Embaucher une "Rockstar" dans votre entreprise? Vraiment?
source:ryanestis.com

Embaucher une "Rockstar" dans votre entreprise? Vraiment?

De plus en plus de recruteurs semblent croire à tort que rechercher un profil de « rockstar » pour diriger un département marketing, développer une appli ou révolutionner le design d’un site web, renvoie de leur société une image jeune, dynamique, flamboyante et n’ayons pas peur des mots, diablement moderne. Quoi de plus fascinant en effet qu’un musicien galvanisant un public en faisant preuve de la maîtrise de son art tout en ayant l’air « cool » ? Pas grand-chose en fait et ce n’est pas moi qui dirait le contraire, non.

 

Il se trouve que je n’y connais rien en UX-UI Design et je ne parle même pas de marketing pour lequel mes compétences sont criminellement lacunaires quand aux différents langages de programmation, ils relèvent à mon humble niveau de la sorcellerie pur et simple. Non, par contre en termes de Rock c’est une autre limonade et c’est pourquoi je m’étonne que cette image puisse être utilisée pour définir un collaborateur compétent, sérieux et avec lequel une société sera en mesure de renforcer son image et ses services voire ses applications. Je m’explique : étant tombé dans le chaudron de cette musique depuis bientôt trente ans, je crois connaître quand même assez bien mon sujet pour vous alerter, messieurs mesdames les recruteurs, sur les risques à rechercher un profil suintant le souffre et la testostérone.

 

Déjà parce que, souvent à raison, la « rockstar » est dans l’imaginaire collectif un homme. Bah évidemment Kim Gordon de Sonic Youth, Poison Ivy des Cramps, Kim Deal des Pixies ou encore Bilinda Butcher de My Bloody Valentine pour ne citer que celles qui me viennent à l’esprit, sont des femmes. Sans doute pas des « Rockstars » tel qu’on se l’imagine derrière son MacBook dernier cri mais en termes de rock, excusez du peu… cette appellation de « rockstar » est donc déjà à mon humble avis encore affreusement réductrice et sexiste.

 

Ensuite, imaginons différents types de rockstars débarquant dans une salle de réunion pour la mise en place d’un projet, voici ce que ça donnerait :

 

Le profil Jimi Hendrix : Il fait rêver, il semble débarquer de Mars, s’habille avec audace et style, parle avec douceur, a toujours son clavier à portée de main et vous dévoile un portfolio et un éventail de compétences inouï. Problème : il est difficilement contrôlable, ne sait pas être concis, trop passionné pour travailler en équipe, gère mille projets personnels à la fois et malgré ses qualités indéniables et son génie créatif, il ne laissera derrière lui que trois projets, grandioses certes, mais aussi et surtout des milliers de lignes de code que son héritage tentera d’exploiter avec plus ou moins de bonheur 50 ans après qu’il ait quitté votre société parce qu’il s’y sentait trop à l’étroit.

 

Le profil Pete Townshend (The Who): Attention danger! Il veut tout contrôler, déteste ses collaborateurs et termine systématiquement ses briefs avec la direction en détruisant la salle de réunion… très coûteux en matériel. Non ! Pas le vidéoprojecteur !! Aïe !

 

Le profil Iggy Pop : Outre sa propension à déambuler dans les bureaux à moitié nu, un collaborateur au profil proche de l’Iguane se donnera à fond dans sa tâche mais aura aussi la fâcheuse habitude de se blesser sur son lieu de travail. Il n’a pas non plus forcément un profil de créateur mais saura interpréter les idées des autres comme personnes. Ses excès le mèneront à mener une très courte carrière s’il n’a pas derrière lui quelqu’un au …

 

..profil de David Bowie : Ha ! Voilà quelqu’un qui peut grandement faire avancer les choses. Pour peu qu’on lui laisse carte blanche (dans une entreprise c’est rarement le cas de quelqu’un qu’on embauche pour une tâche précise). Une palette de compétences à vous ficher des complexes. Tellement que travailler avec un génie ça peut être assez gênant pour les autres. Et puis, être toujours à l’avant-garde, ça veut dire créer la tendance et non pas forcément la suivre comme l’exige (trop souvent) le marché, il vaut mieux que ce soit LUI qui vous embauche en fait.

 

Profil de Lou Reed : Quelqu’un qui s’imagine que parce qu’il peut faire des choses belles et délicates a le droit d’être tout le contraire avec tout le monde et tout le temps ? Au secours !

 

Profil de Lemmy (Motörhead) : Ça reviendrait un peu comme travailler avec Attila. Il connait son sujet à fond, l’exécute admirablement (vite et) bien mais ne déviera pas d’un cheveu de ce pour quoi vous l’avez embauché en premier lieu. A la longue épuisant, mais si vous n’arrivez pas à le suivre, c’est que vous êtes trop vieux….

 

Profil de Mick Jagger : Un salaire exigé dix fois supérieur à celui du CEO (minimum) pour un boulot correctement effectué mais par des process datés qui sentent un peu la naphtaline (voire le formol).

 

Je m’arrête là, vous aurez compris mon propos. Vous aurez aussi noté que la plupart des exemples cités sont des personnalités ayant connu leur heure de gloire dans les années 60 et 70, années bénies où la « rockstar » faisait rêver. En effet, si le rock est loin d’être mort, l’image de la « rockstar » déboulant en pantalon de cuir a elle considérablement vieillie et est, faut-il le rappeler, aujourd’hui désuète voire ringarde. Un guitariste talentueux n’est rien s’il n’a pas une section rythmique qui assure derrière. Un chanteur charismatique ne fera que pouffer de rire si on ne le met à l’épreuve que sur « Viens Poupoule ». La plus belle chanson du monde ne vous fichera aucun frisson si elle a été enregistrée avec les pieds. N’attendez pas l’homme ou la femme providentiel(le) mais celui ou celle qui saura s’intégrer et apporter sa pierre à l’édifice. Ça peut paraître être du bon sens mais c’est en tout cas l’image que renvoie ce terme de « rockstar » qui, s’il est cher à mes oreilles n’a que peu de place dans une entreprise. Les génies du rock ne le sont où ne l’ont été que très rarement à cause de leur seul talent ou personnalité. Le bon moment et le bon endroit, un producteur visionnaire, ça compte aussi énormément, minimiser le rôle de George Martin et de Brian Epstein n’enlève rien au génie des Beatles mais sans ces deux personnalités visionnaires, il est clair que les 4 de Liverpool n’auraient pas eu la même carrière. Sans Peter Grant et ses manières à ficher la nausée à des parrains de la Mafia Calabraise, il n’y aurait jamais eu de Led Zeppelin, l’exemple même d’un assemblage de personnalités disparates qui met la planète à genoux à coups de riffs plombés, mais à quel prix ? Individuellement et sans ce management dictatorial, voire criminel, il est clair qu’aucun des musiciens du groupe n’aurait accompli le quart de ma moitié du tiers de la carrière du célèbre dirigeable.

 

Enfin, le rock ce n’est pas que de la simple technique ou même du talent c’est avant tout de la passion. Les personnalités les plus marquantes le sont généralement car elles ne vivent que par et pour ça. Cherchez donc des passionnés plutôt que des poseurs.

 

Et puis quand même. Le rock est une chose trop sérieuse pour l’associer au monde du travail… 😉

Lala AndrianaRivony

Composer Co-founder at Colonne Sonore // Co Director at Supreme Management Paris

6 ans

y'a pas beaucoup de femmes citées dis donc!

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Yvan Floret

  • L'appel du 31 Décembre

    L'appel du 31 Décembre

    Le 31 Décembre dernier, alors que je me préparais à passer une soirée du nouvel an dans la bonne humeur comme très…

  • En 2018 on redevient humain!

    En 2018 on redevient humain!

    Bonjour mon réseau, Tout d’abord je te souhaite à toi et tes proches une très bonne année. Ensuite, une fois n’est pas…

    2 commentaires

Autres pages consultées

Explorer les sujets