DISCOURS DU 18/12/2023
Mesdames, Messieurs, en vos grades, titres, fonctions et qualités tels que rappelés par le Bâtonnier COURBET,
Mes Chers Amis,
Cher Jean-Maxime !
C'est avec émotion que je reçois ce bâton à la forte puissance symbolique, ce par un acte que nous avons tous deux voulu ritualiser, en public, et même hors de l’enceinte du Palais de Justice -choix qui a paru étrange pour certains.
La suite de mon discours exposera les maintes raisons de ce choix commun, et je l’espère convaincra sur ce que le sens profond de cette cérémonie peut signifier pour notre Barreau.
Mais avant cela, permettez-moi d’adresser au Bâtonnier COURBET, les quelques mots de remerciements suivants :
Cher Jean-Maxime, nos échanges, et même ton mentorat au cours de ces six derniers mois constituent une transmission de savoir inégalée ; ce sans compter les maints conseils reçus, et sans doute à recevoir encore, des anciens bâtonniers - certains d’entre eux sont ici d’ailleurs, et je les en remercie aussi.
Tu m’as notamment appris qu’un Bâtonnier doit à la fois disposer du don d’ubiquité, d’une santé de fer, d’un calme olympien, d’une propension naturelle à savoir tout faire, d’une diplomatie sans faille : qualités dont tu as su parfaitement faire preuve, sans jactance, sans te mettre en avant.
Pour ces raisons, et tant d’autres que j’aurais pu rappeler, je tiens donc, devant vous tous, à exprimer ma sincère gratitude envers le Bâtonnier COURBET, qui a géré notre barreau avec sérieux, tout autant qu’il a su organiser une transition parfaite entre nos mandats respectifs.
Et, pour cela, le Bâtonnier COURBET doit recevoir nos applaudissements.
A destination maintenant de mon Barreau, dont je vois une belle représentation ici, je tiens à dire que ce passage de bâton symbolise à mon sens deux aspects importants de la fonction de Bâtonnier ; et je reprends pour l’occasion les propos d’un certain Michel GOUDET :
D’abord : « le bâton, c'est le symbole de la transmission. En le remettant, on transmet l'expérience, la sagesse, et le devoir de guider ».
J’ai ainsi pour tâche de défendre mon Ordre, et ses intérêts supérieurs, et non d’être à disposition de tel ou tel intérêt particulier.
Ensuite et surtout : « Le bâton est aussi le pilier qui porte, la main amie qui soutient ».
Ce bâton est donc un symbole de solidarité, il représente la force qui résulte de nos efforts communs ; et il rappelle au Bâtonnier qu’il doit constituer le bouclier protecteur de ses confrères…mais pas leur « couverture ».
Avant d’en venir à ma vision pour ces deux années à venir, permettez-moi de survoler rapidement avec vous quelques jalons de mon parcours, d'abord scolaire, puis professionnel :
Natif d'Avignon, j’ai été jeune élève à l'école st charles (qui n'existe plus), puis au collège Champfleury, avant de terminer mon secondaire au Lycée St Joseph.
A l'issue d'études universitaires à Aix-en-Provence, après deux années de stage en qualité d'avocat collaborateur dans cette même ville, c'est sous l'impulsion, avec ma sœur et associée Corinne CANO, que nous unissions nos compétences et retournions sur nos terres avignonnaises depuis 1998, pour créer notre Cabinet.
Si je dois mon mandant à une élection récente de juin dernier, je pense que c’est aussi, sur un temps plus long, grâce à deux femmes qui partagent ma vie, mon épouse et ma sœur, que je suis à cette place aujourd’hui.
A l’adresse de mon épouse, de ma sœur, et de toutes les femmes d’ailleurs, je me permets de contredire les propos, évidemment datés, de Simone de BEAUVOIR, qui déplorait que : « Socialement, une femme n’est rien sans homme ».
Lysiane, permet-moi ici et maintenant, et il était temps, de faire une sorte de « coming out » - et de t’avouer que, socialement (notamment !), je n’ai été, je ne suis, et ne serai pas grand-chose sans toi…et encore moins pour ces deux années qui viennent ! Mon engagement à venir sera en effet aussi et indirectement le tien, tant le Bâtonnat est impactant dans une vie…
D’engagements, parlons-en, car cela fait longue date que je m’investis pour mon barreau :
- Intervenant dès l’année 2000, sous l’impulsion du Bâtonnier GONTARD, sur les ondes de France bleu Vaucluse,
- Elu au Conseil de l’Ordre sous les Bâtonnats de Louis-Alain LEMAIRE et du fort regretté Jean TANHAM il y a plus de 20 ans,
- Accompagnateur depuis 2007 de quasiment tous les bâtonniers dans les transitions technologiques, numériques, auxquelles notre profession était appelée à répondre,
- Formateur de mes confrères et des élèves avocats, à AVIGNON, à MONTPELLIER, et ailleurs, à l’utilisation des services numériques à disposition de notre profession,
- Et encore, intervenant entre le Palais et mon Ordre pour fluidifier nos échanges informatisés, je n’ai eu de cesse de m’occuper d’intérêts collectifs intéressants ma profession, le plus souvent dans l’ombre.
Le Bâtonnat à venir n’a rien de comparable à ces engagements passés. C’est un changement de nature, de dimension, de responsabilités, voire d’exposition auquel je serai confronté.
Le plus important, quoi qu’il en soit : évoquer devant vous tous mes ambitions pour développer la cohésion, la force et la visibilité de mon Barreau, pour renforcer sa présence sur le territoire vauclusien, et pour défendre encore le périmètre d’action des Avocats avignonnais :
A titre liminaire, et à l’adresse des Avocats avignonnais ici présents :
Ayons tous conscience que mon action, et mes projets à venir ne prendront forme qu’avec le concours actif, non seulement des 18 membres du Conseil de l'ordre que j'aurai l'honneur de présider, mais aussi de nombreux confrères qui s'impliquent dans la vie et les actions de notre Barreau, des différentes commissions, de nos associations, comme l’Union des Jeunes Avocats, l’Association MEDIATION 84, l’Association SOS AVOCATS d’ENFANTS, et même notre Association de football (pour ne citer qu’elles) !
Un Bâtonnier doit certes prendre la responsabilité de donner le cap, de fixer un objectif, de défendre et porter la voix de son Ordre, et même d’arbitrer, voire de trancher des situations problématiques, parfois dans la solitude de décisions dures à prendre ; mais solitude ne doit pas rimer avec isolement, et je compte bien imaginer avec mon Conseil de l’Ordre, avec nos associations, et toutes nos bonnes volontés confraternelles, maintes possibilités pour rendre notre Barreau plus participatif, voire « co-constructif » des actions importantes que je souhaite mener pour mes confrères, et nécessairement avec mes confrères.
Au fil des ans, j'ai été témoin d'un barreau d’AVIGNON qui, sous l'impulsion de ses Bâtonniers successifs, a déjà accompli des actions, des projets, qui s'inscrivent comme incontournables. Par exemple : nos interventions radios sur France BLEU VAUCLUSE ou RCF, notre colloque droit et théâtre, notre concours de l'éloquence, la nuit du droit, nos colloques en droit de la famille, nos interventions en droit de l’entreprise, aux journées d’informations en fiscalité, etc.
Au-delà, le devoir d’un Bâtonnier est de rappeler publiquement, d’où cette cérémonie ubi et orbi, que les Avocats restent les seuls professionnels qui en tous domaines, de manière confidentielle, sécurisée, et en étant assurés pour cela, rendent le droit plus accessible pour tous, et peuvent encore porter les actions les plus appropriées pour que ces droits soient effectifs, devant toutes les institutions, les administrations, toutes les autorités, judiciaires ou non, nationales et européennes - voire internationales si nécessaires.
Qui d'autre que nous peut en dire autant ?
Je le dis, avec conviction : personne d'autre n’a qualité, avec de tels niveaux d’excellence, d’exigence, d’autorégulation et même de contrôle que sont les nôtres, pour apporter conseils, défense, en toute confidentialité, indépendance, et sécurité.
Rappelons-nous à ce titre que notre Barreau, comme tant d’autres, a lutté pour préserver nos valeurs fondamentales, a su manifester pour préserver un accès à l'aide juridictionnelle, voire même un accès à des juridictions fortes et indépendantes, parfois aux côtés, récemment, de magistrats, et encore de greffiers – et que cela ne doit pas être oublié.
Qui d’autre que les Avocats défendent, si besoin dans la rue, aux côtés de tous les personnels de justice, les greffiers, les magistrats, et assistants de justice, un état de droit, une justice indépendante de tous intérêts purement économiques ?
Avez-vous vu défiler d’autres professionnels, voire des professionnels du droit aussi tonitruants que nous à vos côtés, pour défendre une justice pour tous, et un véritable Etat de droit ?
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Je ne le pense pas.
Il est clair en tous les cas que, jamais vous ne verrez les dirigeants des plateformes numériques, voire d’autres professions, réglementées ou pas d’ailleurs, défendre physiquement, une justice de qualité, une justice pour tous, une justice libre de toutes pressions, et surtout indépendante.
Avec la gravité qui s’impose, n’éludons pas le danger que représentent ce que nous nommons tous les braconniers du droit, tous ceux agissant ici, ou ailleurs, des annonceurs sur le bon coin aux legaltechs et autres world companies ; et qui n’ont pour seul objectif, que de s’accaparer ce qui pour eux, n’est qu’un « pan lucratif de l’activité économique ».
Je souhaite maintenant partager avec vous ma vision positive, tout autant qu’offensive, pour l'avenir de notre barreau :
Je souhaite donner à l’Avocat avignonnais toute la place qui doit être la sienne dans la cité, je souhaite promouvoir le rôle fédérateur et positif qu'il joue, et doit encore plus manifester dans notre territoire - et pas seulement dans le système judiciaire !
Nous les Avocats, libres, indépendants, respectueux d'une déontologie, nous travaillons dans maints domaines, certes de manière visible, en robe, au sein du Palais de Justice ; mais tout autant et sans doute de plus en plus, de manière moins visible, en costumes de ville, en dehors de ce Palais.
Cela justifie de plus fort que cette cérémonie de passage de bâton se déroule au sein de cette magnifique salle des fêtes de notre maison commune : ne voyons plus seulement l’Avocat comme un auxiliaire attaché à son Palais de Justice ; voyons-le aussi comme un partenaire dans tous les actes de la vie, de ceux qui nécessitent une expertise juridique sérieuse - et nombreux sont ces actes, parfois bien éloignés de ce Palais.
Notre barreau d’AVIGNON regorge de talents exceptionnels dans tous les domaines du droit. Et, évidemment, car je suis un vauclusien éclairé, et que je vois parmi vous Monsieur le Bâtonnier Emile-Henri BISCARRAT et Mme le Bâtonnier Martine PENTZ, respectivement Bâtonnier et Bâtonnière élue du Barreau de CARPENTRAS, ces talents sont présents dans tout notre département !
Nos confrères vauclusiens sont compétents, créatifs et engagés ; et mon premier devoir, celui que je dois à mon Barreau, sera de mieux faire connaître ceux du Barreau d’AVIGNON.
Nous sommes forts de 330 confrères environ, outre une trentaine d’avocats honoraires au sein de notre Barreau - nous sommes donc peu ou prou 360 Avocats à Avignon.
360, quel beau chiffre : en aéronautique, une passion de jeunesse, c'est à la notion de « tous les azimuts » auquel ce chiffre peut être associé !
Oui, être Bâtonnier, c'est affirmer sans forfanterie, mais sans vergogne non plus, que nous, avocats au Barreau d’AVIGNON, avons vocation à être partout !
Je crois fermement en l'importance de la présence physique, pour ne pas dire organique, des avocats sur leur territoire.
A la suite des actions des Bâtonniers qui m’ont précédé, dont le Bâtonnier COURBET, je veux amplifier les relations de mon Barreau avec les acteurs locaux, les collectivités territoriales, toutes les associations, organisations et les institutions qui, de près ou de loin, s'attachent à rendre les droits accessibles et effectifs, pour tous.
Vous l’avez compris, je veux renforcer nos liens et notre impact sur le terrain.
Je souhaite surtout qu’à la virtualisation des pratiques judiciaires et juridiques, à tout ce qui les désincarnent, voire les déshumanisent, nous maintenions toujours comme centrale, la notion de proximité de l’Avocat avec ses multiples interlocuteurs.
Des Avocats de chair et d’os ; car le droit, c’est la vie !
Au risque encore de recycler un slogan déjà éculé, je veux aussi « penser global », mais « agir local ».
La récente convention signée par mes soins sous délégation du Bâtonnier COURBET, pour mon Barreau, avec l’Hôpital d’AVIGNON pour de prochaines interventions d’avocats, au sein même de la Maison MAZARINE, qui prend en charge les violences intra-familiales, constitue un acte fort en vue de mon début de mandat, en ce sens.
Quel est en effet notre objectif commun, quelles que soient les actions que nous portons : assurer la paix sociale.
Comment y parvenir : par un accès égal aux droits pour tous, évidemment. Mais aussi par la prise en main de notre avenir en employant les outils, encore trop peu usités, du droit collaboratif, des modes amiables de règlements des litiges ; et même, de la contractualisation dans nos territoires, du droit.
A ceux qui pensent encore que la loi aurait un « effet magique », à ceux qui imaginent des textes si incompréhensibles qu’ils nécessitent de plus en plus souvent des circulaires explicatives -voire, pire, interprétatives !-, à ceux qui légifèrent sans s’inquiéter ni des effets, ni des impacts différenciés sur nos territoires de textes monolithiques, à ceux qui réforment sans se soucier des moyens humains et matériels, des financements nécessaires à l’action publique (dont celle judiciaire) ; à ceux qui pensent que trancher un litige est nécessairement facteur de paix sociale (les mots « trancher » et « paix » étant, comme le vinaigre et l’huile, parfois difficilement miscibles)…je dis :
Pour continuer à faire « société » à notre niveau local, emparons-nous des rares espaces de liberté qu’il peut encore nous rester ; contractualisons nos pratiques, notamment judiciaires, et plus largement les droits dont nous avons encore la libre disposition dans tous les secteurs juridiques !
Pardonnez cet anglicisme, mais je veux, dans ma ville, pour mon département, substituer, à la logique du « top down », celle du « down top » !
En définitive, la synthèse de mon discours, si elle devait être ici effectuée, serait la suivante :
Les Avocats vauclusiens, acteurs de proximité, experts dans toutes les matières juridiques, constituent au quotidien, des facteurs majeurs de paix sociale, ce d’autant plus qu’ils agissent tout autant au sein des Palais de Justice, que partout au dehors.
Ce sont pour ces raisons, que la profession d’Avocat communique actuellement, pour faire comprendre à tous les publics, que la justice n'est pas seulement judiciaire ; qu’elle ne doit plus, dans le sens commun, être résumée au jugement, à ce qui tranche, qui ne satisfait qu’une partie, voire aucune parfois.
Mon projet donc, c’est mon barreau, mon territoire, nos activités en commun à développer, le tout pour améliorer le « vouloir vivre collectif », qui reste à mes yeux le seul dessein qui mérite d’être poursuivi, qui que nous soyons, d’où que nous venions, quelles que soient nos convictions, lorsque nous avons la charge d’être investis de mandats représentatifs.
Albert Camus écrivait, dans sa « Lettre à un ami allemand » :
« J’ai choisi la justice au contraire, pour rester fidèle à la terre…Ce monde a du moins la vérité de l’homme, et notre tâche est de lui donner ses raisons, contre le destin lui-même… »
C'est avec donc un humanisme optimiste et renouvelé, que j'accepte ce bâton, et les responsabilités qu’il symbolise.
Merci.
Un grand moment de solennité et de fraternité, merci