Double vie (article publié par le Times of Israel du 13 juillet 2021)
Les législateurs israéliens se tenant dans le plénum de la Knesset lors de la cérémonie de prestation de serment du 24e gouvernement israélien, à la Knesset, ou parlement, à Jérusalem, le mardi 6 avril 2021. (Alex Kolomoisky/POOL via AP)

Double vie (article publié par le Times of Israel du 13 juillet 2021)


On se gardera bien d’évoquer ici la vie privée des femmes et des hommes politiques qui ne regardent qu’eux. Depuis un mois, les ministres et le premier d’entre eux mènent une double vie politique, le jour au gouvernement et la nuit à la Knesset. Le jour, le gouvernement travaille dur. Le ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, s’est imposé sur la scène internationale. Celui de l’Economie, Avigdor Liberman, met en œuvre un certain nombre de réformes attendues depuis longtemps comme celle d’encourager la participation au marché du travail de publics qui en sont éloignés. Il le fait avec sa délicatesse légendaire, suscitant la colère des partis ultraorthodoxes qui semblent ignorer que l’Eternel-tout-puissant n’a pas créé un monde où l’argent tombe du ciel. La ministre des Transports, Meirav Michaëli, permet aux soldat(e)s de se déplacer dans de meilleures conditions en désengorgeant les transports en commun. La ministre de l’Education, Yifat Sasha-Biton, prépare une réforme des rythmes scolaires plus en phase avec le calendrier et la vie des familles. Et l’on pourrait multiplier les exemples. Les ministres travaillent. Les Israéliens le savent : 45 % d’entre eux se déclarent satisfaits du fonctionnement du gouvernement et 45% pensent le contraire (sondage Chaîne 12, 12 juillet 2020). En d’autres termes, le gouvernement dispose d’un soutien relatif et l’opposition aussi. Wait and see semblent dire les sondés. Et on peut les comprendre. Depuis le 13 juin, à peine le gouvernement investi – légalement –, un procès en légitimité lui est intenté par l’opposition. Son chef, Binyamin Netanyahou, promet à ses troupes qu’il s’agit d’un mauvais rêve, et que bientôt, ils le retrouveront à la place que le destin lui a assignée. Les députés Likoud et leurs alliés ne lésinent pas sur les moyens : toutes les ressources du règlement de la Knesset sont utilisées pour bloquer les projets de loi et prolonger les séances jusqu’aux petites heures. Dernière technique d’obstruction utilisée pendant ces nuits blanches : afin d’empêcher la formation des commissions, l’opposition rompt avec la tradition en refusant de siéger. Nul doute que cette guérilla parlementaire durera au moins jusqu’aux débats budgétaires, à l’automne, après les fêtes juives. Si le gouvernement réussit à faire adopter son projet de loi de finances à la majorité absolue (61 voix), le gouvernement poursuivra sa route. A défaut, la Knesset sera automatiquement dissoute. L’été réservera aussi son lot de surprises entre soubresauts au sein de la coalition et jeux personnels dans l’opposition. Cela n’empêchera pas le gouvernement de travailler le jour et de subir les assauts de l’opposition la nuit. Comme en amour, en politique, la double vie peut durer longtemps. 

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