Redonnons à l'éducateur son statut de pédagogue !

Et si l’éducateur était d’abord un pédagogue ?

L’éducateur réfléchit beaucoup. Dans les institutions, accompagné de psychologues, il décrit les comportements observés, ramènent des informations sur l’environnement de l’usager pour tenter de comprendre les raisons d’un placement, des difficultés observées. Avec l’équipe et l’usager, il tente de se projeter vers l’avenir. Si la question du « pourquoi » survient souvent, la question du « comment » peine à trouver du temps pour s’exprimer.

Et pourtant, c’est bien souvent dans la question du « comment » que peuvent s’expliquer les difficultés qui surgissent.

Comprendre n’est pas réussir

On utilise les analyses des pratiques professionnelles (APP) pour comprendre les situations vécues, prendre du recul et une attitude réflexive en identifiant les différents facteurs qui influent sur une situation. Les facteurs sont de 3 niveaux : individuels, interindividuels, environnementaux.

Cependant, si cette phase nous aide à recueillir de l’information, identifier les facteurs et les besoins, mesurer notre implication, elle n’est pas suffisante pour mettre en œuvre une prise en charge, passer à l’action, à l’expérimentation, surtout dans le domaine de l’éducation et de la formation. Ne sont pas abordés la construction d’un environnement motivant et favorable aux apprentissages et les choix des méthodes d’apprentissage, pour une situation individuelle.

De plus, en éducation spécialisée, la question de l’évaluation des prises en charge est souvent tabou. Les métiers de l’humain sont plein d’incertitudes et l’atteinte des objectifs d’un projet personnalisé dépend beaucoup de l’usager. A partir de ce constat, personne ne s’autorise à évaluer ces apprentissages, à définir des critères observables (comme l’évolution des conduites, l’usage de certains mots) et subjectifs (comme l’évolution des représentations ou les ressentis des proches ou des accompagnateurs) pour analyser les résultats obtenus.

Comment peut-on mettre en place un environnement favorable et un accompagnement aux apprentissages ? Quelles mises en projet, quelles situations d’apprentissages sont décidées, en accord avec les besoins, les désirs de la personne ?

Quand peut-on user de méthodes directives, interrogatives, actives et sous quelles formes ? Quelles mises en situations seront les plus adaptées ? Comment pourra-t-on évaluer la pertinence des situations et des méthodes et les résultats obtenus ?

L’éducateur est un pédagogue qui stimule et accompagne l’apprenant (certains diront l’usager) dans ses apprentissages. En éducation spécialisée, les personnes en difficultés prises en charge par les institutions sont des personnes connaissant des déficits dans les apprentissages :

•  Les apprentissages cognitifs, scolaires et réflexifs
•  Les apprentissages relationnels
•  Les apprentissages sociaux (socialisation et intégration professionnelle et économique)

La restauration d’une estime de soi, le développement des capacités intellectuelles, les capacités à communiquer et gérer ses émotions, à vivre en collectivité, à exister en tant qu’être autonome, passent par le « faire ». Si l’éducateur, à l’instar du psychologue, accompagne l’usager dans l’évolution nécessaire de ses représentations, il a une fonction supplémentaire et non des moindres : celle de mettre en place un environnement favorable aux apprentissages et un accompagnement éducatif permettant l’évaluation, les feedbacks et le maintien de la motivation.

Une solution : LES A3P

Les ateliers pédagogiques des pratiques professionnelles (A3P) se veulent des espaces de réflexion nourrissant l’élaboration des projets éducatifs individualisés ou de groupe, la mise en place d’un environnement favorable aux apprentissages (méthodes pédagogiques adaptées, mise en place d’un accompagnement motivant avec des phases d’évaluation des apprentissages). Ils sont dédiés à l’ingénierie éducative (concevoir, mettre en œuvre et évaluer un environnement d’apprentissage) et à la pédagogie (animer cet environnement par le choix des contenus, des méthodes et des situations proposées).

Les thèmes principaux abordés :

• L’analyse des besoins et des désirs : les outils et méthodes de recueils d’information, les types d’entretiens et comment les mener.
• La mise en projet et la déclinaison des objectifs : des objectifs de changement aux objectifs de formation jusqu’aux objectifs pédagogiques et compétences
• Le choix des méthodes, des outils pédagogiques, des contenus et des situations d’apprentissage
• Les formes d’accompagnement : coaching, auto formation, pédagogie par objectifs, la tolérance des écarts
• L’animation des projets pédagogiques, les types d'accompagnement
• L’évaluation de l’environnement et des objectifs pédagogiques : méthodes, outils et interprétation des résultats

Les A3P sont aussi des espaces d’apprentissage et d’expérimentation. Entre chaque séance, les participants auront à mettre en pratique les méthodes, outils, techniques et savoirs abordés dans les A3P.

Les A3P sont une « formation-action » : à travers les situations professionnelles vécues sur le terrain, et face aux difficultés du quotidien, l’éducateur expérimentera des méthodes et des outils pour se construire sa pratique professionnelle.

Conclusion 

Les A3P sont un outil permettant de redonner du sens à l’action et une place aux apprentissages dans un environnement éducatif. L’éducateur pédagogue ne peut se contenter de mettre en place des activités habituelles sans avoir penser auparavant l’environnement d’apprentissage à construire, les situations, méthodes et contenus pédagogiques à disperser dans le parcours de l’apprenant. Des désirs et des besoins doivent surgir des objectifs d’apprentissages évaluables, dans une co-construction avec l’usager.