Edouard Philippe, anatomie d’un boxeur

Mon sujet ici n’est pas politique et ne comporte pas de jugement de valeur quant à l’homme politique qu’est le Premier Ministre Edouard Philippe ni sur son action. Mais j’ai envie de me saisir de cet exemple que tout le monde connait pour illustrer mon sujet des compétences transférables des sportifs.

Ses apparitions télé fréquentes en ces temps de confinement l’ont rendu plus visible, et nous ont donné à voir un certain nombre de traits dont je ne peux m’empêcher de faire le lien, non pas avec ses études à l’ENA puisque la plupart de nos hommes politiques en viennent, mais avec sa pratique régulière de la boxe.

Je vois d’abord une approche stratégique, avec un cap très clairement défini qui oriente toute l’action, planifiée par étapes, comme un combat qui ne donnera son verdict qu’à la fin, et où chaque round rapproche de l’objectif final, mais où l’on sait qu’il ne sera peut-être pas décisif.

Dans ce combat, je trouve sa façon d’argumenter très précise, comme des coups qui doivent être portés exactement là où il faut, avec l’économie des gestes et des paroles superflues, ce qui lui donne aussi parfois ce ton sec que certains lui reprochent. On peut aussi y voir un certain sens de l’esquive, ainsi qu’une capacité certaine à encaisser les coups, mais aussi à les rendre dès qu’une ouverture se présentera, encore une fois sans le lyrisme ni la hargne de certains, mais au contraire avec puissance et précision.

Autre dimension que je lie à la pratique de la boxe, et du sport en général, sa capacité à admettre ses limites. Il est TRÈS RARE d’entendre un dirigeant politique dire qu’il ne sait pas, et qu’il fait avec les informations qu’il possède et qu’il sait incomplètes. J’y vois pour ma part cette capacité qu’a le sportif à savoir très exactement quelles sont ses limites, ce qu’il sait faire et ce qu’il ne maîtrise pas, avec un sens des réalités très précis. Je repense par exemple à l’immense champion qu’est Martin Fourcade que l’on a pu entendre dire que c’était un jour « sans ». Cela rejoint la capacité du sportif à admettre ses erreurs et ses doutes, avec l’humilité du champion qui sait que l’erreur fait partie du jeu, même s’il a tout fait pour l’éviter.

Je trouve aussi que ses différentes interventions récentes ont été préparées avec une grande minutie et une grande exigence. On ne va pas au combat sans préparation, le boxeur le sait mieux que quiconque, et il devra faire preuve d’une très grande discipline dans la mise en mouvement de son plan d’action. Encore une fois on ne le voit pas sortir de son schéma, de la structure qui a été élaborée en amont, pas d’improvisation.

Enfin, et c’est peut-être l’enjeu qui veut cela, mais il fait preuve d’un engagement physique impressionnant dans l’épreuve. J’ai trouvé saisissantes les images de son allocution devant l’assemblée nationale où il fait un discours long, détaillé, avec une relative facilité apparente, et où on le voit ensuite comme sonné sur le banc après l’épreuve. Il paraît vidé, comme s’il avait tout donné, comme un sportif de haut niveau. 

Je ne sais pas si les liens que je fais tiennent réellement à sa pratique de la boxe, mais on ne peut pas non plus dire qu’il n’y a pas de lien.  

Ce que je sais par contre, c’est que la pratique sportive structure un individu, et que la répétition d’un geste ou d’une attitude, et du sens que ce geste a en regard de l’objectif à atteindre imprègnent complètement et durablement le sportif. Ses comportements en dehors de sa pratique sportive en porteront toujours la trace.

Faire du sport apporte ça aussi, ce n’est pas que de la culture physique.