Deux enfants tués chaque jour ? Comment un chiffre jamais démontré est devenu une référence
La cause des enfants et de leur protection autorise-t-elle toutes les argumentations ? Plus précisément, l'utilisation d'annonces telles que "2 enfants sont tués chaque jour dans leur famille " sans démonstration aucune est-elle acceptable ?
Le nombre et la diversité de ceux qui reprennent cette "estimation" depuis plusieurs dizaines d'années semble progresser au fil des années. Elle se reprend, se retrouve citée comme une évidence, est présentée comme provenant d'une source sûre, semblant faire autorité.
En réalisant un travail de vérification de ses supposés fondements, j'ai remonté le fil de cette histoire. J'ai tenté de retrouver à chaque fois la source de cette estimation. Cela m'a permis de voir quels acteurs l'utilise, lesquels amplifient sa diffusion... Professionnels de santé, associations, élus, personnalités, ministre de la justice en exercice, médias...
Au bout d'un an de travail, le résultat est terrible. Ce chiffre n'a aucune démonstration un minimum probante à son actif. Il cache les données les plus sûres en matière de recensement des homicides d'enfants. Pire, il masque l'évolution du nombre démontré d'homicides d'enfants, qui est à la baisse. Si ce chiffre officiel est forcément sous-estimé, si un chiffre noir existe évidemment, cela ne remet pas en cause cette tendance. et cela n'autorise pas les extrapolations de ceux qui proposent une multiplication par 7, voire plus de 10, du nombre connu d'enfants tués dans leur famille.
Mon dossier sur ce sujet fait plus de 90 pages. Dénoncer l'affirmation fausse de "2 enfants sont tués chaque jour dans leur famille" ne suffisait pas. Je l'ai déjà fait, quelques autres aussi. Mais face à la multitude de ceux qui l'utilisent, cela n'avait que peu d'écho. Il fallait des données et des éléments solides qui permettent de montrer pourquoi cela ne tient pas et comment cette pseudo-information est devenue...une référence.
Trop d'enfants meurent, victimes de maltraitances de la part de leur environnement familial. L'actualité nous le rappelle régulièrement. Raison de plus pour ne pas amplifier les chiffres, les idées fausses à ce sujet, les défiances et les inquiétudes. Car c'est bien ce que génèrent, volontairement ou pas, ceux qui usent de ce chiffre.
Retrouvez ce dossier sur le site du sociologue Laurent Mucchielli :
Psychologue clinicienne
6 ansBonjour, je retrouve là le même effort de rigueur (qui se dilue si facilement hélas dans le social) et qui remet les pendules à l'heure; cela n'est pas sans me faire penser à une conférence sur la bioéthique (10/07/18 Quai des Savoirs Toulouse) et la médecine génomique, qui informe un large public et permet de mesurer l'écart entre nos fantasmes et la réalité des possibles...Une indispensable balance entre la bienfaisance et la malfaisance en matière de tests génétiques...Donc, merci Laurent.
Juriste spécialisée en Droit des Personnes, anciennement Avocat.
6 ansMerci pour cet article . Toutefois , et bien que je me documente énormément sur le sujet , je n'ai jamais lu ce chiffre nulle part.