Droit des personnes / Etat civil / codification du changement de sexe.
Bien qu’il s’agisse d’attributs personnels qui caractérisent l’unicité de chaque personne, le nom, le prénom et le sexe ont - de tout temps - été tenus éloignés la volonté individuelle : Le sexe devait s’accepter, le nom se transmettait et le prénom se recevait, l’ensemble devant être le plus intangible possible, au nom de la sécurité des rapports juridiques avec l’Etat et les tiers.
Le droit de « l’état civil » fait donc un peu sa « révolution » avec la loi du 18 novembre 2016 qui introduit le changement de sexe dans le code civil et « déjudiciarise » le changement de prénom, induisant ainsi l’idée d’une possible réappropriation par l’individu de ces deux attributs identitaires forts.
Avant le 1er janvier 2017, le changement de sexe était exclu du champ de la loi. C’était uniquement au juge qu’il appartenait de traiter ce que la société refusait de concevoir. Assumant avec difficulté le manque de courage législatif, celui-ci s’était à son tour réfugié derrière la médecine : Pour pouvoir demander le changement de sexe sur son acte de naissance, il fallait ainsi justifier du « caractère irréversible des transformations physiques visibles et de la persistance d’un syndrome transsexuel» (Cass. Civ. 13 février 2013), voire même prouver « l’impossibilité de procréer dans son sexe d’origine » selon certains tribunaux…
Cette situation était régulièrement dénoncée par la communauté transsexuelle, estimée à 15000 personnes en France, qui n’avait de cesse de rappeler que le changement d’identité sexuelle n’avait aucun caractère pathologique et ne se résumait pas à un acte chirurgical. Elle soulignait encore que cette approche restrictive était contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme, rappelant au passage que plusieurs pays dont l’Irlande, la Norvège, Malte, le Danemark ou l’Argentine avait déjà supprimé l’obligation de produire des certificats médicaux pour obtenir la modification du sexe à l’état civil au profit du principe de « l’autodétermination » des personnes.
Leurs représentants demandaient ainsi la possibilité de changer la mention de leur sexe à l’état civil sur simple déclaration. Plus fermement encore, ils exigeaient la suppression définitive du « critère médical » pour apprécier le changement d’identité sexuelle, exigeant la possibilité de se déclarer homme ou femme en accord avec leur genre. Avec ou sans opération.
Le message a été entendu par le législateur français. En partie au moins puisque s’il n’a pas immédiatement supprimé le contrôle du juge, il a définitivement éliminé le critère médical. Depuis le 1er janvier 2017, le nouvel article 61-5 du code civil autorise donc toute personne qui démontre par « une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue, peut en obtenir la modification ».
La loi prévoit d’emblée qu’il sera notamment suffisant de se présenter publiquement comme appartenant au sexe revendiqué, d’être connu sous le sexe revendiqué par son entourage familial, amical ou professionnel ; ou même d’avoir obtenu le changement de son prénom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué.
Plus encore, pour éviter toute dérive interprétative rigide de la part de certains tribunaux, le texte précise expressément que « le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut pas motiver le refus de faire droit à la demande ». C’est désormais clair et précis : le geste chirurgical ou hormonal peut venir conforter une demande de changement, mais il ne pourra jamais plus constituer une condition.
A noter que cette précision n’aura pas suffit à apaiser les associations qui persistent à dénoncer vivement le principe du contrôle judiciaire. L'Association Nationale Transgenre (ANT), comme la Fédération LGBT ont déjà fait savoir que selon eux, le fait de laisser au bon vouloir d'un juge la validation d'une démarche de changement d'état civil ne ferait que « renforcer certaines inégalités ». Appréciation certainement injuste si l’on rappelle que le juge judiciaire est indépendant et gardien des libertés individuelles, ce qui n’est pas le cas d’un officier d’état civil ; mais révélatrice de la méfiance qu’une institution judiciaire traditionnellement conservatrice en matière de mœurs inspire à une communauté trop longtemps incomprise, qui se sent donc méprisée.
Illustration : Lüthi Urs, Light sculpture, photographie, 1972.