Donald Trump, le candidat-patron qui peine à s'attirer le soutien du monde des affaires
Pour s’imposer lors des primaires du Parti républicain, Donald Trump n’a cessé de vanter son parcours de chef d’entreprise. Une manière de valider des talents de négociateur et de gestionnaire qu’il veut désormais mettre au service de la nation américaine pour lui rendre sa grandeur, selon son slogan. Mais, malgré la dynamique créée auprès d’une partie de l’électorat républicain et après un an de campagne, force est de constater que peu de ses pairs osent afficher leur soutien à un candidat qui donne de l’urticaire à la plupart des lobbies pro-business.
Parmi les exceptions, Andrew Beal, fondateur de la banque texane du même nom. Ce grand joueur de poker et 115e fortune mondiale est convaincu que M. Trump sera capable d’opérer un « changement radical » à Washington, critiquant un système politique bloqué, qui n’est plus en phase avec les aspirations des Américains. Il avoue notamment avoir été séduit par le fait que le milliardaire lui a retourné le chèque de soutien de 100 000 dollars qu’il lui avait envoyé. Un geste cohérent avec le discours tenu par M. Trump tout au long de la première partie de sa campagne, à savoir qu’il est son propre bailleur de fonds.
« Il ne sera pas redevable à des intérêts particuliers », se félicite également Harold Hamm, le patron de Continental Ressources, l’un des premiers producteurs américains de pétrole et de gaz de schiste. Celui qui fut conseiller pour les questions énergétiques de Mitt Romney, le candidat républicain à l’élection présidentielle de 2012, a assuré, dans une lettre publiée fin avril, qu’il n’avait pas choisi M.Trump faute de mieux, mais parce qu’il est le « meilleur candidat », parce qu’il « a le courage de prendre des décisions difficiles ».
Changer la façon de faire de la politique : l’argument revient en boucle au sein du groupe clairsemé et hétéroclite de dirigeants qui se sont rangés derrière le milliardaire. C’est le cas de l’actionnaire activiste Carl Icahn, qui a, lui, déclaré sa flamme dès septembre 2015. Pour situer le personnage, il est l’un de ceux qui ont inspiré Oliver Stone pour son film Wall Street, tourné à la fin des années 1980. L’ignoble Gordon Gekko, joué par Michael Douglas, c’est un peu Carl Icahn. « Nous avons besoin d’un président qui puisse faire bouger le Congrès », argumente-t-il dans une vidéo.
De façon assez paradoxale, l’une des propositions du candidat qu’il appuie particulièrement est celle qui concerne l’augmentation de la taxation des revenus des dirigeants des fonds spéculatifs, dont M.Icahn est pourtant l’incarnation. M.Trump s’est en effet déclaré favorable à la suppression d’une niche fiscale qui leur permet de payer proportionnellement moins d’impôts que le salarié moyen américain, plaidant ainsi pour une réduction des inégalités qui menacent de saper l’économie américaine.
On ne pourra donc pas reprocher au raider de prêcher pour sa paroisse, ni d’attendre un poste en retour. M.Icahn, 80 ans, a en effet décliné l’offre que lui avait fait M.Trump de le nommer secrétaire au Trésor en cas de victoire. « Je ne me lève pas assez tôt pour ce genre de job », avait-il plaisanté. L’homme, qui s’était jusqu’à présent décrit comme un « centriste », distribuant son argent aussi bien du côté républicain que du côté démocrate, a annoncé en octobre 2015 son intention de lancer un comité d’action politique, doté de 150 millions de dollars.
Ce qui est sûr, c’est que ni M.Icahn, ni M.Beal ne sont rancuniers : en 2009, les deux hommes avaient eu maille à partir avec M.Trump en se retrouvant devant le tribunal pour tenter de prendre le contrôle de l’une de ses sociétés, Trump Entertainment Resorts, alors en faillite. La justice avait finalement tranché en faveur de M. Trump, qui s’opposait aux modalités de l’utilisation de son nom. En 2014, cette société qui groupe plusieurs casinos à Atlantic City (New Jersey) faisait à nouveau faillite et tombait cette fois-ci dans l’escarcelle de… M.Icahn.
Un autre soutien, Thomas Barrack, le fondateur et patron du fonds Colony Capital, très investi dans l’immobilier, a lui aussi fait des affaires dans le passé avec M.Trump. Il lui avait notamment vendu en 1988 le prestigieux Plaza Hotel en bordure de Central Park. M.Barrack, qui fut numéro deux du Département de l’intérieur sous l’administration de Ronald Reagan, estime qu’il existe beaucoup de similitudes avec l’ancien président. « Quand il s’est présenté, c’était un cow-boy, un acteur californien. Les gens disaient que c’était une blague », expliquait-il en mars dans une interview au Wall Street Journal, ajoutant que M. Reagan avait ensuite su s’entourer de gens compétents. « Je pense que Trump fera la même chose », affirme M.Barrack, qui mise sur le pragmatisme du candidat, pensant qu’il va se garder de mettre en pratique tout ce qu’il a pu promettre durant la campagne. « Son discours qui semble musclé va s’apaiser », veut-il croire.
Ken Langone, le cofondateur de la chaîne de bricolage Home Depot, s’est finalement lui aussi rallié il y a peu à M. Trump, après avoir soutenu deux de ses adversaires malheureux : Chris Christie, puis John Kasich. Pour lui, ce qui compte, c’est surtout de battre Hillary Clinton tout en essayant de trouver quelques qualités au magnat de l’immobilier. « Je le connais bien. Je n’ai jamais eu de mauvaise expérience avec lui et je connais des gens qui ont fait affaire avec lui et ont tous eu une bonne expérience », a-t-il déclaré le 5 mai sur la chaîne CNBC. On a connu panégyrique plus argumenté pour justifier des convictions.
L’enthousiasme du milliardaire Sheldon Adelson, qui s’est pourtant dit il y a quelques jours prêt à contribuer à hauteur de plus de 100 millions de dollars à la campagne de M.Trump ne fait pas non plus preuve d’un enthousiasme débordant. « Il a créé un mouvement dans ce pays qui ne peut être nié », a-t-il lâché dans un point de vue publié dans le Washington Post le 13 mai. Ce self-made man, propriétaire du casino le Venetian à Las Vegas est traditionnellement un important donateur du parti républicain, ce qui avait conduit M.Trump a poster en octobre 2015 un Tweet assassin disant que M.Adelson voulait faire de Marco Rubio, l’un de ses principaux adversaires à l’époque dans la course à l’investiture républicaine, « sa parfaite petite marionnette ».
Reste que pour l’immense majorité du monde patronal c’est l’inquiétude qui domine à l’idée de voir M.Trump porter les couleurs du parti républicain à l’élection présidentielle. Beaucoup sont effrayés par ses positions protectionnistes, qui menacent le libre-échange. Certains s’interrogent sur les conséquences de l’expulsion de 11 millions d’immigrés illégaux sur l’économie américaine. D’autres enfin s’alarment de l’explosion du déficit budgétaire que généreraient ses propositions à l’emporte-pièce.
Les milieux d’affaires ne sont d’autant pas pressés de faire allégeance à M.Trump, que celui-ci multiplie les changements de pied sur différents sujets, à commencer par sa réforme fiscale, promettant tout et son contraire. Les grandes banques de Wall Street, qui n’ont plus fait d’affaires avec M.Trump depuis plusieurs années, lui tourne ostensiblement le dos, à l’image de Llyod Blankfein, le PDG de Goldman Sachs. Il y a quelques mois, celui-ci confiait son effroi à la simple idée que M.Trump puisse avoir un jour le pouvoir d’appuyer sur le bouton de l’arme nucléaire. Quant aux patrons de fonds spéculatifs, M.Trump n’a cessé de les vouer aux gémonies. Aujourd’hui, beaucoup le lui rendent bien.
Dans ce contexte, au-delà de quelques vieux amis comme Richard LeFrak et Howard Lorber, deux magnats de l’immobilier New-Yorkais, ou encore Dana White, le patron de l’Ultimate Fighting Championship, une ligue d’arts martiaux, le premier cercle fait pâle figure et a pour le moment bien du mal à s’élargir. La récente nomination de Steven Mnuchin comme directeur financier de sa campagne a pour but de rectifier le tir. Il n’est plus question de s’autofinancer, mais d’aller chercher des soutiens sonnants et trébuchants pour battre Hilary Clinton. C’est pourquoi M. Trump multiplie les clins d’œil au secteur financier comme l’interview accordée, le 17 mai, à Reuters, où il critique la loi Dodd-Frank sur la régulation financière.
L’indépendance qu’il brandissait dans la première partie de sa campagne a sans doute vécu. L’heure est désormais à l’efficacité. En témoigne le recrutement surprenant de M. Mnuchin : l’homme a fait fortune chez Goldman Sachs, l’une des cibles favorites de Donald Trump, et a travaillé pour George Soros, l’un des plus gros contributeurs aux campagnes démocrates. Sans doute une façon de montrer que dans les affaires comme en politique, il faut savoir être pragmatique. Reste à convaincre les chefs d’entreprise qu’ils ont quelque chose à y gagner.
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PHOTO: Donald Trump embrasse l’investisseur activiste Carl Icahn, à New York, le 19 avril. Bloomberg / Bloomberg via Getty Images.
CEO - NOVECIA/ A2MK MOROCCO
8 ansConnaissant un peu le système électoral américain, le future président devra être républicain (Trump); 8ans démocrates / 8ans républicains, ça serait la première fois dans l'histoire des US que cette règle ne sera pas respectée, car Mr Trump ne bénéficie pas de l'unanimité chez les républicains eux mêmes et bcp d'etats importants (Swing state: Ohio, Texas,...) voteront contre et donneront vainqueur Mme Clinton. À suivre..
Directeur Général
8 ansC'est un article très interessant. Je suis d'accord sur le fait que le discours de Donald Trump devrait se "centriser" après la tenue de la Convention Républicaine en Juillet prochain à Cleveland. L'adoucissement du discours des candidats de la droite est une règle qui a été rarement démentie dans la course à la Maison Blanche.