Et si LE DEUIL était UN SUJET pour les RH?

Et si LE DEUIL était UN SUJET pour les RH?

Et si le deuil était un sujet pour les RH ?

Le délire ! La réaction à chaud ne manquerait pas de ressembler à ça : « Cédric tu nous fais ch… avec tes sujets pourris ! » Voir en aparté :  « Au niveau RH, on a déjà tellement de sujets à traiter pour gérer administrativement, recruter, former, conserver les salariés, les payer, optimiser les résultats financiers, améliorer l’organisation, avant de s’attaquer à celui-là ! »

Et si le deuil était un sujet pour les RH ?

On ne va pas se mentir, ce n’est pas franchement vendeur comme thème, c’est même limite flippant ! Il faut déjà se préoccuper de performance managériale, de soft skills, de stratégie ou de cohérence organisationnelle, voir même de bien-être au travail (en particulier quand je suis d’humeur festive après un bon repas !). Et même, si nous pouvons déjà nous étriper gaillardement sur ces sujets là ils sont tout de même nettement plus « confortables », sinon consensuels. Mais le deuil … Et puis, pourquoi s’en occuper ?

Et si le deuil était un sujet RH ?

Honnêtement, est-ce que nous avons le choix ? Est-ce que nous pouvons décemment répondre NON à cette question ? Dès lors que la principale richesse de nos entreprises reste les hommes et les femmes qui la composent, que ce soient nos chers patrons ou chaque collaborateur, comment pourrait-on répondre NON à cette question ?

Car un deuil est probablement l’évènement qui touche le plus cruellement et intimement chacun. Et ne nous mentons pas, la frontière entre vie privée et vie professionnelle est totalement poreuse. Il me semble que c’est la promesse la plus universelle faite à chaque être humain, nous sommes tous appelés à mourir un jour ! (Seul les martiens semblent ne pas être concernés mais nous n’en sommes pas encore scientifiquement sûrs !).

Alors si la réponse est OUI, pourquoi ne voulons nous pas nous en occuper ?

Peut-être parce que la mort est un sujet tabou. Ce qui au passage ne nous grandit pas franchement. Dans toutes les cultures tribales, la mort fait partie de la vie, ils ne l’ont pas oubliée et ils gèrent cela chacun à leur manière mais ils l’appréhendent. Et nous, citoyens de pays « développés », qui nous targuons d’être « évolués », fiers de la masse de connaissances techniques et scientifiques que nous avons accumulées, nous qui sommes si matures sur la gestion de nos entreprises, nous sommes pourtant englués dans nos tabous, mesurant avec peine l’impact immense que le deuil d’un proche ou d’un collaborateur a sur nos vies personnelles et sur le fonctionnement de nos entreprises. Nous avons besoin de redécouvrir cette vérité que la mort fait partie de la vie, y compris dans l’entreprise !

Et si le deuil était un sujet pour mon entreprise ?

Je sais, cette question qui revient, lancinante, te saoule un peu lecteur et la lire te donne furieusement envie de zapper cet article, de fermer ton esprit à la problématique - complexe peut-être, voir gênante – qu’elle soulève et de tourner ton regard vers des choses qui sont positives et qui permettent de construire. Mais, il y a peut-être là un sujet que tu ne devrais pas négliger. Car inutile de fermer les yeux, et ce serait même dangereux : les chiffres sont éloquents, les impacts immenses et durables et nous sommes tous concernés.

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À ce stade, je me suis demandé quels étaient les éléments déclencheurs pour que le deuil devienne un sujet dans l’entreprise. J’en ai trouvé trois principaux.

Le premier est le ROI (Retour sur investissement). Alors oui c’est vrai, parler de deuil et de ROI dans la même phrase peut paraitre un tout petit peu choquant mais, si nous prenons 2 cm de hauteur, pas tant que ça ! C’est le nerf de la guerre pour nos entreprises. Rien ne sert de hurler, de pousser des cris ou de lever les yeux au ciel, nos entreprises existent pour produire de la richesse. Je sais bien que les philosophes de tout poil vont sauter sur l’occasion pour exprimer tout leur mécontentement devant un but aussi lapidaire que réducteur. Mais, c’est un fait. Quel que soit le projet, il n’est engagé que si l’entreprise peut avoir un retour sur investissement, que ce retour soit directement financier ou indirectement ! Et du coup, ne vous en déplaise, deuil et ROI sont liés : les arrêts de travails liés au deuil sont fréquents, rarement exprimés pour ce motif, les conséquences de ces arrêts sont financièrement lourdes pour l’entreprise et la société. De plus, les salariés impactés profondément par le deuil qu’ils traversent, ne sont pas du tout productifs et ce pour de longs mois, voire des années. Le deuil ne concerne pas que la sphère privée et intime mais également celle de l’entreprise. Alors, il serait peut-être temps de moins subir et improviser pour prévoir et mieux accompagner.

Le deuxième élément déclencheur pour la prise en compte du deuil dans l’entreprise est la charge émotionnelle. Imaginons : Je suis décideur et touché personnellement par la perte d’un proche. Ou bien, j’ai un collaborateur qui est décédé et qui laisse un grand vide derrière lui. Ou encore, et c’est le plus fréquent, j’ai des collaborateurs qui ont perdu un proche et je les vois galérer avec ça ! C’est ce que j’appelle la charge émotionnelle, celle qui me permet de bouger les lignes en dehors d’aspect purement financiers, techniques et liés à l’activité de mon entreprise. Et si j’écoutais cette petite musique, certainement triste mais bien présente et qui fait que mon entreprise n’est pas juste un organisme sans âme et sans cœur. Oui, l’entreprise me permet de vivre mais elle participe également à la nécessité de me réaliser. Je passe de nombreuses heures par semaine à la faire toujours mieux fonctionner. Et si j’écoutais mon cœur pour faire bouger les lignes ?

Le troisième élément déclencheur est la sensibilité ou la maturité de mon entreprise pour les sujets tels que les risques psychosociaux (RPS), la qualité de vie au travail (QVT) et le bien-être des collaborateurs. En passant – oui j’adore les petites disgressions - , je ne sais pas si vous avez remarqué mais on raffole donner des acronymes aux sujets sur lesquels on travaille. Ça doit leur donner un petit côté plus intellectuel, plus structuré voire carrément plus incontournable. D’ailleurs la QVT c’est has been. À compter du 31 mars 2022, l’expression « qualité de vie au travail » (QVT) est remplacée dans le Code du travail par « qualité de vie et des conditions de travail » (QVCT). Un nouvel acronyme, créé dans le cadre de l’ANI sur la santé au travail du 9 décembre 2020, puis entériné par la loi du 2 août 2021 « pour renforcer la prévention en santé au travail ». Fin de la disgression ! Pour en revenir au sujet qui nous occupe : plus l’entreprise est sensible à ces sujets, plus elle va être sensible au deuil et à sa prise en compte dans les politiques RH.

Mais est-ce une priorité Cédric ?

De nombreux collègues DRH - ou « Directeur du Développement Humain », ou encore « Directeur de la Richesse Humaine » (il y a plein d’autres appellations pour parler des mêmes personnes qui essayent de faire le même métier, celui d’accompagner les hommes et les femmes de l’entreprise) … – de nombreux collègues donc disais-je, expriment leur frein à aborder ce sujet en précisant qu’ils n’ont déjà pas traité le bas de la pyramide de Maslow (entendre : les besoins physiologiques de leurs salariés) alors s’attaquer au deuil… !

En fait, le deuil, contrairement à beaucoup de sujets, tu ne le choisis pas, il vient frapper à ta porte quand tu as perdu quelqu’un de cher ou de proche. Le deuil a un impact sur l’ensemble de nos besoins, qu’il soient physiologiques, de sécurité, d’amour et d’appartenance, d’estime et même d’accomplissement de soi. Que vous croyiez ou pas à la formalisation de Maslow, le deuil a un impact et le prendre en compte ou pas, tout de suite ou plus tard n’est pas franchement un choix mais une façon de travailler et d’améliorer la santé des salariés, les coûts liés au travail et la marque employeur.

Nous les DRHs, nous les CEOs ou DGs, nous les managers, nous avons la possibilité de changer le monde dans lequel nous vivons, ne ratons pas cette occasion dans une situation de dégradation continue de la santé mentale de nos salariés. Peut-être que nous ne savons pas par quel bout prendre ce sujet. Des structures existent, telle que MIEUX TRAVERSER LE DEUIL , elles sont présentes pour faire un bout de chemin avec nous, pour le bien de nos salariés et de nos entreprises. Les actions à mettre en œuvre ne sont pas lourdes et chronophages. Elles commencent par décider de prendre en compte ce sujet et de l’intégrer dans la politique RH de l’entreprise. Mais toutes ces actions feront l’objet d’un autre article sur ce sujet ! Ce que nous pouvons faire aujourd’hui, c’est simplement décider que pas un seul de nos salariés endeuillés ne puisse rester seul avec sa souffrance !


Un immense merci à Véronica Formica pour sa relecture, à Damien BOYER pour son engagement sur ce sujet et à toutes les associations (et chacune et chacun des bénévoles) qui oeuvrent chaque jour pour que les endeuillés soient accompagnés.

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