Emmaüs Lescar- Pau : « pas question d’être une institution qui gère le misérabilisme »
Recueillis par Bénédicte Mallet, publié le 26 septembre 2023 à 17h19, modifié à18h47
Avec douze autres communautés, Lescar-Pau prône une scission pour maintenir sa propre dynamique, loin de l’uniformité que lui imposerait Emmaüs France (*)
Comment réagissez-vous aux critiques pointées dans ce nouvel audit ?
Il y a du bon et des choses qui méritent d’être améliorées. Mais il faut avant tout se rappeler l’originalité d’Emmaüs. Dès le départ, les compagnons ont fait de la récupération pour garder leur dignité. C’est dans ce même esprit que nous obtenons notre autonomie financière. Et nous ne voulons surtout pas devenir une institution. Nous voulons garder cette originalité où l’on sait accueillir, permettre à la personne de se reconstruire et ensuite, si elle le souhaite, se réinsérer à l’extérieur, via les services compétents. Nous défendons des valeurs de solidarité d’action sociale, d’engagement culturel et écologique.
Il y aurait deux clans au sein de la communauté, qu’en pensez-vous ?
C’est une interprétation. Il y a des gens qui ne retrouvent dans la Communauté et d’autres non. Mais je m’interroge : comment peut -on faire confiance à des gens qui sont dans le déni de leur attitude d’addiction d’alcool, de drogue ou de non-participation et condamner la structure. Cela m’interroge. C’est qu’il y a un autre enjeu politique derrière.
Quel objectif ?
L’objectif, c’est de vouloir abattre Germain ! Emmaüs France veut avoir le monopole. Or, comme le dit très bien Denis Lefèvre, qui a écrit un livre sur notre communauté : nous sommes beaucoup plus abbépierriste qu’Emmaüsien ! Alors pourquoi veut-on détruire notre dynamique ? On veut faire de nous des assistés, des irresponsables. Non, nous sommes des hommes debout ! Emmaüs France est jaloux ! Ils sont là dans une politique de destruction !
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Allez-vous suivre leurs préconisations ?
Tout d’abord, nous n’avons pas besoin de travailleurs sociaux car nous ne sommes pas un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale ! Quant à proposer un téléphone vert : c’est de la stupidité totale ! Et nous estimons que c’est de l’ingérence aussi qu’un membre d’Emmaüs France siège au sein de notre conseil d’administration. Quant à la gestion de nos recettes. Voici quelques exemples : celle de samedi dernier part pour la Libye et le Maroc. Et en fin d’année, nous installerons trois modules de logements pour 300 000 euros.
Vous avez 69 ans, comment se dessine l’après Germain ?
Soyons réalistes, il y a un engagement personnel. La Communauté évolue dans une politique sociocratique avec un porteur de projet. Comme je l’ai dit à Emmaüs France en fin d’année 2022, nous, nous nous donnons deux ans pour réfléchir pour la reconstitution du conseil d’administration. Cela fait 42 ans que je suis là et c’est un sacerdoce. Mais nous devons maintenir cette stabilité.
Alors, comme 12 autres communautés qui veulent garder leur orginalité et qui se sont regroupées au sein de l’association CEVE (Communauté d’Emmaüs pour vivre ensemble), nous nous posons la question de notre devenir. Nous allons donc demander une scission auprès d’Emmaüs France, tout en nous s’inscrivant totalement dans le cadre du manifeste d’Emmaüs international. Nous ne voulons pas être une institution qui gère le misérabilisme pour être la bonne conscience du système néolibéral.
(*) Emmaüs France n’a pas répondu à notre sollicitation