Des enfants connectés...
"(...)Il faut assurer aux enfants les moyens physiques dont le corps a besoin et leur offrir la possibilité de vivre au maximum au grand air : c'est un axiome pour une éducation qui se soucie de la valeur de la personnalité de l'enfant.
À notre époque [1926] et dans notre société civilisée, les enfants vivent très éloignés de la nature, et rares sont pour eux les possibilités d'entrer en rapport intime avec elle et d'y puiser des expériences directes. Pendant longtemps, l'influence de la nature sur l'éducation de l'enfant n'a été considérée que comme un facteur moral. Ce que l'on recherchait, c'était le développement de sentiments suscités par les fleurs, les plantes, les animaux, les paysages, les vents, la lumière...
Plus tard on a essayé de lier l'activité de l'enfant à la nature en l'initiant à la culture de "petits champs éducatifs". Pourtant, la conception de "vivre" dans la nature, et pas seulement la connaître, est l'acquisition la plus récente de l'éducation. Le plus important, c'est de libérer les liens qui l'isolent dans la vie artificielle des villes.
(...)Lâchez les enfants; qu'ils courent dehors quand il pleut, qu'ils enlèvent leurs souliers quand ils trouvent un peu d'eau et, quand l'herbe des prés est humide de rosée, laissez leurs pieds nus la fouler; qu'ils se reposent paisiblement quand un arbre les invite à dormir à leur ombre; ils crient et rient quand le soleil les éveille le matin, comme il éveille toute créature vivante. Mais nous nous demandons anxieux, comment faire dormir l'enfant après l'aurore, et comment lui enseigner à ne pas enlever ses souliers et à ne pas courir dans les prés. C'est quand il est diminué par nous, irrité dans sa prison, qu'il tue les insectes, les petits animaux inoffensifs, et cela semble "naturel". Nous ne nous apercevons pas que cette petite âme est déjà devenue étrangère à la nature. Tout ce que nous souhaitons pour lui, c'est qu'il s'adapte à la prison sans que cela l'ennuie.
Maria Montessori, La pédagogie scientifique