Epanouissement et bien-être de l'enfant à l'école
Le débat quasi-permanent sur la refondation de l'école place aujourd'hui au premier plan la question d'une école adaptée aux enfants, soucieuse de son bien-être, de son épanouissement, et de son intégration dans une société complexe. Cette question vive en éducation est pourtant vieille de plus d'un siècle et riche d'expériences de terrain bâties entre autres par les pédagogues de l'Education nouvelle dès le début du XXe siècle.
Le mouvement réformateur nait en Europe aux alentours de 1900, avec la création d'écoles nouvelles en Angleterre, puis en France sous l'impulsion d'Edmond Desmolins. Parmi les pédagogues qui participent à refonder l'éducation au début du XXe siècle, nous trouvons Adolphe Ferrière, pédagogue suisse à l'origine, dès 1899, du Bureau international de l'éducation, qui prône une école active, basée sur la spontanéité des enfants. Pour le médecin belge Ovide Decroly qui s'intéresse en premier lieu aux enfants déficients intellectuels, il s'agit avant tout d'envisager l'enfant dans sa globalité et de partir de ses centres d'intérêt. Maria Montessori participe à ce mouvement de renouveau de l'éducation bien sûr, et prône le respect de la nature enfantine, en proposant une pédagogie fondée sur une éducation sensorielle. En France, on retrouve parmi ces figures marquantes du renouveau mondial de l'éducation de la première moitié du XXe siècle des inspecteurs de l'Education nationale, tels Roger Cousinet qui s'attache dès 1903 à renouveler la figure du maître, à ses yeux plus un "renseigneur" qu'un "enseigneur", en organisant dans les classes de sa circonscription le travail libre par groupes. Sur le terrain, les enseignants bien sûr, tels Célestin Freinet qui s'inspire de l'innovation pédagogique des classes-promenades mises en place dès 1909 par un inspecteur d'académie, Edmond Blanguernon, pour relier l'école et la vie. Pour tous, la "révolution copernicienne" annoncée par le psychologue suisse Edouard Claparède doit mettre l'enfant au centre, au centre de l'école, de façon à l'adapter à l'enfant et non plus demander à l'enfant de s'adapter à l'école. On parle dès lors de favoriser à l'école un milieu adapté et sécurisant, qui intègre jeu, sport, art, droit à l'erreur, autant de moyens destinés à faire entrer dans les apprentissages tous les enfants. Ici la notion d'individu et de groupe est centrale, la question du respect de la personnalité de chacun étant intimement liée au respect de chacun au sein d'un groupe, le groupe classe pour commencer.
Aujourd'hui, les écoles nouvelles, créées sur ces bases historiques depuis plus d'un demi-siècle pour certaines, continuent à se renouveler en pensant le bien-être et l'épanouissement de l'enfant comme étant le noyau de base d'une éducation à la citoyenneté et au vivre-ensemble, et à concevoir des séances de classe incluant sorties, projets, respect du rythme de chacun et gestion non-violente des conflits. Elles restent toutefois, en France, à la marge de l'institution scolaire, et leur manque de visibilité les conduit à s'adresser à un public restreint. L'Education nouvelle semble donc avoir échoué à intégrer l'école publique française...
Est-il encore possible de se référer à cette éducation nouvelle, vieille aujourd'hui de plus d'un siècle, pour réformer l'école et permettre aux enfants de s'y épanouir ? Ou bien s'agit-il aujourd'hui de construire, ensemble, un nouveau paradigme, qui prenne en compte à l'école le bien-être de l'enfant relié à la complexité du monde qui l'entoure ? Edgar Morin, en prônant une éducation humanisante, nous montre la voie vers ce nouveau paradigme de "l'éducation complexe" dont le premier objectif n'est autre que celui de nous Enseigner à vivre.
cop. photo Ecole la Source