Hard skills, soft skills, mad skills, et après ?

Hard skills, soft skills, mad skills, et après ?

Dures, douces, folles… les adjectifs n’en finissent pas de se succéder pour décrire les compétences recherchées par les entreprises chez leurs candidats, leurs managers et d’une manière générale chez toute personne au sein d’une entreprise ou association. Les dirigeants et experts des ressources humaines cherchent à percevoir, interpréter, comprendre, catégoriser et différencier pour mieux faire « matcher » personnes, postes et missions.

Il fut un temps ou l’on entendait parler uniquement des « hard skills » (compétences dures en anglais), ces compétences dites techniques. Autrement dit : les savoirs faire. Dans la recherche de la qualité et de la performance, la maîtrise était la clé de toute réussite. La condition sine qua non pour la quête de reconnaissance, de promotion ou l’assurance de travailler à son poste toute sa vie professionnelle. On apprenait dans les écoles, les centres de formation, un geste, une technique, une méthode… On maîtrisait le comment. Je sais faire donc je suis.

Puis est venu le temps des savoirs être : les « soft skills ». En plus des compétences, il devenait essentiel de posséder des aptitudes. Jusque dans les postes commerciaux, où le chiffre ne suffisait plus pour obtenir son bonus complet, il devenait désormais précieux de se comporter avec l’esprit qui convient (pour les chasseurs purs et durs je vous rassure : encore beaucoup de directions commerciales se suffisent des compétences techniques dures). Plus douces, plus axées sur l’humain, les soft skills reflètent la capacité de chaque personne à interagir, agir dans tel ou tel environnement. À s’adapter par exemple, faire preuve d’autonomie, de résilience, d’aisance relationnelle, d’esprit d’équipe, d’autonomie, d’écoute, de créativité, à avoir confiance en soi, à se concentrer, à gérer ses émotions… Autant les hard skills pouvaient se montrer radicales (je sais comment faire ou je ne sais pas), autant les soft skills s’expriment avec plus de nuance et de douceur. D’autant qu’on peut apprendre à développer les compétences humaines comme toute autre compétence technique. Quelle que soit la personnalité de chacun. La vision déterministe des capacités humaines a pris du plomb dans l’aile depuis l’apogée de la science épigénétique, qui a prouvé qu’il est même possible d’influer jusqu’à ses propres gènes par ses décisions et les actions qui les suivent. La progression dans l’acquisition des soft skills est donc aussi récompensée, même sans maîtrise. Si on peut tant soit peu oser parler de maîtrise en matière d’aptitudes humaines.

Dans une société dite volatile, incertaine, complexe et ambiguë (VICA), les soft skills sont donc considérées comme des réels atouts à long terme, complémentaires des compétences techniques indispensables. Je suis humain donc je suis.

Je suis différent donc je suis

Dernièrement (quelques mois ou quelques années pour les pionniers de la question), les « mad skills » ont fait beaucoup parler d’elles. Le monde serait-il devenu fou ? Pas tant que cela justement. C’est juste que derrière ce sobriquet original (« mad » = fou), il est question de tout ce qui rend une personne particulière, atypique, différente des autres, donc unique. Comme une passion originale, un sport pratiqué à haut niveau, un roman en cours d’écriture. Un projet ou une ambition qui sort de l’ordinaire… Évidemment, l’écueil serait de réduire une personne à un trait de personnalité singulier en s’affranchissant des autres, dans une logique purement productiviste. Malheureusement, certains tests ou modèles de personnalité tombent allègrement dans ce piège. Certes, le cerveau est ainsi fait que nous ne pouvons éviter de catégoriser pour comprendre, ranger dans les tiroirs déjà existants. Nous suivons les chemins cognitifs déjà tracés si ces derniers suffisent et ne nécessitent pas trop d’énergie pour poursuivre sans danger. Je suis différent donc je suis.

Mais tomber dans la facilité pour comprendre l’identité humaine est source de trop d’erreurs majeures. Menant aux erreurs de carrière, au management aveugle et anti performant, aux organisations sans fondations saines et durables.

La facilité serait donc de ne comprendre chaque personne que par un prisme technique, d’aptitudes, ou atypique. Nous sommes tous cela à la fois, et bien plus encore, pour le dire rapidement. Au-delà des personnalités, il s’agit bien désormais d’identité dont il est question. Combien de profils apparemment semblables sur le papier, après un test de personnalité, se distinguent par leurs expériences, éducation, visions, ambitions, croyances en tous genres, envies, espoirs, spiritualités, religion… ET qu’en serait-il de l’évolution personnelle de chacun d’entre nous ? L’identité est constituée de multiples couches, indissociables les unes des autres. Comment alors appréhender l’Humain sans une approche holistique ? Question encore trop philosophique pour beaucoup. Et pourtant…

Le big data sauvera-t-il l’humanité ?

Hard, soft, mad, les données sur les candidats et personnes en place sont multiples. Infinies peut-être ? Les outils de traitement des datas se sont développés à vitesse grand V. La GPEC des directions des ressources humaines a suivi le mouvement en ajoutant, brique après brique, des cases et des fils pour « matcher » les compétences de chaque collaborateur.

Les algorithmes foisonnent dans les startups qui adressent un marché mêlant ressources humaines et IT avec cet passion digne des chercheurs d’or filant vers le Klondike.

Il reste que la logique économique, source de modélisation industrielle, matérielle et technique, va toujours à l’opposé du caractère unique de chaque personne. Les outils présentent encore des modèles statistiques, où la norme repose sur une logique du plus grand nombre, à moins que des milliards de catégories ne deviennent réalité. ;-)

La recherche des mad skills témoigne bien de la volonté de différencier, pour choisir les « meilleurs » pour son organisation. En tout cas les plus adaptés. Et les interprétations de ces datas restent la clé du futur du management et des ressources humaines. Sachant qu’un profil ne cessera jamais d’évoluer, de s’affiner, de progresser, de changer même. Peut-on se suffire de différencier un candidat d’un autre ? Un manageur d’un autre, avec des grilles de catégorisations et des cases stigmatisantes ? Mon avis est dans la formulation rhétorique de ma question. ;-)

Paradoxalement, nous devons encore progresser à la fois sur notre prise en compte du caractère unique de chaque individu, et des liens sociaux entre les individus. Nous l’avons vu, d’un côté les outils de catégorisation des individus réduisent souvent à des familles de profils, et réduisent parfois à l’extrême pour des raisons de compréhension et de marketing. D’un autre côté, en recrutement, les opportunités de « match » concernent majoritairement les qualités des candidats et celles requises pour accomplir une mission, convenir à tel ou tel poste à pourvoir. Les profils des personnes déjà en poste dans l’équipe à compléter, sont malheureusement souvent absents des dossiers. Peu d’intégration des « matches » inter relationnels.

C’est pourtant bien dans une logique holistique, évolutive et sociale qu’il devient essentiel d’appréhender chaque individu, chaque test de personnalité, chaque programme de recrutement, de formation de détection des hauts potentiels, et des potentiels tout court.

Vision idéale de la place de chaque individu au sein d’une organisation ? Sûrement. Le défi est immense. Mais l’histoire de l’être humain est semée de défis immenses relevés. C’est ce qui la rend passionnante. Et motivante. Alors que l’aventure continue !

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