Est-ce que les institutions globales peuvent combattre la logique de puissance ?
Considérer qu'il y a un retour de la logique de puissance est probablement une erreur de perspective. Elle a existé de tout temps. Nous avons tous cru qu’à la fin de la guerre froide avec la chute du mur de Berlin, le système d’une économie de marché l’avait emporté définitivement. "Le marché était en passe de réussir là où avaient échoué les grands empires et les religions fondatrices : fusionner l'ensemble des êtres humains dans une communauté globale", Armand Mattelard. Les États-Unis se posaient alors comme symboles et garants d’un système soutenu par les démocraties libérales. C’était la période de ce que j'appellerais l'espoir d'une mondialisation heureuse.
Sauf que la complexité de l'unification mondiale ne se résout pas par l'économie et le business, même globalisés. Et c’est un fait que, depuis la chute du rideau de fer, nous vivons plutôt le risque vertigineux d'une mondialisation malheureuse. Nous n’avons pas pris la mesure des enjeux sociaux et environnementaux de l'activité économique globalisée. Nous avons complètement sous-estimé la possibilité d’une transformation de l’économie et l’émergence de nouvelles puissances bousculant la dynamique de la gouvernance mondiale. L'erreur est aujourd'hui évidente !
Deux acteurs dominants s’affrontent : la Chine et les Etats-Unis. Une bataille pour l’hégémonie s’est engagée sur la base d'anciens mais aussi de nouveaux leviers de pouvoir au premier rang desquels figure la technologie. Les entreprises chinoises ont annoncé leur ambition de ne plus dépendre de la technologie américaine d’ici 2 ans.
Soyons clairs : ayant vécu en Chine, je pense que nous ne mesurons pas la puissance de ce pays dont les entreprises et les intérêts économiques sont protégés par la puissance politique du parti communiste chinois, lui-même soutenu par une population fière de son histoire millénaire et des progrès accomplis dans l’amélioration de la qualité de vie. Quant aux Etats-Unis, imaginer que les comportements erratiques de Trump expliquent, à eux seuls, la guerre économique en cours serait naïf. Citons un de ses prédécesseurs, le président Clinton, qui affirmait que :
« Sans croissance à l’étranger, notre économie ne peut prospérer, sans croissance globale, une saine concurrence internationale se transforme vite en guerre économique, et il ne peut y avoir de justice économique entre les nations ou en leur sein... Aujourd’hui et dans un avenir prévisible, le monde attend de nous que nous soyons les leaders et le moteur de la croissance globale. »
Des forces puissantes existent qui contrebalancent cette évolution comme l’interdépendance des économies et des chaînes de valeurs, les organisations internationales multilatérales de tous ordres, les mouvements citoyens et les ONG de plus en plus puissantes et nombreuses, etc... Ce qui m’intéresse tout particulièrement dans cette bataille, c’est le rôle que nous, Européens, Français, devons tenir. Parce que c’est évident : nous ne sommes pas de simples spectateurs, nous devons être des acteurs et trouver nos propres solutions ! Ce qui est essentiel, c’est le présent. Nous ne serons forts que si nous sommes unis. C’est un défi collectif. Et, en tant que chef d’entreprise qui accompagne de nombreuses autres entreprises, je pense qu’il faut laisser agir une multitude de savoir-faire dans une Europe humaniste et fédératrice.
Quand je parle de la force des entreprises, je pense surtout à leur capacité à créer de la connaissance et des réseaux d’excellence au service de tous. Il faut bien comprendre que, pour qu’une entreprise soit leader dans son domaine, elle doit embarquer ses équipes, être innovante et former les talents qui lui permettront de rester leader. Ce sont les talents qui façonnent notre avenir et la croissance de demain. La révolution technologique, l’IA et l’interaction homme-machine offrent de formidables possibilités de croissance et de libération du potentiel créatif. C’est l’enjeu majeur des entreprises et de tous les dirigeants pour le monde qui vient.
Chez PwC, 10% de notre chiffre d’affaires est consacré à la formation et à l’accompagnement de nos collaborateurs. Nous nous sommes engagés à protéger les hommes plutôt que les jobs. C’est pourquoi nous investirons, dans les trois prochaines années, cinq milliards de dollars dans la formation aux nouveaux outils technologiques comme Alteryx ou Uipath qui vont révolutionner le travail aussi radicalement que l’ont transformé Word et Excel dans les années 70.
260 000 personnes à travers le monde sont concernées. Je souhaite agir avec le système éducatif français pour que la mobilité sociale de notre pays ne soit plus une des pires du monde occidental.
L’Europe doit impérativement continuer à compter sur l’échiquier mondial. Alors ne soyons pas naïfs, réagissons avant de nous faire balayer ! Arrêtons la concurrence intra-européenne qui nourrit nos divisions stériles ! Nous avons plus de choses en commun que nous voulons bien le reconnaître. Et nous avons des armes, des standards à défendre, des règles de concurrence et une fiscalité adaptées. Pourquoi ne pas investir ensemble dans la technologie, nous défendre de l’extraterritorialité que nous imposent certains pays, créer des pénalités environnementales et sociales sur les produits importés non conformes à nos standards ?
Rassemblons toutes celles et ceux qui en sont capables en Europe et ayons le courage d’arbitrer nos conflits !
Redevenons ce que nous avons été : une puissance novatrice qui invente son propre avenir.
C’est à cette condition que l’Europe reprendra sa place dans le jeu mondial.
Co-gérant de la SCIC Compostond
5 ansBonjour, quand vous avancez : "Les entreprises chinoises ont annoncé leur ambition de ne plus dépendre de la technologie américaine d’ici 2 ans. ", de quelle source s'agit t'il ? Merci.
Ingénieur
5 ansExcellente article, c'est un sujet déjà bien connu mais toujours riche de possibilités et d'observatios diverses. Comme vous dîtes si bien la puissance de la Chine vient d'un alignement cohérent entre le peuple, l'Etat et les grandes entreprises chinoises. Alignement possible justement parce-qu'il n'y a pas le système démocratique à l'européenne. Mais que va-t-il se passer quand l'ouverture du peuple Chinois à d'autres systèmes et mode de vie que ceux présentés par leur gouvernement? (Rappelons la stratégie de cloisonnement du peuple par l'État qui bloque et contrôle l'information et les médias extérieur, de même que les géant internet Google, WhatsApp, FB).
INVENTEUR ! École Centrale de Marseille, SUP DE CO Luminy, CNAM automatisme + Saint Charles Marseille Automatisme + Industrie capteur actioneurs+ Mathématique Informatique. Mécanique Chimie Physique ->CONCEPTEUR
5 ansPrécisez votre question. Les mots sont Français. Mais cela manque de sens. Je dis cela, je n y connais rien, juste un certificat d études primaires...
Libre
5 anstout a fait d'accord. Mais du coup on fait quoi et qui ?