Démystifier la culture financière avec Christine Venne

Propos recueillis par Marie-Eve Arsenault (publiés dans le magazine Premières en affaires Automne 2021)

Quelle importance devrait-on accorder à la culture financière?

Quels que soient notre niveau actuel de connaissances financières et les caractéristiques de notre situation, augmenter nos connaissances en finance nous permet d’augmenter notre degré de confiance. C’est important, car cela nous permet de prendre en charge nos investissements avec davantage d’autonomie, ce qui contribue favorablement à notre enrichissement personnel et à notre sentiment d’accomplissement.

Plusieurs études indiquent que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à posséder des connaissances financières sous la moyenne. D'après vous, ces résultats sont-ils représentatifs de la réalité?

Oui malheureusement. Ce que ces études soutiennent, c'est que peu de femmes se sentent satisfaites de leurs propres connaissances en finance, au point où elles ne sauraient quoi faire si on leur donnait un montant d'argent important à investir. Ces femmes veulent en apprendre davantage sur le sujet avant de s'impliquer activement dans leurs finances.

Qu'est-ce qui, selon vous, explique cet écart?

Cet inconfort, peut être en partie expliqué par le fait que beaucoup de femmes manquent de confiance en la matière, de sorte que l'écart ne serait pas entièrement causé par des lacunes dans leurs connaissances. Autrement dit, il est probable qu'elles en savent plus qu'elles ne le pensent.

Heureusement, nous constatons qu'un nombre de plus en plus élevé de femmes sont avisées financièrement (notamment au sein de la génération X) et qu'elles ne cessent de vouloir parfaire leurs connaissances à cet égard.

On trouve également beaucoup de femmes célibataires qui montrent un intérêt à augmenter leurs connaissances en matière d'investissements. En effet, en raison de leur statut, elles se tiennent davantage au courant des tendances du marché, bien plus que de nombreuses femmes mariées. Souvent, ces dernières sentent moins la nécessitéé de développer leurs connaissances, car elles peuvent aisément acheminer ces questions à leur conjoint.

Cependant, même si les femmes célibataires ont une motivation évidente à apprendre, elles le font dans une proportion moindre que les hommes célibataires.

Pourquoi les femmes semblent-elles avoir moins de motivation à apprendre que les hommes, selon vous?

Notre manque de temps y joue certainement un rôle. Aujourd'hui, en plus du fait que les femmes s'occupent (encore) principalement des soins prodigués aux enfants et aux proches vieillisants et du fait qu'elles soient celles auxquelles incombe (encore) la plus grande part des tâches domestiques, il ne faut pas oublier qu'elles ont des carrières bien remplies.

Beaucoup de choses accaparent nos vies, ce qui nous laisse bien peu de temps pour nous occuper de nos finances et pour augmenter nos connaisasnces financières. On remarque souvent que les événements marquants de la vie (par exemple, la naissance d'un enfant, un divorce ou le décès du conjoint) servent de tremplin pour les femmes, qui sont alors forcées de s'informer et d'en apprendre davantage au sujet de leurs finances.

Or, de façon générale, les hommes n'attendent pas ces moments de vulnérabilité pour s'y intéresser. De la sorte, c'est souvent lorsque nous sommes mises au pied du mur, dans une situation d'urgence-émotions, que devient tout à coup pertinent tout ce qui entoure la question des finances. Est-ce là le meilleur moment pour apprendre? J'en doute.

J’ajouterais également qu’il y a peut-être aussi un certain manque d’intérêt de la part des femmes envers le sujet. Le jargon financier peut rebuter plus d’une personne, femmes et hommes confondus, et il revient aux experts dans le domaine de jouer le rôle d’éducateurs et d’accompagnateurs tout au long du processus d’apprentissage. Trouver la bonne personne qui saura jouer ce rôle est donc très important, et il est certain qu’une femme peut être freinée dans sa démarche si son conseiller financier ne lui offre pas un service à la hauteur de ses capacités, en raison d’un sexisme sous-jacent ou inavoué.

Qu'est-ce qui peut être fait pour renverser la vapeur?

Tout le monde n'est pas prêt à suivre des cours pour augmenter ses connaissances financières. Outre la solution qui consiste à trouver un expert de confiance qui nous aidera à combler nos lacunes, il y a d'autres options. Parler ouvertement des questions d'argent avec celles et ceux qui nous entourent peut aussi constituer un apport précieux à nos apprentissages: partager avec nos proches nos idées, nos expériences et nos connaissances sur l'argent peut être une façon plus accessible d'apprendre et de stimuler notre créativité. Ce qui importe, c'est d'être ouverte à s'exposer aux questions d'argent et, surtout, de prendre l'initiative de s'éduquer sur le sujet, quelle que soit notre avenue pour y arriver.