En 2024, habitez vos mots !
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En 2024, habitez vos mots !

Dans son recueil de nouvelles Aucun souvenir assez solide* le formidable auteur Alain Damasio décrit un monde dans lequel les langues ont été rachetées par des multinationales. Les paroles ont été vidées de sens. Les êtres humains portent des noms de marques ce qui permet à leurs géniteurs de percevoir des royalties… Le héros, Sony, tombe amoureux de Loréal, jeune femme qui présente à ses yeux une qualité précieuse : « (…) elle habite ses mots ».

Du fait de mon expérience professionnelle, je peux affirmer, à l’instar de ce Sony-là, qu’« habiter ses mots » est en effet chose rare. Trop souvent, les bouches parlent toutes seules, mues par les conventions ou pressées par les émotions.

Écoutez bien les discours des vœux : vous entendez maints remerciements creux et formules convenues, assaisonnés de mots tout préparés – comme les plats du même nom. Les « comme vous le savez », « on voit bien que » et autres « évidemment » sont servis à toutes les sauces. Tout cela est bien insipide…

À l’heure de ChatGPT et autres intelligences artificielles conversationnelles, la machine a vite fait de remplacer l’être humain pour livrer des platitudes et autre bullshit langagier – oui, je sais, ça passe mieux en anglais… D’ailleurs, si on lui demande, à la machine, un joli discours de vœux, elle s’en sort plutôt mieux que beaucoup de communicants humains, prétendues plumes, tristes et sans imagination…

« Habiter ses mots » c’est avoir quelque chose à dire

« Habiter ses mots » cela suppose avoir quelque chose à dire et savoir mettre les mots sur ce « quelque chose ». Souvent c’est l’inverse qui se passe : ce sont les mots qui habitent la personne, qui l’envahissent, qui prennent le lead. Les plus rôdés se font avoir : pour preuve, entre autres, un certain « ferme ta gueule ! » échappé, à froid, des lèvres du deuxième personnage de l’Etat sur une radio populaire à une heure de grande écoute. Dommage…

Dommage en effet car « dommage » est synonyme de dégâts. Et les mots sales, agressifs, dégradent un vivre ensemble déjà fragilisé par beaucoup d’autres facteurs que les seules prises de parole inconséquentes. Voire irresponsables.

En 2023, nous avons tous éprouvé l’emportement des choses. Violences sociétales – notamment les émeutes urbaines de la fin juin –, violences climatiques – en France la canicule estivale puis les inondations –, violences guerrières – toujours en Ukraine et, depuis le 7 octobre, au Proche-Orient –, violence terroriste – en France les attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim à Paris…. Sans oublier la violence sociale éprouvée par ceux, toujours plus nombreux, qui ne bouclent plus leurs fins de mois ou ceux, nombreux aussi, qui ne trouvent plus leur place dans notre pays pour une couleur de peau, un papier manquant, un patronyme d’ailleurs.

À la violence des événements et des situations, il est de notre responsabilité que réponde la maîtrise des paroles. En effet, les mots peuvent être des armes de destruction lente mais cependant massive, qui causent des ravages sournois et qui éclatent à la figure de tous, y compris de ceux-là même qui les utilisent mal.

L’entreprise n’échappe pas à ce phénomène. Sans intention maligne, les propos des uns et des autres sont souvent trop injonctifs, perçus comme brutaux.

Je connais des managers qui n’osent plus ouvrir la bouche par peur des réactions qu’ils suscitent.

J’en connais d’autres tout étonnés d’avoir été mal reçus et qui, réécoutant l’enregistrement de leurs prises de parole, comprennent, atterrés, que ce qui a franchi leurs lèvres n’était pas du tout ce qu’ils avaient l’intention de dire.

« Habiter ses mots », endosser ses propos

« Habiter ses mots », endosser ses propos comme on endosse une responsabilité : la prise de parole embarque ces dimensions essentielles. D’autant plus que la parole d’aujourd’hui est forcément publique : les micros sont partout et les technologies de diffusion à portée d’un clic. Ce qui restait dans l’entre soi sort aujourd’hui sur la place publique avec effets délétères et dommages collatéraux.

Il y a encore quelques décennies on disait : « les paroles s’envolent, les écrits restent ». Aujourd’hui les paroles s’inscrivent dans la mémoire technologique. Tout participe d’une construction collective. Chacun y prend sa part : il est temps de s’en rendre compte, quelle que soit la place que l’on occupe dans une organisation ou dans la société.

Pour 2024, je vous souhaite « d’habiter vos mots » et de les rendre beaux. Très belle année à chacune et chacun !

Et pour information, mon prochain webinaire porte sur la manière dont les prises de parole peuvent booster une trajectoire professionnelle. Rendez-vous le mercredi 10 janvier à 11h30.

Sophie

Chine Lanzmann

✨ Révélez vos talents et votre zone de génie - Coaching Leadership au féminin - Woman Impact

11 mois

J’adore ! Merci Sophie Backer ! J’entends trop de personnes qui n’habitent pas leurs mots et du coup, je décroche et n’arrive pas à les suivre ! J’utilise mon mdecrochage d’ailleurs comme un indicateur en séance de coaching :)

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