Drôle d'époque
Les relations internationales comportent des hauts et des bas. Il en va de même pour l’économie. Jusque-là, rien de très surprenant. Depuis quelques années, j’observe toutefois une accumulation d’événements préoccupants. Il y a toujours eu des foyers de crise politique, économique, financière ou autre ; en revanche, mon ressenti actuel converge vers une inquiétante impression de mauvais alignement des planètes. Une fois encore, il y a toujours eu des crises, quelles que soient les époques, mais la difficulté consiste à identifier les faisceaux d’indice permettant de comprendre qu’une tension, un différend, une revendication ou autre type de dysfonctionnement normalement ponctuel et très localisé peut soudainement se propager à plus grande échelle. En l’occurrence, l’année 2022 incarne à bien des égards un nouvel annus horribilis après les millésimes 2020 et 2021 fortement conditionnés par la crise sanitaire Covid. D’une part, la pandémie n’est pas éradiquée. Les médias traitent moins de ce problème sanitaire toujours existant en raison d’une actualité internationale faisant la part belle à d’autres thèmes devenus prioritaires depuis lors. L’Ukraine accapare les unes de nombreux médias depuis le 24 février. Depuis lors, le monde n’a pas manqué de feuilletons piquants : lutte contre le changement climatique, tensions entre les Etats-Unis et la Chine au sujet de Taïwan, élections présidentielles ou législatives dans plusieurs Etats politiquement et économiquement dominants, prix d’échange des hydrocarbures maintenus à des niveaux élevés, croissance économique ralentie dans le monde et annonce d’une probable récession économique en vue pour 2023, fragilité des marchés financiers, forte hausse des taux d’intérêts, taux d’inflation élevés et mal maîtrisés,… Bref, je ne m’aventurerai pas dans un recensement des sources d’inquiétude ; je constate surtout que tous ces « dysfonctionnements » présentent la caractéristique commune ne de pas être circonscrits dans un espace clairement défini. Tous peuvent se diffuser en raison des innombrables interconnexions caractérisant les relations internationales. Cela signifie qu’on retrouve parfois plusieurs acteurs communs au sein de plusieurs problématiques. Dès lors, les risques d’escalade des tensions augmentent. Autrement dit, un problème initialement local se retrouve exposé à un risque de propagation à plus grande échelle par le simple jeu des interconnexions d’intérêts comme des alliances entre Etats par exemple. Tout cela ne me rassure guère.
D’un autre côté, je ne sais plus trop comment réagir à certaines décisions publiques pour lesquelles je me demande parfois si elles n’ont pas pour objectif inavoué de taquiner l’opinion publique. J’écoute les décideurs publics et il me vient de temps à autres cette question lancinante qui résonne dans ma boîte crânienne : vivons-nous dans la même réalité ? J’assume les propos qui suivront. Je m’expose à être critiqué pour discours démagogique. Croyez-le ou non, les secteurs d’avenir seront la cire, le bois et le silex ! On gaspille l’énergie et cette dernière coûte désormais un bras. En France, on en sait plus trop comment inciter les Français à se prémunir contre d’hypothétiques perturbations d’approvisionnements en gaz naturel, par exemple, l’hiver prochain. Je salue l’effort de prévention de nos dirigeants. Il faut réduire la consommation d’électricité ? Coupons court : éclairons-nous à la bougie ! Allumons du feu pour nous chauffer ! Les voitures polluent et l’essence coûte cher ? Revenons à la charrette ! Vous voyez, ce n’est pas si compliqué de décider ! Pourtant, certaines idées officiellement promues dépassent l’entendement. Qu’on veuille procéder à des économies d’énergie, j’en conviens, nos sociétés contemporaines surconsomment et gaspillent. Certains comportements relèvent de l’absurdité, notamment chez les producteurs d’hydrocarbures. Je garde le souvenir ému d’hivers passés dans des pays au climat rigoureux… où il me fallait ouvrir les fenêtres pendant la nuit afin de ne pas étouffer de chaud en raison d’un chauffage programmé par l’Etat et fixé à des températures intérieures dignes d’un été indien tandis que le thermomètre affichait des températures glaciales à l’extérieur. J’ai connu cela. Qu’on se rassure, j’ai pu constater des aberrations aux quatre coins de la planète, des non-sens que nous dénonçons plus ouvertement mais pour lesquels on oppose des solutions plutôt étonnantes…
Les problématiques liées à l’énergie ne sont pas nouvelles. Lorsqu’on évoque des difficultés portant sur la raréfaction de certaines ressources, des perturbations liées à la production, aux approvisionnements et autres soucis laissant craindre des risques de pénurie, on promeut des décisions inquiétantes. Elles le sont car elles montrent surtout que les problèmes n’ont pas été appréhendés en amont. Les problèmes d’électricité en France ne seront définitivement pas résolus par la mise à l’arrêt des box internet des particuliers la nuit. Qu’on ne se trompe pas de débat ! Cela ferait effectivement économiser des volumes de consommation pour autant, je constate surtout que la France et la plupart des pays européens n’ont jamais fondamentalement misé sur une vision sécuritaire de l’énergie : la diversification. Qu’on ne vienne pas me parler d’éteindre ces fameuses box en vue de réduire l’impact sur l’environnement ; bien d’autres consommations d’énergie sont bien plus nuisibles pour ce dernier. Lorsqu’on me parle des usines de traitement des déchets et qu’on vante le recyclage, de nombreuses études montrent que les éléments recyclés demeurent, pour certains, nocifs pour l’environnement. Qu’on demande aux commerçants d’éteindre leurs enseignes lumineuses la nuit, je dis pourquoi pas, bien que ces derniers craignent un impact sur leur chiffre d’affaires. Il ne s’agit que d’un exemple. Toutefois, les préoccupations énergétiques du gouvernement français m’interpellent car je crains de mal comprendre : pour quelle raison cherche-t-on soudainement, par tous les moyens, à réduire la consommation d’énergie ? Est-ce en raison de la guerre en Ukraine et des risques de perturbations d’approvisionnement en hydrocarbures pendant l’hiver ? Est-ce en raison d’un souci soudainement accru de vouloir combattre toujours plus farouchement le changement climatique ? N’y aurait-il pas une tierce raison que je ne parviens pas à identifier ?
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Arrêtons de tourner autour du pot : qu’on appréhende des problèmes de consommation énergétique le prochain hiver, je comprends les craintes mais je suis convaincu que la France ne sera pas exposée à des pénuries en raison de ce qu’elle produit en interne (l’électricité d’origine nucléaire notamment, malgré la mise à l’arrêt d’une partie du parc nucléaire national) et des sources d’approvisionnement diversifiées pour les hydrocarbures. Le pays survivra à l’hiver. Quant à la lutte contre le réchauffement climatique, la France et l’ensemble de la communauté internationale devront rapidement trouver les moyens de consommer l’énergie autrement et de manière à moins impacter l’environnement. Ainsi donc, je ne propose aucune solution car je n’en ai pas sous le coude ! Je suis incapable de proposer une solution énergétique idoine, comme personne d’ailleurs. En revanche, je suis convaincu d’une chose : ce n’est pas en prenant des décisions à la va-vite et incomprises du grand public que nous résoudrons les problématiques énergétiques. Ce n’est pas en promouvant des propositions étonnantes que les décideurs publics nationaux gagneront à nouveau la confiance des Français. Pour beaucoup d’entre eux, le sentiment qui prédomine se nomme incompréhension lorsqu’ils ne dénoncent pas des incompétences. Je ne me range pas à cet avis que j’entends de plus en plus souvent. Je peux me tromper mais j’ai surtout l’impression que certaines décisions résultent d’un environnement global anxiogène et incertain. En d’autres termes, tout le monde se rend compte que l’ambiance générale, dans le monde, est délicate et qu’une crise majeure, politique, économique, financière ou autre, peut éclater à tout moment. Par crise majeure, j’entends par exemple une intensification de la guerre en Ukraine avec l’emploi d’armes nécessitant l’intervention armée d’autres pays dans le conflit. Ce n’est qu’un exemple mais le climat général est malsain. Il me laisse ainsi penser que certaines décisions en apparence incongrues ne sont en réalité que des tentatives d’appréhension de crise sur fond de prévoyance. C’est bien ce qui m’inquiète. Lorsqu’on a l’impression que nos dirigeants marchent sur la tête, alors que ce n’est évidemment pas le cas, c’est le signe manifeste que quelque chose ne va définitivement plus. Dans cette réflexion, je me suis penché sur le cas français et l’exemple de l’énergie ; le problème n’est pas français et exclusivement inhérent à l’énergie. Le problème est mondial et global.