Daech: comment répondre à la menace?
Parmi une multitude d'émissions spéciales, avec leurs lots l'experts, de commentaires à chaud et d'opportunisme politique, l'émission de Frédéric Taddeï Ce soir (ou jamais!) a enfin livré un véritable débat de fond sur la situation géopolitique et la réponse aux attentats en France.
Des remèdes illusoires de la "guerre contre le terrorisme" à la surenchère sécuritaire, autant de points de vue constructifs, rationnels et posés, autant de mises en garde contre la fuite en avant et le risque d'exacerber les menaces qui pèsent sur nous.
La vidéo de l'émission est disponible ici.
Les invités: Alain Gresh (ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique), Jean-Noël Jeanneney (historien), Caroline Galactéros (polémologue), Jean-Pierre Pochon (ancien haut fonctionnaire des services de renseignement), Myriam Benraad (politologue), Bruno Tertrais (politologue), Anne-Marie Le Pourhiet (professeur de droit public), Thomas Rabino (historien), Dominique Trinquand (général à la retraite, ancien chef de la mission française auprès de l'ONU).
A noter aussi le "buzz" à retardement d'une intervention de Dominique de Villepin le 26 septembre 2014 (!), au moment où la France avait rejoint la coalition internationale menée par les Etats-Unis contre Daech.
Extraits de ce monologue, face notamment à Hubert Védrine:
La guerre contre le terrorisme ne peut pas être gagnée. On ne peut même pas donner de pourcentage, l’échec est annoncé. Pourquoi ? Parce que le terrorisme est une main invisible, mutante, changeante, opportuniste.
Tout ce que nous savons, il n’y a pas de contre-exemple, tout ce que nous savons de ce type de guerre menée depuis des décennies, en particulier depuis l’Afghanistan, a conduit à l’échec.
Ayons conscience que cet Etat islamique, Daech, nous l’avons nous-mêmes en grande partie enfanté, de guerre en guerre, de cette guerre de 2003, du départ de 2011, du lâchage des rebelles syriens (...) en Birmanie, en Malaisie, en Thaïlande, en Indonésie, dans l’ensemble du monde arabe, de la même façon au Maghreb ou en Afrique, eh bien partout ces minorités peuvent se solidariser. C’est à dire que nous assistons par cette guerre contre le terrorisme à une cristallisation de l’ensemble de ces groupes qui établissent des passerelles entre eux à une surenchère pour savoir quel sera le plus cruel, le plus meurtrier, le plus violent.
J’aimerais pouvoir dire que nous sommes prêts. J’aimerais pouvoir dire que nous n’avons pas peur, mais c’est faux. C’est faux parce que nous sommes, nous les Français, une société démocratique qui n’a pas engagé de processus sécuritaire au point d’autres sociétés démocratiques. Je pense à la société américaine. Les communautés américaines dans le monde sont bunkérisées, barricadées, il n’y a pas un cheveu qui dépasse, et donc le risque est infiniment moindre que pour les notres. C’est le chemin qu’a emprunté la société israélienne, c’est le chemin de la politique sécuritaire.
Ce n’est pas la situation de la France. Nous sommes exposés aux quatre vents, en particulier au Maghreb, au Moyen orient, en Asie, et donc dans une situation de vulnérabilité. Et ce qui est vrai là-bas l’est aussi chez nous. Donc j’aimerais que nous prenions conscience de la complexité. Je veux bien qu’on prenne la tête d’une croisade, mais je veux qu’on mesure les risques, et surtout savoir que cette croisade ne peut pas être gagnante.
Cette guerre contre le terrorisme, c’est une guerre sans fin, c’est une guerre perpétuelle. Nous savons qu’elle ne peut pas s’arrêter. La haine entraîne la haine, la guerre nourrit la guerre.
Dominique de Villepin, 26 septembre 2014