Droit à la preuve et communication d’un rapport d’enquête interne
Dans un arrêt du 4 juillet 2024 (RG n° 24/00334), la Cour d’appel de Paris a livré une nouvelle illustration de l’appréciation du caractère « indispensable » des mesures au soutien de l’exercice du droit à la preuve.
Quelques mots de contexte : deux collègues de travail entretiennent une relation amoureuse, laquelle prend fin dans des conditions manifestement dégradées.
La salariée signale à son employeur le comportement de son ancien amant, notamment des faits d’humiliations sexuelles au travail.
L’employeur, diligent, réalise une enquête qu’il confie à un cabinet extérieur.
La salariée sollicite ultérieurement la communication du rapport d’enquête interne, au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, estimant que ce document lui permettrait de faire valoir les manquements de son employeur à son obligation de sécurité au regard des mesures prises en considération de la situation dénoncée, que la salariée juge insuffisantes.
Il sera rappelé que l’article 145 du Code de procédure civile permet d’ordonner à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé, les mesures d’instruction légalement admissibles, lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
La Cour d’appel de Paris énonce dans un premier temps qu’il appartient au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, d’abord, de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du harcèlement sexuel et des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.
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La Cour juge ensuite que « la communication du rapport sollicité n’est pas nécessaire à l’exercice du droit de la preuve par Madame [F], alors qu’elle dispose des éléments utiles lui permettant, dans le cadre d’une action au fond, de faire valoir les manquements de son employeur à son obligation de sécurité au regard des mesures prises par ce dernier qu’elle estime insuffisantes, et de la situation dénoncée par elle. »
La Cour s’est notamment fondée sur les éléments suivants :
Notons que la Cour d’appel de Toulouse avait déjà refusé d’ordonner la communication du rapport d’enquête interne sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, aux motifs notamment qu’au stade antérieur à une instance au fond, la demande de communication n’apparaît pas proportionnée à l’atteinte qui serait apportée à la confidentialité de certains témoignages consignés dans le rapport qui comporte des éléments allant au-delà des données personnes concernant le salarié (CA Toulouse, 19 janvier 2024, RG n° 23/02401).