Être un dirigeant aujourd’hui : ce que la crise nous a appris
Face aux situations inédites rencontrées par les entreprises depuis un an, quel rôle pour le dirigeant d’entreprise et quel type de leadership ? Notre dernière table ronde #VisionsCroisees a exploré ce thème, également abordé dans la 24e édition de notre baromètre mondial, la CEO Survey de PwC, qui vient de paraître.
À la tête de groupes particulièrement touchés par la crise sanitaire – restauration collective, immobilier d’entreprise, assurances, automobile – les dirigeants invités m’ont frappé par leur énergie à se tourner vers l‘avenir.
Des dirigeants optimistes mais lucides
Dans notre dernière étude CEO Survey, les dirigeants français montrent un optimisme certain quant aux perspectives de croissance attendue en 2021. Conscients des risques auxquels ils sont exposés, ils sont néanmoins confiants en la capacité de leur entreprise à s’adapter
Pour certains de nos invités, le premier confinement a opéré un déclic. La crise a bouleversé certains acquis. Ce qui semblait aller de soi était remis en cause, questionnant parfois l’essentiel. Pour d’autres, la prise de conscience a précédé la crise, souvent à l’issue d’une expérience très personnelle ou à un moment charnière de leur carrière professionnelle.
Dans mon cas, la prise de conscience a eu lieu il y a quatre ans, lorsque j’ai été réélu Président de PwC France et Maghreb par mes associés pour un deuxième mandat. Face aux évolutions sociales, technologiques et environnementales que je constatais partout dans le monde, devions-nous continuer à opérer comme avant, ou intégrer le sens de la coopération et du bien commun à notre manière de fonctionner et de servir nos clients ?
J’ai compris et ressenti que nous devions changer et intégrer notre impact sociétal et environnemental dans notre mission, en gardant l’humain au centre de nos préoccupations. Cette quête de sens devait se traduire dans notre quotidien au sein de PwC, dans la manière dont nous accompagnons nos clients et dans notre rôle dans la société.
Un leadership responsabilisant, basé sur la confiance et le collectif
Dans un contexte de crise sanitaire, les dirigeants ont dû composer de manière individuelle et collective pour s’adapter. Les dirigeants de notre panel comme les chefs d’entreprise que j’ai régulièrement l’occasion de rencontrer esquissent ce qui pourrait être l’essence du leadership de demain : humilité, responsabilisation, confiance, bienveillance, collectif…
C’est précisément le style de servant leadership et de management par la confiance que je promeus dans mon dernier livre. Les processus décisionnels se font plus fluides et consensuels. L’intelligence collective devient centrale. Le manager de demain conserve le pouvoir d’arbitrage en certaines circonstances, le pouvoir de décision en cas d’incident, la responsabilité de faire respecter les processus et émerger les solutions. Les vertus et le pouvoir descendant d’un chef s’effacent. Désormais, le leadership met les talents en avant et se place au service du collectif.
La raison d’être au cœur des stratégies d’entreprise
L’un des paradoxes de cette crise sanitaire, où de nombreuses décisions ont dû être prises dans l’urgence, est le grand retour du long terme. La pression vient de toutes les parties prenantes – collaborateurs en quête de sens, consommateurs soucieux d’éthique et de transparence, investisseurs prenant conscience des effets pervers du court-termisme sur la rentabilité à long terme… Transformer les stratégies d’entreprise s’impose comme une évidence, notamment dans des secteurs au fort impact social ou climatique.
Dans bien des cas cependant, la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer des tendances déjà en germes. De plus en plus d’entreprises se dotent d’une raison d’être, inscrite dans leurs statuts et intégrée à la stratégie d’entreprise. De rôle annexe, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) acquièrent une dimension centrale et stratégique. En France, le nombre d’entreprises à mission n’a jamais été aussi élevé et de plus en plus de secteurs s’intéressent à une économie plus circulaire et régénératrice, attentive à toutes les parties prenantes.
Concilier croissance, compétitivité et retour sur investissement d’une part, raison d’être, engagement et vision de long terme de l’autre n’en reste pas moins d’une extrême difficulté. Dans l’ascension de cette face nord, les entreprises sont en train de redécouvrir leur raison d’être première, celle de répondre aux besoins humains. Pour accélérer la transition, faut-il sanctionner les manquements ou encourager les efforts ? Le recours aux incitations, ou à des sanctions à dose homéopathique, peut sans doute se justifier dans des situations de blocage mais un système de sanctions serait contreproductif – et totalement contradictoire avec les notions de confiance et de responsabilisation déjà évoquées.
Les échanges de cette table ronde ont montré une remarquable convergence de vue, quel que soit le parcours des chefs d’entreprise qui se sont exprimés. La prise de conscience est manifeste chez la plupart des dirigeants et il est clair qu’il n’y aura pas de retour en arrière. La crise majeure que nous traversons oblige à repenser les modèles à tous les niveaux pour parvenir à concilier court et long terme. Le chemin est ardu, il comporte des risques et il n’est pas exclu de s’y brûler les ailes. Mais c’est la seule voie possible et, si nous coopérons, je suis convaincu qu’une transformation plus globale et positive de notre société est possible. L’entreprise en sera un acteur central.
Managing Director Boiron France | Passionate to build thriving teams & organizations | Performance & Cooperation for a shared prosperity | Pave new ways
3 ansMerci pour le partage de vos réflexions. Ce futur souhaitable est possible grâce à la coopération.