De quels talents avons-nous besoin pour favoriser l’innovation par tous et pour tous ?
Dans les posts précédents, j'avais partagé des éléments sur le choix stratégique de l'innovation par tous et pour tous (26 nov.), les conditions de réussite de l'innovation (30 nov.), l'impact de l'équipe de direction sur l'innovation (5 déc.), la gouvernance de l'innovation (21 déc.)
Cette fois-ci, l'enquête que j'ai menée porte sur 5 rôles clés pour l’innovation par tous et pour tous :
- L’initiateur de l’idée
- Le connecteur
- Le transformateur
- Le démultiplicateur
- Le « pérennisateur »
L’initiateur de l’idée: C’est la personne qui a décelé un besoin chez des clients ou pour optimiser un fonctionnement.
Parfois, la démarche pour initier des idées peut être très structurée. Par exemple, chez Vallourec, les technico-commerciaux sont en première ligne pour analyser les besoins des clients et les transmettre au marketing avant d’être envoyés à la R&D. L'innovation au sein de Vallourec a ainsi été renforcée par une approche volontariste initiée par Jean-Marc SCEMAMA, Vice-President Corporate Marketing pour que les divisions des produits remontent des besoins qui font l’objet d’une étude avec la méthode « Value Proposition ». Toutes les équipes ont été formées à cette méthode qui fait partie maintenant de la culture commune. Vallourec a pu ainsi réaliser des innovations de rupture en relation avec les besoins immédiats des clients.
A titre d’exemple, Vallourec a réalisé un projet pour Petrobrass dans lequel il a fallu produire des tuyaux qui puissent aller à 5000 m en dessous de la croûte de sel. Vallourec a développé des aciers spéciaux en véritable rupture avec ce qui se trouvait sur le marché. Maintenant, Vallourec est devenu le fournisseur principal avec deux usines au Brésil. De la même manière, Vallourec a aidé un client américain à développer un outil de forage horizontal créant de nouvelles possibilités pour les besoins de forage actuels.
De son côté, Danone a une forte capacité à partir de l’existant pour créer de nouvelles lignes de business. Pour comprendre la logique d’innovation chez Danone, il faut distinguer les innovations de rupture et les innovations qui permettent l’amélioration de produits existants sur le marché ou au sein du groupe. Concernant le portefeuille de produits lancés par Danone, il existe plus de lancements de produits à partir de produits existants que de réelles nouveautés. C’est le cas d'Actimel : un produit similaire - et plus confidentiel - existait déjà ; Danone a su s'en emparer, et en faire un succès mondial. Un autre exemple est le yaourt grec lancé aux États-Unis par un concurrent - Danone a pu reprendre à son compte cette catégorie pour participer à sa croissance, et devenir un leader sur ce marché. « Ce qui caractérise Danone, c'est le foisonnement d’idées. C’est un groupe où il y a de la vie. » Cette pratique qui consiste à s’appuyer sur ce qui existe a été renforcée depuis longtemps avec la « Networking Attitude ». Danone a développé la capacité à aller prendre ce qui marche dans le groupe pour le développer ailleurs. Chez Danone, la « Networking Attitude » se traduit par la mise en place de « Market Place », véritable lieu d’échanges de bonnes pratiques. Cette démarche est maintenant très intégrée dans les programmes de « Learning », les conventions et les réunions.
Le connecteur : C’est la personne qui va mettre en relation diverses équipes transverses à l’entreprise ou à l’extérieur de l’entreprise pour faire le prototypage de l’idée. Ces personnes ont des réseaux bien établis qui vont permettre de trouver des solutions innovantes en combinant différents savoir-faire. Le cas d’Orange est intéressant dans ce domaine. Orange est un groupe qui se transforme en permanence, dirigé par la technologie ; en constante évolution du fait d’une très forte concurrence surtout en France avec un marché concurrentiel et dynamique. Le groupe est leader sur son marché.
Le rôle de connecteur pour intégrer différentes idées ou technologies est essentiel : par exemple la portabilité qui amène Orange à inventer le futur à partir de pratiques existantes dans le groupe. L’innovation peut venir de marchés dans lesquels il est important d’inventer de nouveaux « business model ». C’est ce qui s’est produit avec « l'Orange Money », développée pour le marché africain et qui revient maintenant en Europe. Ainsi, la « cross-fertilisation » est essentielle pour utiliser ce qui se fait en Afrique et au Moyen-Orient pour le grand public. Ces marchés nécessitent des idées nouvelles, intéressantes à intégrer pour les marchés européens.
Le transformateur : Ce sont les personnes qui ont la vision des besoins du « business », capables de prendre les idées innovantes, d’en faire un « prototypage » et de tester le prototype sur le terrain avant de le démultiplier.
Par exemple, chez Orange, ce sont les directeurs de programme dont le rôle est de transformer les innovations en « business » permettant une croissance rentable. Les directeurs de programme sont des personnes transverses qui sont à l'interface de l'innovation et des personnes responsables du business. Ils ont en charge le pilotage de programmes limités dans le temps. L’enjeu pour ces personnes est d’accélérer la mise en œuvre de l’innovation dans une culture de gestion du risque importante du fait de l’impact potentiel sur le réseau, qui doit fonctionner de façon optimale. Pour cette raison, toutes les innovations passent par une même grille de lecture. Or, certaines innovations sont sur de véritables niches qui nécessiteraient un traitement particulier. Ainsi, au-delà de l’identification des personnes qui ont ce talent pour transformer les idées nouvelles en innovation, le management des talents chez Orange pourrait évoluer à terme pour différencier encore mieux, le profil de talent selon le type d’innovation à mettre en œuvre.
Le groupe a identifié des profils de « transformateurs » au niveau de « l'innovation marketing ».
Concernant les technologies, Orange a testé au fil des années plusieurs types de structures légères pour développer l’innovation. Cela a permis à l’entreprise de comprendre quelques clés de succès :
- il faut une structure d'expérimentation avec une visibilité et une taille suffisante pour être crédible.
- Il est important de gérer la compétition entre les start-ups travaillant avec Orange et les équipes en interne travaillant parfois sur les mêmes sujets. Les règles du jeu doivent être claires avec une structure officielle et favoriser davantage la collaboration transversale. Le groupe étant sur un marché très compétitif, cette compétition à l'extérieur peut se retrouver en interne avec le développement de solutions techniques différentes et concurrentes. Orange se remet en question en permanence pour renforcer la cohérence et la collaboration interne mais aussi la coopération avec des acheteurs externes, notamment des start-up.
Le démultiplicateur : ce sont les personnes qui prennent le relais des transformateurs pour faire en sorte que le nouveau produit/service permette un développement rentable du chiffre d’affaires. Chez Orange, les démultiplicateurs sont des piliers essentiels de l’entreprise. Ce sont des managers hiérarchiques efficaces dans l’exécution ; ils ont une vue globale et transversale de l’entreprise et sont garants de la continuité du business à partir de l'innovation. Il est essentiel de savoir valoriser et de développer ces « démultiplicateurs » qui font le succès d’une innovation auprès des clients.
Le « pérennisateur » : ce sont des managers qui vont prendre le relais de l’innovation d’origine, et la bonifier dans le temps avec des innovations incrémentales basées sur des processus d’amélioration continue.
Qu'en est-il des rôles qui portent l'innovation dans votre entreprise?
Prochain post: Comment le management des talents peut-il être un acteur clé dans la mise en place de l’innovation par tous et pour tous ?
A bientôt.
Gilles Dacquet