Emploi et handicap : un modèle à bout de souffle !
En France, près de 6 millions de personnes sont en situation de handicap. Mais en matière d’emploi, la France est à la traîne, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).
30 ans après son adoption, l'obligation d'emploi pour les travailleurs handicapés n'est toujours pas atteinte. Entre 2009 et 2017, le taux de personnes handicapées employées dans le secteur privé est passé de 2,7 % à 3,5 %. Dans le secteur public, cette part est passée de 4,4 % à 5,5 %.
Parallèlement, le handicap diminue les chances d'accéder à l'emploi : le taux de chômage des personnes handicapées reste le double du taux de chômage moyen. Les discriminations liées au handicap dans l'emploi constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits.
Le milieu du travail va pourtant faire face à des situations de handicap de plus en plus fréquentes. Le nombre de personnes disposant d’une reconnaissance de handicap a plus que doublé en quinze ans. La faute, notamment, au vieillissement de la population : un actif sur trois a plus de 50 ans, contre un sur cinq en 2000. Autre explication : les maladies chroniques, qui concernent un Français sur cinq. Or, les progrès des traitements permettent plus souvent d’envisager la poursuite d’une activité.
Pour l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), "ces résultats paradoxaux et décevants interrogent sur l'efficacité des dispositifs existants et notamment de l'obligation d'emploi".
L'Igas pointe l'empilement des mesures et la "complexité poussée à l'extrême" ainsi qu’une vision réductrice du handicap qui ne prend pas en compte sa diversité, un statut de travailleur handicapé qui se base sur une approche médicale sans la mettre en perspective avec l’environnement de travail et, enfin, un système qui encourage les employeurs à payer plutôt qu’à embaucher ».
Mais aussi l'Igas rappelle, en outre, le problème de "viabilité financière de l'obligation d'emploi". En effet, plus les travailleurs handicapés entrent dans l'emploi, plus les aides en leur faveur se raréfient. Et, de fait, les montants collectés ont baissé de 212 millions d'euros entre 2010 et 2018.
Il s'agit, pour l'Igas de rénover le cadre conceptuel (intégrer la composante sociale du handicap, éviter de catégoriser la population, agir en prévention).
Selon l'Igas, 3 scénarios peuvent être envisagés pour adapter ou refonder ce modèle :
- Si on opte pour le status quo, des aménagements incontournables doivent être réalisés : recherche de nouvelles sources de financement, développement et transformation des modalités d'accompagnement des travailleurs handicapés, rapprochement avec la politique de santé au travail.
- Sur le modèle suédois, les quotas seraient supprimés et l’environnement de travail aménagé pour tous selon le principe d’accessibilité universelle et accompagnés d'incitations financières pour compenser les efforts réalisés par les entreprises par la solidarité nationale. Le financement du système serait alors assuré par l’État.
- Le troisième scénario consisterait à conserver l'architecture du système actuel tout en soutenant les situations de handicap les plus problématiques (aménagement important des milieu de travail, accompagnement dans l'emploi et/ou compensation financière d'une faible productivité).
Le rapport a été transmis au président de la République, au gouvernement et au Parlement. Le risque serait qu’avec la crise économique, le sujet passe au second plan.