Elon Musk super-héros ou pompier pyromane de Twitter?
« Houston, nous avons un problème. » La phrase prononcée par l’astronaute Jack Swigert pour alerter le centre de contrôle de la NASA à Houston (Texas) de l’explosion qui avait paralysé Apollo-13 en 1970 reste comme l’un des euphémismes les plus célèbres. Elon Musk pourrait aujourd’hui le reprendre à son compte. Le « problème » ne concerne pas SpaceX, sa société spécialisée dans la conquête spatiale, qui jusqu’à présent fonctionne très bien, mais l’acquisition en octobre de Twitter.
Lors d’un forum organisé il y a quelques jours sur le réseau social, le célèbre entrepreneur n’a pourtant pas donné dans l’euphémisme en comparant la situation de l’entreprise à « un avion piquant vers le sol à vive allure avec ses moteurs en flammes et des commandes qui ne répondent plus ». Et d’ajouter : « C’est la raison pour laquelle les mesures que je prends peuvent sembler parfois erronées. »
Elon Musk a toujours eu un talent certain pour le storytelling afin de vendre ses succès. Mais à propos de Twitter, l’incontrôlable patron ne fait que réécrire l’histoire.
Pourquoi consentir à dépenser 44 milliards de dollars (41 milliards d’euros) pour racheter une carlingue sur le point de prendre le feu deux mois plus tard ? Elon Musk se pose en super-héros, dernier recours pour éviter une catastrophe, alors qu’il n’est en définitive qu’un pompier pyromane qui a présumé de ses capacités par idéologie et par arrogance.
Pression insoutenable
Certes, le modèle économique de Twitter n’a pas attendu Elon Musk pour battre de l’aile. Quand le réseau social a été racheté, l’entreprise perdait déjà de l’altitude, mais elle n’avait pas encore décroché. C’est désormais le cas. Les pertes pourraient avoisiner les 4 milliards de dollars cette année contre 221 millions en 2021 avec un chiffre d’affaires qui devrait s’effondrer de 40 %, selon les prévisions du nouveau propriétaire.
La pression était déjà forte avant le rachat. Elle est devenue insoutenable. Pour financer l’opération, la société a contracté une dette de 12,5 milliards de dollars, qu’il faut désormais rembourser au rythme de 1,5 milliard par an, le tout dans un contexte de remontée rapide des taux d’intérêt. C’est bien le changement de propriétaire qui contribue au sentiment d’urgence que connaît l’entreprise.
Dès son arrivée, Elon Musk a cru bon d’administrer un remède de cheval sans se préoccuper de savoir si celui-ci allait guérir ou bien achever Twitter. Les effectifs de l’entreprise ont été amputés de moitié, laissant les postes-clés vacants et désarmant le réseau social pour modérer les contenus.
Lorsqu’il a été question de racheter Twitter, le but d’Elon Musk n’était pas tant de redresser une entreprise aux résultats décevants que de restaurer la liberté d’expression sur un réseau social soi-disant victime de la bien-pensance et d’une censure progressiste. Une astuce sur la certification des comptes pour générer de nouveaux revenus et quelques réglages algorithmiques feraient l’affaire pour rétablir la situation, pensait-il. Voire.
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Mettre au point des voitures autonomes ou des lanceurs de satellites se révèle finalement beaucoup plus simple que d’essayer de s’ériger en champion de la liberté d’expression. Celle-ci est en conflit permanent avec d’autres droits, tout aussi importants, comme le rappelle The Economist. Depuis octobre, Musk fait le douloureux apprentissage du subtil compromis auquel il faut parvenir pour prendre en compte toutes ces dimensions.
Décisions erratiques
Dans un premier temps, les utilisateurs de Twitter ont pris au mot le nouveau propriétaire en testant les limites du nouveau régime qu’il souhaitait instaurer, à savoir l’« absolutisme de la liberté d’expression ». En octobre, les messages contenant, selon le réseau social, des « discours de haine » ont doublé, faisant fuir les plus gros annonceurs, alors que la publicité représente 90 % des revenus.
Quand des groupes comme Apple ont estimé plus prudent de ne plus associer leur image à cette liberté d’expression débridée, Musk en a fait un combat personnel à coups de tweets vengeurs contre le fabricant de l’iPhone. Jusqu’au moment où le milliardaire a compris qu’il était plus sage de faire marche arrière. Dès novembre, Twitter a recommencé à modérer sérieusement ses contenus et les vues enregistrées sur ce type de message avaient reculé de près d’un tiers par rapport à ce qui était constaté avant le rachat.
D’« absolutisme de la liberté d’expression », il n’était plus question non plus quand Elon Musk a tenté d’interdire aux utilisateurs de se connecter à partir de Twitter à d’autres réseaux sociaux ou d’indiquer sur leur profil leur adresse sur Mastodon, considéré comme une autre possibilité à Twitter. Face aux accusations de pratiques anticoncurrentielles, le milliardaire a été obligé, là encore, de battre en retraite.
Enfin, il y a eu ce pitoyable épisode de censure de plusieurs comptes de journalistes américains sous prétexte qu’ils mettaient en danger sa sécurité en divulguant sa localisation en temps réel, s’éloignant encore un peu plus de sa conception idéalisée de la liberté d’expression. Une nouvelle fois, face au tollé, il a dû mettre de côté son ego et rétablir les comptes supprimés.
L’histoire ne dit pas encore si Elon Musk réussira son pari sur Twitter. Mais les huit premières semaines de son aventure lui ont permis de se confronter au réel en prenant conscience qu’en matière de liberté d’expression, tout ne se règle pas à coups d’intuitions géniales, de lignes de code informatique et de raisonnements à l’emporte-pièce.
Si le réseau social va mal, c’est en partie parce qu’Elon Musk l’a surpayé avant de le déstabiliser par des décisions erratiques, tout en réglant ses comptes directement par tweets interposés avec les annonceurs, les journalistes et les utilisateurs infidèles.
Désormais, il se dit prêt à céder les rênes de Twitter, « dès que je trouverai quelqu’un d’assez fou pour accepter ce boulot », prévient-il. En attendant, cesser de se comporter comme un enfant gâté incapable de gérer ses émotions et ses frustrations serait un bon début pour remettre Twitter sur les rails.
agent de conditionnement
2 ansConverting car motor vehicles and electric
Professeur de français, histoire-géographie et droit
2 ansJe me osé la question.
The next crash. Actuary - Risk, Capital and Qualitative modelling for Inflation and Volatility
2 ansIl n'y a plus d'héros.