Débat N°1 : Quel mix énergétique en 2050 pour assurer la neutralité carbone ?
Rappelons la situation actuelle (Fig. 1) : le mix énergétique repose pour 62 % sur le pétrole et le gaz, et l’électricité seulement 25%, dont 90% de production bas-carbone. Pour décarboner notre économie, c’est-à-dire notre façon de vivre, il va falloir augmenter la part d’électricité tout en la maintenant bas-carbone.
C’est pratiquement tous les secteurs d’activité qu’il va falloir décarboner, à commencer par le transport et le résidentiel-tertiaire.
Pour se donner un cap de neutralité carbone, il faut au départ bien évaluer les besoins.
D’abord, la population française continue d’augmenter -- elle pourra atteindre 70 millions en 2050. Ensuite, il va falloir rapatrier l’industrie, que nous avons laissé filer à l’étranger, et doubler sa part dans la consommation d’énergie finale. En effet, les produits importés hors d’Europe sont très carbonés, et ça ne sert à rien de faire un effort chez nous si c’est pour encourager la pollution de par le monde ! Cette augmentation des besoins énergétiques sera compensée par des économies d’énergie : l’efficacité des procédés et la sobriété des consommateurs, notamment en matière de transports.
Aujourd’hui, notre consommation d’énergie finale annuelle est d’environ 1.600 TWh.
Les scénarios Négatep de Sauvons-le-Climat, ou TerraWater des Voix du nucléaire visent 1.400 TWh en 2050.
Les scénarios de l’Etat visent actuellement davantage de décroissance : la SNBC (la stratégie nationale bas-carbone) annonce 1060 TWh, et RTE seulement 930 TWh (Fig.2), mais avec 70 % d’électricité !
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Sous quelle forme l’énergie devra-t-elle être fournie en France en 2050 ?
Pour Négatep, pour la production de chaleur, le solaire thermique et la géothermie peuvent fournir 140 TWh, soit 10 % des besoins.
On compte beaucoup sur la biomasse qui est certes renouvelable, mais dont la combustion émet du CO2. Le chauffage à partir de biomasse pourrait s’élever à 122 TWh, et les agrocarburants à 116 TWh. Si on y ajoute les biogaz issus de la fermentation des déchets ménagers (soit 47 TWh), on atteint 285 TWh, soit 20 % des besoins.
Il reste donc près de 70 % des besoins (soit 950-1000 TWh) qu’il faut couvrir avec l’électricité bas-carbone. C’est cohérent avec l’estimation des autres pays européens, qui envisagent en moyenne un doublement de la production électrique, voire en Allemagne un facteur 2,3.
RTE se limite à 645 TWh d’électricité, ce qui représente quand même une augmentation de 50% par rapport à aujourd’hui.
Mais les investissements annoncés dans le discours de Belfort permettront d’ajouter 345 TWh d’électricité en plus d’aujourd’hui, et d’atteindre 900 TWh en 2050.
Comment produire de l’électricité bas-carbone ?
Tout d’abord, avec l’hydraulique, mais son potentiel de développement est considéré comme faible. Au résultat, on peut tabler sur 70 TWh, le maximum atteint en 2018.
Deuxièmement, les sources intermittentes : éolien et solaire PV sont les modes de production d’électricité qui sont les plus rapides à construire. Le solaire PV peut satisfaire les besoins énergétiques d’une maison d’habitation ou d’une exploitation agricole, moyennant des batteries de stockage, pour le lissage journalier. Par contre, le réseau de transport ne peut accommoder l’intermittence des éoliennes et des panneaux PV que dans la moyenne de 30 % de la puissance totale : l’excédent de production devra être stocké sous forme d’hydrogène, et le manque de production d’électricité devra être fourni par les turbines hydrauliques des STEP (durant quelques heures), et les turbines thermiques alimentées en agrocarburants.
Le nucléaire devra donc couvrir quelque 60 % des besoins électriques, soit 580 TWh, c’est-à-dire un tiers de plus que le maximum de production que nous avons atteint avec le parc nucléaire historique.
Je rappelle que la production d’un EPR équivaut à celle de 2000 éoliennes terrestres de 3 MW ou 700 éoliennes maritimes de 6 MW, ou encore 40 à 60 km2 de panneaux solaires, selon qu’on est dans le Sud ou dans le Nord de la France.