Episode 7 : Quels leviers supplémentaires pour décarboner la consommation d'énergie ?

Episode 7 : Quels leviers supplémentaires pour décarboner la consommation d'énergie ?

Mis bout à bout, nous avons vu que, malgré un déploiement massif des pompes à chaleur et des véhicules électriques, la valorisation de la chaleur fatale et une utilisation intensive de la biomasse, ces technologies ne permettraient pas à elles seules de s’affranchir des énergies fossiles. Quelles sont alors les alternatives restantes ?


Dans un contexte d’approvisionnement contraint en énergie, les solutions à forte efficacité, comme les PAC et les VE, seront priorisées dans un premier temps. 

Pour d’autres usages, notamment dans l’industrie ou le transport aérien, des solutions de production de vecteurs énergétiques à partir d’électricité (Power-To-X), pourront – pour une petite partie – se substituer aux combustibles fossiles. C’est en particulier le cas des procédés à faible rendement, comme la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, ou la synthèse de carburants. A titre indicatif, la production de 100 TWh de carburant de synthèse consommerait, en ordre de grandeur 220 TWh d’électricité. C’est plus de la moitié de la production de l’ensemble du parc nucléaire français sur une année. Un développement à grande échelle de ces solutions demanderait donc de construire des moyens de production d’électricité additionnels.



Pour que l’électrification des usages demeure vertueuse

Le développement des pompes à chaleur et véhicules électriques présenté plus haut implique une électrification massive des usages, et de fait une croissance de la consommation d’électricité. Pour que ce report de source d’énergies soit réellement vertueux, il faut s’assurer que les deux conditions ci-dessous soient remplies :

1. La production d’électricité doit tout d'abord rester décarbonée. C’est aujourd’hui le cas en France, mais ces solutions ne seraient pas vraies pour tous les autres pays européen.

2. Pour assurer la hausse globale de la consommation d’électricité, la France devra augmenter ses capacités de production en développant des moyens bas-carbone - le nucléaire et les ENR – en évitant le recours au gaz et au charbon.



Dans un contexte futur contraint en ressources carbonées non-fossiles (biomasse, CO2), il faudra cependant veiller à utiliser ces ressources pour des usages où les vecteurs carbonés (i.e. les combustibles) ne sont pas ou peu substituables, comme l’aviation ou l’industrie.

 

A la vue de l’ensemble des contraintes évoquées – et sans compter les limitations qui pourraient apparaître sur l’accès aux matières premières, la disponibilité des sols, etc. – nous comprenons désormais que l’arrêt du recours aux énergies fossiles ne pourra se faire uniquement grâce au développement technologique. Les moyens technologiques ne sont pas les seuls leviers d’action qui permettront de réduire la consommation d’énergie fossile.

Une baisse de la demande énergétique globale, via la modification des usages – c’est à dire un effort de sobriété – sera également nécessaire.

 



La temporalité de choix et d'actions

L’industrialisation et le déploiement de nouvelles technologies, telles que le développement massif des véhicules électriques ou la rénovation du parc immobilier, sont des transformations qui s’opèrent sur les temps longs (2) – plusieurs décennies. En revanche, l'évolution des modes de vie peut être stimulée par des décisions politiques et individuelles prises à des échelles de temps beaucoup plus courtes. C’est par exemple le cas du report modal dans les transports (de la voiture vers les transports en commun ou le vélo) ou encore les effets que pourraient avoir des décisions politiques telles que la réglementation du trafic aérien ou des véhicules polluants.

 

Ainsi, à court terme et dans un contexte d’urgence climatique, les actions de sobriété présentent le meilleur potentiel de limitation de nos émissions, ce qui les rend d’autant plus nécessaires.


L'équation de Kaya (1) présentée ci-dessous illustre, de manière simplifiée, comment se répartissent des émissions (quelles qu’elles soient, GES, CO2, particules fines, etc.), en fonction de trois leviers : 

  1. Le choix d’une énergie bas-carbone, afin de réduire le contenu CO2 du vecteur énergétique choisi. C’est notamment le cas de l’électrification en France.
  2. L’efficacité énergétique, c'est-à-dire l’énergie consommée pour répondre à un besoin donné. C’est ce par exemple le cas des véhicules électriques, plus efficaces que les véhicules thermiques. 
  3. La sobriété, c'est-à-dire la réduction des besoins, quels qu’ils soient : besoin de déplacements, d’énergie pour le chauffage d’un foyer, de fabrication de biens de consommation. Par exemple, concernant la mobilité, la sobriété peut se traduire soit par une diminution de l'usage, mais également par un report modal vers des mobilités dites douces ou des transports en commun.

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Après avoir joué sur le choix d’énergies bas-carbone et l'efficacité énergétique, le changement des modes de vie ainsi que les efforts de sobriété auront un rôle crucial – et potentiellement plus rapide – pour atteindre les objectifs climatiques et l’arrêt du recours aux combustibles fossiles. C’est notamment ce qui a été souigné pour la toute première fois par le GIEC dans son dernier rapport (Sixth Assessment Report), indiquant que des efforts de sobriété combinés à l'efficacité énergétique pourraient réduire les émissions de CO2 de 40 à 70% dans certains secteurs de l’économie mondiale (voir figure SPM.7b).

 


Importance d’une approche interdisciplinaire

La transition vers la neutralité carbone impose une forte réduction de la consommation d’énergie, grâce à plus d’efficacité énergétique et à un recours accru à des pratiques de sobriété. Ces dernières doivent être appliquées partout où elles sont possibles, en interrogeant les usages. Ainsi, les auteurs du dernier rapport du GIEC soulignent que les évolutions des usages sont indispensables pour atteindre la neutralité carbone.

Un travail en interdisciplinarité tenant compte également des aspects sociaux et humains ainsi que de la problématiques des ressources et de leurs flux est essentiel .

 

Pour cette raison, le CEA I-Tésé est l'un des membres fondateurs de Prométhée, un observatoire multidisciplinaire de la sobriété énergétique et des pratiques d'adaptation aux crises énergétiques avec l’Université Caen/MRSH, les Mines Paris-PSL, le Dôme de Caen et l'IRTS Normandie-Caen. Les chercheurs de Prométhée associent leurs compétences en économie, en technologie et en sociologie, mais aussi en recherche participative, afin d’analyser en situation les stratégies d’adaptation des acteurs aux crises énergétiques.

 


NOTES

(1) Equation de Kaya : Yoichi Kaya et Keiichi Yokobori, Environment, energy, and economy : strategies for sustainability : Tokyo conference on Global Environment, Energy and Economic Development (1993), United Nations Univ. Press, Tokyo, 1997, 381 p. (ISBN 92-808-0911-3).

(2) Au rythme actuel, le parc automobile se renouvelle en 20 ans, le parc immobilier en 50 ans.

Christophe DESMARES

Manager Technique/Projet/HSE sur site SEVESO SH

1 ans

Une question sur le H2 natif:Dans l'ensemble de votre projection, aucune hypothèse sur cette énergie, pas plus de projection.D'après vos projections en 2050, nous aurons recours aux énergies fossiles alors le H2 natif ?

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