Dormez tranquilles jusqu’en 2100 et autres malentendus sur l’énergie et le climat (2015), Jean-Marc Jancovici

Dormez tranquilles jusqu’en 2100 et autres malentendus sur l’énergie et le climat (2015), Jean-Marc Jancovici

Préambule : Le but de cet article est de présenter les idées principales du livre, il n’entend pas les critiquer ni les entériner. Il ne se prétend pas non plus exhaustif, rien ne pourra remplacer la lecture de l’ouvrage lui-même. C’est particulièrement le cas pour ce livre qui est très dense.

Nos sociétés et nos économies dépendent énormément de l’énergie, or les sources d’énergies fossiles sont de moins en moins disponibles ce qui va entraîner une baisse de l’énergie disponible et de nombreux problèmes. Cette phrase résume très grossièrement ce livre de Jean-Marc Jancovici. 

Une première idée essentielle présentée par l’auteur est que la croissance économique est une augmentation du PIB, donc des revenus. Tant qu’il y a de la croissance, il est possible d’allouer des fonds à de nouveaux projets sans que cela pénalise les anciens projets en cours. Sans croissance donc, on est forcés d’abandonner un ancien projet pour se consacrer à un nouveau ou bien de s’endetter. Dans un monde sans croissance, un élu ne peut alors plus promettre de donner davantage à tout le monde ; un candidat peut en conséquence très difficilement ne pas promettre la croissance. Mais, selon l’auteur, la croissance est liée à notre consommation d’énergies fossiles, qui permet de faire travailler les machines à la place de nos membres et de démultiplier ainsi la production. De plus, une grande partie des emplois, surtout dans le tertiaire, dépend des flux de biens entraînés par nos machines dopées aux énergies fossiles. A moyen terme, la baisse de l’énergie disponible va entraîner celle du PIB et donc de notre niveau de vie. Nous aurons alors besoin de plus de techniciens – comme les maraîchers et les plombiers – et de moins de personnel de bureau.

Une deuxième idée est que parler de degrés en 2100 lorsqu’on évoque le réchauffement climatique est trompeur, mais c’est la seule information qui subsiste lorsque l’on passe des rapports du GIEC aux médias. La date de 2100 nous semble alors très éloignée et on ne parle que de quelques degrés Celsius, ce qui nous semble négligeable. Mais d’une part on parle de l’évolution d’une moyenne mondiale et annuelle, il y aura donc de fortes disparités à la surface du globe et au cours de l’année. D’autre part, tout ce qui nous sépare de la dernière ère glaciaire, c’est 5°C de moyenne (et la température moyenne n’a évolué qu’au rythme de 0.1 °C par siècle). Ces changements de température vont entraîner de grosses tensions sur l’agriculture – surtout que nous disposerons de moins d’énergie pour la doper – et des dégâts aux infrastructures.

Lorsque l’on parle d’énergie, les « renouvelables » sont très importants pour l’écologiste classique, surtout le solaire et l’éolien. Mais, pour l’auteur, c’est un avis antinucléaire plutôt que pro-climat, car prendre la voie du nucléaire permettrait d’enlever du CO2 10-30 fois plus vite que dans le cas où on utiliserait de l’éolien et du solaire (notamment parce que les sources d’énergie renouvelables sont diffuses et intermittentes).

Jean-Marc Jancovici nous met en garde contre les pourcentages : le charbon représente actuellement ¼ de l’énergie mondiale, soit une consommation de 8.2 milliards de tonnes par an contre 70% de l’énergie mondiale en 1900 (mais seulement 700 millions de tonnes par an). Dans la même veine, il est important de noter que si le nucléaire fournit 75% de la production électrique française, cela ne représente que 20% de l’énergie consommée par nos machines, car nous utilisons d’autres formes d’énergie que l’électricité. Pour avoir quelques chiffres en tête, la production électrique mondiale est constituée de 40% de charbon, de 25% de gaz, de 16% d’hydraulique et de 13% de nucléaire. L’extraction du charbon, en plus de son impact sur le climat, est néfaste pour la santé humaine : elle cause de nombreux décès directs et d’autres indirects, liés notamment à l’inhalation de radon ou de charbon. En résumé, électrifier n’est pas forcément « propre », cela dépend de comment l’électricité est produite.

La position antinucléaire est pour l’auteur la plus répandue dans les médias, notamment parce que la population entend surtout les arguments des militants contre cette forme de production d’énergie. Le nucléaire est un sujet très complexe, qui peut être confondu avec les armes nucléaires et qu’on associe à de très graves et rares accidents. La fission nucléaire est pour l’auteur le moyen le plus sûr de produire beaucoup d’électricité. Mais dans le cas de l’énergie nucléaire, nos sens ne nous permettent pas d’estimer l’arrivée du danger ni le moment où celui-ci est écarté, ce qui nous effraie.

Une dernière idée importante est que l’essor de la démocratie - et donc de la surenchère de promesses intenables - date du début de la croissance permise par les énergies fossiles. Des libertés « démocratiques » comme celle d’avoir un logement toujours plus grand sont beaucoup plus difficiles à tenir sans croissance. L’auteur pense donc qu’il est nécessaire que les politiques : 1) comprennent le lien entre économie et énergie, 2) expliquent ce qu’il est possible ou non de faire dans ce cadre et 3) entreprennent de décarboner l’économie française. Sinon nous allons subir des récessions et crises de dettes en série, alors que nous pourrions gérer notre descente vers une nouvelle stabilité via un plan à long-terme.

Léo HOUAIRI

 

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