Et un troisième livre en lien avec L'Alsace !
Une fois n'est pas coutume, je vais aujourd'hui vous parler du troisième livre, publié par mon papa (Daniel Froville), que je viens de terminer de lire.
L'histoire de ces trois livres
Ces livres sont liés.
Le premier livre "Pierre Bockel. L'aumônier de la liberté", édition de la nuée bleue, fut le premier à être publié en 2012 . Il est né de la passion de mon père pour André Malraux, de la rencontre avec Pierre Bockel des années auparavant - lui-même ami de longue date d'André Malraux-, des liens qu'ils ont tissés ensemble et enfin de l'envie, après son décès, de lui rendre hommage. Le livre retrace la vie de Pierre Bockel, prêtre, résistant, aumônier militaire dans la Brigade Alsace-Lorraine, puis aumônier de la jeunesse et archiprêtre de la cathédrale de Strasbourg.
Le deuxième livre "La Brigade Alsace-Lorraine. Les hommes du NON du Colonel Malraux", sort en 2016 chez l'éditeur Jérôme Do Bentzinger. Cette fois, il s'agit de se focaliser sur l'histoire de la résistance alsacienne, de la création de la brigade, des combats auxquels elle a participé, de son importance pour les Alsaciens puis de sa dissolution et de l'influence réciproque entre André Malraux et la brigade.
Le troisième livre "La défense de Strasbourg. Au cœur de la campagne d'Alsace. Décembre 1944-janvier 1945." a été publié fin 2023 chez l'Harmattan. Il s'agit cette fois d'aborder la libération de l'Alsace, à laquelle la Brigade Alsace-Lorraine, menée par André Malraux, joua un rôle essentiel.
Je pense que vous avez vu les liens communs entre ces livres. Vous pouvez aussi noter qu'au fur et à mesure, le point de vue est plus large en englobant de plus en plus de personnes.
Approfondissons ce dernier livre.
Un récit passionnant
Le livre va relater au jour le jour, et parfois heure par heure, selon les besoins, ces événements historiques, souvent dramatiques, souvent héroïques, qui ont permis de repousser l'armée allemande hors d'Alsace.
Une fois les protagonistes rencontrés (les généraux des armées françaises et américaines, l'entourage du général de Gaulle et du général Eisenhower ainsi que les officiels régionaux ou locaux), nous allons les suivre durant ces quelques semaines où tout s'est accéléré.
Comme les livres précédents, le livre est très documenté, "bien plus encore que le précédent" devrais-je dire avec sa bibliographie de 6 pages et avec des photos que j'ai trouvées très bien choisies. La nouveauté, c'est l'apparition de belles cartes qui permettent de montrer les villes et villages principaux, les lignes de front et les mouvements de troupes. Ces cartes ont été très précieuses pour moi afin de bien comprendre ce qui se passait sur le terrain.
L'écriture, enfin, m'a permis, un peu comme un roman, de m'immerger dans ce récit historique, avec l'impression à plusieurs reprises de me sentir présent sur le terrain ce jour-là, de voir se dérouler les scènes devant mes yeux, d'entendre les bruits de la bataille et de ressentir ce que certains avaient probablement ressenti alors.
L'affaire de Strasbourg
Cet épisode de la libération de l'Alsace m'a laissé sans voix au début, puis a attisé ma curiosité, jusqu'à me faire trépigner d'en connaître le dénouement. Il illustre une erreur incroyable du général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées du front Ouest, qui, à la suite de la contre-attaque allemande dans les Ardennes, se rend compte qu'il manque d'unités en réserve. Il ordonne le repli de la 7e armée américaine et la 1re armée française aux Vosges en abandonnant une grande partie de l'Alsace reconquise (et notamment Strasbourg) sans aucune défense et donc à la merci du retour des troupes allemandes qui n'en attendent pas tant.
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L'Alsace a été annexée au Reich en 1940 et fait donc partie du sol allemand. La population a accueilli à bras ouvert les libérateurs français et américains. Si les troupes allemandes devaient revenir, une grande partie de la population serait assurément martyrisée et massacrée pour traîtrise vis-à-vis de la nation allemande.
Le plus étonnant c'est l'ensemble des signaux que reçoit Eisenhower de ses propres généraux sur le terrain qui questionne son ordre, rechignent à le mettre en œuvre et vont jusqu'à désobéir pour éviter la tragédie. Il n'en tient pas compte et reste sur sa ligne.
La manœuvre a été volontairement, et jusqu'au dernier moment, caché par les Américains désireux d'empêcher que son allié français puisse s'interposer. En l'apprenant, le général de Gaulle sera furieux et réagira promptement et sera connu pour avoir fait changer d'avis Eisenhower. L'histoire est tout autre et je vous laisse découvrir ce qui se passa réellement en lisant le livre... Je n'en dirais pas plus.
C'est un moment clé et fort du livre qui montre l'événement sous l'angle des généraux puis sous l'angle de la population sur le terrain.
Si cette décision avait été maintenue, cela aurait pu aboutir à un drame humain, politique et militaire et à une fracture dans l'alliance entre les Français et les Américains qui aurait pu être avoir des conséquences désastreuses et durables.
Regard d'un coach agile
Avec cette affaire de Strasbourg, il s'agit d'une prise de décision stratégique prise avec un manque d'évaluation des conséquences autres que militaires (notamment politiques) et sans tenir compte des avis divergents, notamment issus du terrain. Les réactions inhabituelles de ses généraux, leur résistance, voir la rébellion de certains aurait dû alerter Eisenhower.
Les décisions stratégiques sont les plus difficiles à prendre, car:
Du coup, il est très difficile d'apprendre dans un tel contexte. Il faut donc être très rigoureux sur la manière de prendre ces décisions et mettre en place des moyens d'éviter de tomber dans les biais cognitifs qui parasitent toute décision.
Un autre élément m'a surpris, en lien aussi avec le management : c'est l'importance de l'amitié dans la confiance accordée par Eisenhower à ses généraux. Plus un général était proche de lui, plus il avait de troupes à sa disposition, plus ses erreurs étaient tolérées et plus il était écouté et sollicité pour des actions d'ampleur. C'est humainement compréhensible, mais je ne cesse d'être surpris de voir que le fait de juger de la qualité de collaborateurs ne se fait pas toujours sur leurs qualités propres et leurs résultats, mais plutôt le niveau d'entente qu'on a avec eux. La capacité de voir et d'utiliser au mieux dans les collaborateurs avec qui on ne s'entend pas bien, les qualités supérieures semble une compétence rare. Le général Jacob Devers, en mauvaises relations avec le commandant suprême, en est un exemple alors qu'il m'a impressionné sur de nombreux points dans le livre.
Conclusion
Que vous soyez intéressé par l'Alsace, l'histoire de France et en particulier de la Seconde Guerre mondiale ou pour votre culture personnelle, je vous recommande chaudement ce livre et vous laisse vous faire un avis. Je serais très intéressé par des retours pour ceux qui l'auront lu.
P.S. - Je voulais féliciter mon papa pour tout le travail exceptionnel qu'il a réalisé avec ces trois livres (et le quatrième qui est en cours) et pour l'amour qu'il nous apporte.