du rôle de chargé de projet

"Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément" disait Rabelais. Ce qui peut signifier donc qu'à l'inverse, ce qui se conçoit mal (voire qui ne se conçoit même pas dans le sens qu'il n'y a pas eu réelle analyse préalable), ne peut s'énoncer clairement. Ceci s'applique particulièrement à la fonction dite de "chargé de projet". Pour avoir étudié et enseignée ne gestion de projets, voici quelques constats et pistes pour aider à bénéficier pleinement du rôle que peuvent jouer des chargés de projet dans une organisation.

Pour commencer, être "chargé de projet" ne signifie naturellement pas être chargé de réaliser le projet. Ce qui peut paraître évident sauf que dans la pratique et en contexte de rareté de ressources humaines, on peut aboutir à cette assimilation. Un chargé de projet est plutôt la personne chargée de provoquer la réalisation du projet. Provoquer dans le sens d'utiliser toutes les méthodes de travail reconnues pour leur efficacité sur la réalisation des projets. Citons, la conception de projet, sa planification, l'identification des parties prenantes au projet, la gestion des risques liés à la réalisation, le suivi et l'évaluation de l'implantation, etc...Ce qui nous amène à souligner une autre assimilation fréquente, celle de considérer que tout "gestionnaire" peut aussi assumer le rôle de "gestionnaire de projet", ce qui est faux puisque la qualité de gestionnaire n'a de sens que par rapport à l'objet de gestion, or une équipe ou un projet ça ne se gère pas de la même façon sans quoi on n'aurait pas eu de discipline nommée "gestion de projet" justement ! Cette deuxième assimilation peut être à elle seule lourde de conséquences : n'étant pas qualifiés pour gérer les projets (provoquer leur réalisation), ces derniers généralement ne se réalisent pas. Or, en gestion de projets, on fait très attention aux projets qu'on engage parce que tout projet est un investissement que l'on fait dans le sens où on prélève des heures travaillées pour les dédier à travailler sur une idée (projet) plutôt que sur les opérations concrètes qui sont la raison d'être de l'organisation! La décision est donc à prendre au sérieux parce qu'on ne sort jamais neutre en engageant un projet dans une organisation, soit on capitalise notre investissement (les heures "perdues" finissent par être rentabilisées grâce aux améliorations qui seront apportées par le projet), soit on gaspille ces heures travaillées le projet finissant par être abandonné, faute d'avoir su le gérer par exemple. Sur un plan individuel, ceci revient aussi à placer en situation d'échec des gestionnaires qui peuvent par ailleurs être fort talentueux dans la gestion de ce qu'ils savent gérer (la réalisation des opérations et les équipes sous leur supervision) mais non préparés convenablement à assurer une gestion de projets à proprement parler. Sentiment d'incompétence, démobilisation, maladie...il ne faut pas que la charge de projet soit justement perçue comme une charge (quelque chose de lourd qu'on est obligés de porter). Si l'on est là dedans c'est qu'on n'est pas prêts parce qu'on n'a pas bien évalué ce que ça implique que de gérer un projet et pas choisi judicieusement à qui on attribue cette fonction. Être chargé de projet, ça ne s'improvise pas ! Comme toute pratique de gestion digne de ce nom, ça repose sur des habiletés et sur un savoir ! Qu'il s'agisse d'investir dans de la formation, ou de recruter des experts, ou encore d'adopter une stratégie de spécialisation (avoir quelques gestionnaires qui se spécialisent en gestion de projet), il y a plusieurs façons d'adresser plus sainement la pratique de la charge de projets, et cela au bénéfice et des organisations (leur performance) et des individus qui y travaillent (leur accomplissement professionnel et leur santé au travail) !