Gaspillage alimentaire : changeons nos pratiques et faisons des économies
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Gaspillage alimentaire : changeons nos pratiques et faisons des économies

Ça vous dérange vraiment que vos légumes soient un peu moches ou tordus ? Le 4 juillet 2018, le chef triplement étoilé Fréderic Anton s’insurgeait sur France Info contre le gaspillage alimentaire. Il soulignait en particulier que les grands restaurants étoilés étaient champions du monde dans le domaine car la recherche du légume ou du fruit parfait, capable de rendre un visuel sans pareil, les poussaient à un gaspillage pouvant aller jusqu’à 70% de la matière première.

Frédéric Anton en cuisine © Le Pré Catelan

En France, les fruits et légumes représenteraient une partie conséquente du gaspillage alimentaire, estimé à plus du tiers de la production totale. Malgré la difficulté à obtenir des statistiques au niveau la production agricole, les experts s'accordent sur l'existence de récoltes qui seraient partiellement, voire entièrement non commercialisées lorsque les aléas de production (notamment climatiques) rendent l'offre supérieure à la demande.

Les supermarchés disent que les consommateurs ne veulent pas de légumes dont la forme est irrégulière, comme les carottes, les panais et les pommes de terre. C'est absurde disent leurs critiques.

Mais les consommateurs veulent-ils exclusivement des fruits et légumes qui répondent à la norme de calibrage ? Les supermarchés sont-ils corrects ? Répondent-ils vraiment à la demande ? Ou tentent-ils de manipuler la demande ?

Au centre de la problématique se trouvent les agriculteurs qui constatent qu'une grande partie de leurs légumes sont rejetés par les supermarchés. Et ce sont des légumes qui ne sont pas endommagés ou mauvais – ils n’ont tout simplement pas la forme requise !! Bien que ces légumes rejetés aient été décrits comme « difformes », en fait, beaucoup ne sont pas du tout moches ou tordus, mais simplement un peu trop grands, trop petits, trop courts ou trop longs. La plupart de ces légumes sont simplement écartés du circuit de distribution classique et gaspillés – remplissent les composteurs ou, au mieux, sont utilisés pour l'alimentation animale.

Il ne s’agit pas seulement d’un problème de forme, c'est aussi la couleur. De nombreux producteurs de pommes constatent qu'une grande partie de leur production est rejetée parce car leurs fruits ne sont pas assez rouges ou trop rouges.

Il est vrai que l’OECD publie des recueils pour définir les standards de ce qui est admissible en termes de format et de qualité pour les fruits et les légumes… par exemple, concernant la description des gousses d’ail, qualité et calibre nécessitent 100 pages… pas certain que beaucoup de gousses passent l’ensemble des prérequis, aïe aïe aïe !




Les supermarchés prétendent qu'ils ne font que répondre aux attentes des consommateurs et que d’ailleurs les tentatives de certaines chaines afin de proposer à la vente des fruits moins parfaits ne connaissent que peu voire pas de succès. Leurs détracteurs affirment qu'ils fixent des normes ridiculement rigides qui ne préoccupent guère les consommateurs. Comme Hugh Fearnley-Whittingstall, chef cuisinier médiatisé outre-manche, le dit :

« C'est seulement quand on voit le processus de sélection à la ferme, comment il a été affiné et intensifié, qu’on se dit qu’il y là quelque chose de fou »

En effet, sur ces lignes d'usine vous avez des gens qui ne cherchent que les défauts. Dans ce système, seuls les fruits et légumes beaux seront conservés, les autres sont recalés.

De nombreuses associations demandent aux supermarchés d'assouplir leurs normes cosmétiques pour les légumes qui sont tous emballés et vendus ensemble. "Il s'agit d'en glisser d'autres qui ne sont pas parfaits dans le sac."

Mais comme le savent tous les économistes, les prix et les quantités d’équilibre sont issus de la rencontre de l’offre et de la demande. Aussi, en retour, les consommateurs doivent être prêts à faire savoir aux supermarchés qu'ils sont contre ces normes cosmétiques et sont parfaitement heureux d'acheter un peu plus de fruits et légumes irréguliers.

Avec l'essor des petits producteurs indépendants de fruits et légumes dont beaucoup viennent d'Europe de l'Est, il y a maintenant une concurrence intense sur le marché des fruits et légumes dans de nombreuses villes. Peut-être les supermarchés seront-ils obligés de vendre un peu moins de fruits et légumes " parfaits " à un prix inférieur pour faire face à cette concurrence.


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