Editorial - 27 septembre 2024

Editorial - 27 septembre 2024

Ce jeudi 26 septembre 2024, la Cour de justice de l'Union européenne a reconnu une nouvelle fois l’importance du secret professionnel de l'avocat dans un l’arrêt rendu sur question préjudicielle de la Cour administrative du Grand-Duché de Luxembourg.


L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt peut se décrire comme suit : un cabinet d’avocats luxembourgeois s’est vu infliger une amende administrative pour n’avoir pas donné suite à une injonction de l’administration des contributions de lui fournir tous les documents et renseignements disponibles concernant les services fournis à un de ses clients espagnols dans le cadre de l’acquisition d’une entreprise et d’une prise de participation majoritaire dans une société. Les avocats ont répondu ne pas disposer d’informations non couvertes par le secret professionnel en précisant, en outre, que dans le cadre du dossier en cause, leur mandat n’était pas de nature fiscale mais concernait uniquement le droit des sociétés.

 

L’administration des contributions directes a estimé qu’un tel refus était injustifié et a infligé une amende pour ne pas avoir respecté l’injonction qui lui avait été faite.

 

Un recours en annulation a été introduit contre cette décision et, lors de l’instance d’appel, la Cour administrative de Luxembourg a décidé de poser à la Cour de justice des questions préjudicielles concernant

- (i) l’applicabilité de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à une consultation juridique d’avocat en matière de droit des sociétés,

- (ii) la validité de la directive 2011/16 au regard de l’article 7 et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, compte tenu de l’absence de dispositions relatives à la protection de la confidentialité des communications entre un avocat et son client et,

- (iii) la compatibilité d’une injonction telle que celle adressée à ce cabinet d’avocats avec l’article 7 et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

 

Par son arrêt du 26 septembre 2024, la Cour rappelle que le droit de l’Union garantit le secret de la consultation juridique, et ce tant à l’égard de son contenu que de son existence. La protection spécifique accordée au secret professionnel des avocats se justifie par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique, à savoir la défense des justiciables.

 

Il en résulte qu’une consultation juridique d’avocat bénéficie, quel que soit le domaine du droit sur lequel elle porte, de la protection renforcée garantie par la Charte aux communications entre un avocat et son client : une décision enjoignant à un avocat de fournir à l’administration l’ensemble de la documentation et des informations relatives à ses relations avec son client, afférentes à une consultation en matière de droit des sociétés, constitue une ingérence dans le droit au respect des communications entre un avocat et son client.

 

Certes, précise la Cour, les droits garantis à l’article 7 de la Charte n’apparaissent pas comme étant des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. En effet, le droit de l’Union admet des limitations à l’exercice de ces droits, pour autant notamment que ces limitations respectent le contenu essentiel desdits droits.

 

Elle constate qu’en l’occurrence, l’injonction litigieuse est fondée sur une réglementation nationale en vertu de laquelle le conseil et la représentation par un avocat dans le domaine fiscal ne bénéficient pas, sauf en cas de risque de poursuites pénales pour le client, de la protection renforcée des communications entre un avocat et son client, garantie par l’article 7 de la Charte.

 

Or, en soustrayant quasi intégralement à la protection renforcée dont le secret professionnel de l’avocat doit bénéficier le contenu des consultations des avocats prodiguées en matière fiscale, à savoir la totalité d’une branche du droit dans laquelle les avocats sont susceptibles de conseiller leurs clients, la loi luxembourgeoise conduit à vider cette protection de sa substance même dans cette branche du droit.

 

On ne peut que se réjouir de cet arrêt qui reconnait, une fois encore, que le secret professionnel des consultations juridiques d’un avocat est essentiel et que, pour être conforme au droit fondamental au respect des communications entre l’avocat et son client garanti par l’article 7 de la Charte, les ingérences prévues par la loi doivent se limiter à des situations exceptionnelles.

 

Espérons que législateurs et administrations se conforment à cette jurisprudence et respectent notre rôle essentiel dans la bonne administration de la justice.

 

Parce qu’il n’y a pas d’Etat de droit et de système démocratique sans défense. Qu’il n’y pas de défense sans confidence. Et qu’il n’y a pas de confidence sans secret professionnel, indispensable garantie du respect de la confidence du client à son avocat.


Marie Dupont

Bâtonnière

Lucia Petrella

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3 mois

Barreau de Bruxelles Éventuellement la confidentialité requise pour la défense mais bien trop d'avocats l'utilise pour l'attaque ou même comme un élément constitutif de l'infraction pénale.. jusqu'à tomber dans la complicité à ne pas confondre avec confraternité en un mot bien sûr... comme dans toute bonne chose qu'il est utile d'utiliser il vaut mieux ne pas en abuser sous peine de devoir faire face à des conséquences graves.. Ministère public #usedontabuse Pierre Sculier 🤟🤟🤟🤟

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