De la digitalisation

De la digitalisation

L'objet n’est pas l’intention, il est son serviteur. On parle de la digitalisation comme d’un objet au centre de toutes les attentions. On la décline sous différentes modalités, différents outils, différentes techniques et applications. On parle peu des intentions et des besoins qui lui donnent vie.

En parlant de digitalisation on doit parler de communication, d'intelligence collective et de réseaux, de nouveaux marchés, d'automatisation et de productivité, d'économie de budget et de rentabilité, d'écologie, d'immédiateté, de temporalité maîtrisée, de contrôle, de proximité et de mondialisation, de fluidité, de libre échange, d'attrait pour la nouveauté, de croissance et d'emplois. La digitalisation produit de nouveaux outils qui permettent de s'affranchir des contraintes d'antan (le temps, l'espace) de développer ses connaissances, son autonomie et de prendre des décisions (accessibilité pour tous à un grand nombre de savoirs et d'informations dans un espace-temps libre), d'offrir des services sur mesure (big data) mais aussi de limiter l'espace de la vie privée, de l'exploiter et d'accroître le contrôle des activités de chacun (toujours big data), de contraindre des modes de vie à l'obsolescence ou l'obéissance. 

Quelles sont les fondements de la digitalisation ? Il suffit d'entendre Amazon, Google ou Windows pour savoir que la digitalisation est au service d'une société de communication qui met à disposition de tous une quantité exponentielle d'informations. Comme la 3eme révolution industrielle, l'ère de la digitalisation propose (ou reprend) l'automatisation des tâches (la robotisation, l’intelligence artificielle) en y ajoutant la quasi fulgurance et la permanence de l'information à travers le temps et l'espace (le cloud). 

Pourtant on est encore loin du robot intelligent qui saurait quoi faire face à l'inédit. La question de l'intelligence ne vient pas de ce côté. 

D'un point de vue psychologie cognitive, le partage de l'information entre tous, de façon immédiate et persistante, peut conduire à la construction d'une conscience collective chargée de produire des prises de décisions relatives aux problèmes rencontrés (collectivement). Voilà le désir primaire inconscient de l'humanité, celui qui engendre la digitalisation. Cette dernière n'est qu'un écran de fumée dissimulant une communication en pleine expansion cherchant à terrasser par le collectif les bas instincts primaires et individuels d'un Homo sapiens incapable de résoudre seul les problèmes de l'humanité. Voilà la véritable raison d'exister de la digitalisation. Faciliter et développer la communication et l'intelligence collective salvatrice, libérées des contraintes de l'espace-temps. Mais, il reste un "mais"!

Ce n'est pas parce qu'on reçoit un flot ininterrompu d'informations qu'on sait en faire le tri, la synthèse et l'analyse, à des fins de prise de décision. Les analyses, les calculs de chacun doivent être partagés entre tous pour produire une réflexion collective bien supérieure à la somme des réflexions individuelles, dans le but de solutionner les problèmes collectifs rencontrés. 

Remontons le flow de cette procédure: 

En 1, tout un chacun surfe sur le web (bientôt on interrogera l'intelligence artificielle de notre robot de maison) pour récolter des informations sur un problème qu'il rencontre. Le problème peut être individuel mais finalement rencontré par d'autres, il devient collectif. Il va falloir trouver les bonnes sources et les bonnes informations. On pourrait estimer la perte d’informations suite à la recherche à 20%. On passe à 80% de chance d'atteindre l'objectif (résolution d'un problème de société).

En 2, on doit trier ces informations selon des critères de validité/confiance : source de l'information et intentions de la source, pertinence avec le problème rencontré, date de péremption, ... on peut facilement se faire avoir par la désinformation, les lobbys, ... on descend encore les chances d'atteindre l'objectif à 60%. 

En 3, on fait une synthèse de ces informations, on les analyse et on se fait une représentation de la situation, du problème et facteurs en cause. Ça demande de bonnes capacités d'analyse et d'introspection, pour séparer l'affect du rationnel. On descend nos chances de réussite à 40%. 

En 4, via les réseaux sociaux, on partage notre représentation avec celles des autres. À en croire mon expérience d'utilisateur des réseaux sociaux, beaucoup vont en rester là : donner son avis sur le problème, liker les uns et disliker les autres. On passe nos chances de solutionner le problème à 5%. 

En 5, il va falloir monter ou intégrer un projet avec des objectifs et des coopérations. On devra donc avoir de bonnes capacités d'empathie, de tolérance, de décentration, de négociation, de diplomatie, d'altruisme et de méthodologie de projet, avec une bonne dose de motivation et de valeurs morales. Là, je vous l'avoue, les chances deviennent très minces... on est à 2 %! 

En 6, il va falloir passer à l'action, gérer les incertitudes et les contraintes, affronter le "réel", faire face aux oppositions, aux défections, aux attaques, convaincre, argumenter, user de stratégie et d'évaluation. On est à 1%! 

En 7, on va pouvoir mesurer la performance de son action, se féliciter en cas de réussite, mettre quelques saucisses sur un barbecue et se boire un bon coup. On est descendu à 0,5% en partant du principe qu’un projet sur deux aboutit à un changement durable.

Je vous évite les stratégies individuelles égocentriques utilitaristes, qui sous le couvert de bonnes intentions nous descendraient le tout à 0,2%! 

Comme vous pouvez le voir, même si la digitalisation intervient et développe les phases 1 et 4 (voire 7 si votre frigo vous parle), on n'arrivera pas à nous sauver si nous n'encadrons pas les nouvelles générations à apprendre à sélectionner, synthétiser, analyser, introspecter, coopérer, dialoguer, communiquer, opérationnaliser, concrétiser, évaluer, réajuster et se reposer. Voilà les compétences à développer pour le futur! 

Digitalisons et accompagnons cette digitalisation pour un monde meilleur, tolérant et eco-renouvelable-responsable. 

Enfin, pour finir, revenons au besoin de communication et d'intelligence collective. Derrière ce besoin inconscient se montre des besoins plus visibles, pleinement conscients de groupes et d'individus qui cherchent tout à tour à se libérer ou à se développer. Certains utilisent l'outil pour communiquer, s'exprimer, se libérer des contraintes pesantes du réel et le réinventer. D'autres vendent l'outil, maîtrisent sa fabrication sa production, sa maintenance, sa distribution. Certains d'entre eux en feront un instrument de liberté, d'autres un instrument de manipulation et de contrôle. 

Pour s'y retrouver, une question très simple sera à se poser : avons-nous un besoin, une intention et un outil qui y répond ou bien nous propose-t-on un outil auquel on y attache un besoin ?

Attention au dernier, il alimente le côté obscur du capitalisme !

Enfin, la question ultime : en quoi mon usage de la digitalisation participe à mon développement socio-culturel et à l'émergence d'une intelligence collective salvatrice pour l'humanité?

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