences permettent de prendre un peu de distance avec l'approche institutionnelle classique et son tropisme du « solutionnisme technologique ».
Il ne s’agit pas de rejeter les apports réels des innovations technologiques, mais de les hybrider avec le fonctionnement réel des êtres humains.
Depuis une vingtaine d’années, les neurosciences ont progressivement confirmé la réalité des intuitions de plusieurs courants de recherche, notamment philosophiques (e.g. la phénoménologie) ou en psycho-sociologie (e.g. théorie du sense-making). Voilà notamment deux résultats de ces recherches qui sont en rapport étroit avec la problématique de l’alerte aux populations :
Nos structures perceptives dépendent de la situation
Les caractéristiques concrètes des situations dans lesquelles nous sommes immergées déterminent les structures perceptives qui sont stimulées (Benasayag 2016).
Une expérience a montré par exemple que le même texte lu sur un écran mobilisait la mémoire de travail à court terme les boucles de feedbacks rapides avec l’environnement, tandis que lu sur papier, la mémoire à long terme, plus complexe, était mobilisée, produisant ainsi d’autres comportements. Cela vaut également pour les caractéristiques psychiques : menace, stress, etc.
L’action précède la cognition
En situation, les corps (ré)agissent, puis nos actes émergent à la conscience réflexive qui essaye d’y attribuer un sens (Weick 1995).
Concrètement, nous agissons, puis notre conscience réflexive cherche dans notre environnement les stimuli qui peuvent expliquer nos actes. Le schéma comportementalisme classique stimuli—> réponse ne correspond donc pas à la manière dont les êtres vivants fonctionnent. Ainsi toute information qui arrive directement à notre conscience réflexive (cognition) ne produit pas d’agir (Benasayag 2017).
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Plusieurs conséquences sont à tirer pour l’alerte aux populations :
Enfin, mettre les citoyens au cœur des processus de sécurité civile nécessite de renouer avec l’idée qu’ils en sont capables, déployant ainsi une rationalité sur laquelle il faut s’appuyer pour gérer les situations de crise (Rancière 2005).
Or le paradigme dominant est l’exact opposé, se situant à la convergence des 3 courants de pensée suivants (Stiegler 2020) :
Renaud VIDAL
RÉFÉRENCES:
ATRISC - Directeur Général en charge du Développement
2 ansUn article qui nous amène à réfléchir sur nos idées arrêtées, nos certitudes... Sans le savoir, nous sommes certainement "manipulés" par les enseignements reçus et transmis depuis des générations. Douter et se requestionner de façon permanente est certainement l'une des meilleures façons de continuer à progresser, et donc à évoluer... Merci Renaud !
Professeure des Universités, psychologie sociale et environnementale, Université de Nîmes
2 ansD'accord en partie, mais je trouve que "l'action précède la cognition" est une façon trop simplifiée d'envisager les choses. L'action est aussi possible et efficace parce que l'individu a intégré des activités cognitives... Cf. système 1 et système 2.
Formateur expert
2 ansmerci Renaud Vidal pour cette prise de hauteur. Tout à fait d'accord sur l'impact situationnel. Et je propose d'y ajouter l'effet émotionnel que produit la situation et qui précèdera toujours la décision objective (Damasio).
Président, directeur général chargé du pilotage, consultant-associé
2 ansMerci à à renaud pour cet article éclairant. L’action précède la cognition…