En mille mots (épisode final)

Corruption : dans les yeux de 8 experts

En prélude à la journée mondiale de lutte contre la corruption célébrée le 11 juillet, N’guetta Ciecieman, Chef de service Ethique et Médiation à Côte d’Ivoire Energies, a initié sur son compte LinkedIn, « en trois mots », une tribune qui a permis à huit experts de se prononcer, chaque fois à travers un mot, sur la corruption, sa cause, et comment la combattre. Cet article entend les faire dialoguer… un tant soit peu.   

En termes de champ lexical, d’un côté il y a l’affect qui semble ressortir des qualificatifs Reniement, Trahison, Injustice, Drame, utilisés par certains de nos experts pour définir la Corruption, l’un des problèmes communs à toutes les sociétés, avec bien évidemment un indice de perception qui varie d’une région à une autre du monde. De l’autre, il y a le normatif : Frein, Vice, Dérive, Crime, qui relèvent le côté délictuel de ce fléau.

Loin de s’opposer, ces deux perceptions ont une coexistence dans la mesure où, comme disent les juristes, « ubi societas, ibi jus » (Là où il y a la société, là aussi il y a (du moins il le faut) le droit). Car la corruption, « synonyme » de Reniement, Trahison, Injustice, Drame, doit être considérée comme Frein, Vice, Dérive, Crime, et combattu en tant que tel, déjà pour maintenir un équilibre social et sociétal. « C’est par elle (la corruption) qu’entre le déséquilibre institutionnelle, l’injustice, la mauvaise gouvernance, la pauvreté et la misère », dira à juste titre, Mariame Kraueur-Diaby, l’une des trois expertes qui se sont prêtées à cet exercice.

Une compréhension à éclairer

Pourtant, nos experts estiment, presqu’unanimement, que les causes sont peut-être à rechercher dans la perception de ce fléau au sein de la société, dans sa conception que se font les personnes. « La définition même d’un acte de corruption est méconnue, différente d’une personne à une autre », explique Mathieu Fourcade. Et d’ajouter : « Certains collaborateurs agissent pour le bien de l’entreprise sans volonté de s’enrichir, sans mesurer la portée de leur acte. C’est la première étape d’une démarche de prévention de corruption … déterminer ou commence et ou s’arrête un acte de corruption. Une fois le cadre connu de tous, la nature humaine veut que chacun est libre d’en sortir. »

Mais attention. Certes, même si l’« une des origines de la corruption peut se retrouver dans l’éducation des citoyens », comme l’a aussi fait remarquer Franck Atta-Anoki, nos experts ne nous font pas baigner pour autant dans les eaux de l’hypocrisie qui ferait croire que l’homme « pèche » seulement par ignorance.

D’ailleurs, Myriam Coulibaly le souligne clairement, il y a aussi « le désir d’avoir tout, rapidement et sans effort (qui) est une des causes de la corruption pour les corrupteurs ». « D’où l’importance fondamentale des valeurs qui viennent réguler ces potentiels comportements déviants et définir ce qui est correcte, juste et acceptable », ajoute Marie-Paule Ahoussou.

Philippe Poels nous ouvre un autre horizon : le « manque de confiance dans le bon fonctionnement des organisations » qui au lieu d’être une conséquence de ce fléau se retrouve parfois au chapitre de ses causes.

« La carotte et le bâton »

Si on reproche en général aux experts d’être souvent très théoriciens, les huit que nous avons eu à lire depuis le 7 juin, se sont voulus très concrets quant à comment combattre la corruption. Leurs solutions peuvent être résumées par la métaphore de « la carotte et le bâton » - une petite modification de l’expression originel datant de 1948, dans laquelle nous avons remplacé la conjonction de coordination « ou » par une autre, le « et ».  

En effet, la Volonté, « celle des individus qui luttent contre la corruption, mais aussi celle du politique et de l’entreprise », précise Samuel Guetta, l’Education, (de la) Jeune génération, la Certification, apparaissent comme la « carotte » de la Prévention. « La certification anti-corruption, parce qu’elle rend visible l’engagement anti-corruption est un moyen efficace de faire reculer la corruption à tous les étages de la société », pense Philippe Montigny.

Dans cette optique de prévention, il faut surtout une pédagogie par l’exemple suggère pour sa part Philippe Poels: « Le corollaire est que la prévention de la corruption passe avant tout par l’exemplarité de ceux qui ont un pouvoir de décision ; leur comportement doit inspirer confiance et rendre crédible ces valeurs d’humanisme ».

Fort heureusement cette « carotte » ne s’oppose au « bâton » d’une Sanction, « sans favoritisme ». « Il faut matérialiser la volonté d’endiguer la corruption par l’application effective des sanctions à l’encontre de tous ceux qui se rendent coupables de corruption. Réprimer franchement ceux qui s’adonnent aux actes de corruption et infractions assimilées sans favoritisme. Il ne faut plus se contenter de dénoncer mais il faut agir en application des peines pénales prévues à cet effet », insiste Myriam Coulibaly.

Belle célébration du 11 juillet, journée africaine de lutte contre la corruption, dont le thème cette année du côté de l’union africaine est « Stratégies et mécanismes pour une gestion transparente des fonds destinés à la Covid-19 ».