Hit-parade 2024 - #1 : Les Mousquetaires : quand l’intelligence artificielle optimise la trésorerie

Hit-parade 2024 - #1 : Les Mousquetaires : quand l’intelligence artificielle optimise la trésorerie

Pour Redbridge, Laurent Bonhomme et Sébastien Schweickert livrent tous les détails de l’expérience réussie d’optimisation des prévisions de trésorerie du Groupement Les Mousquetaires grâce à un modèle d’intelligence artificielle prédictive. Le projet, initié il y a cinq ans, fournit des résultats tangibles et durables grâce à l’investissement d’une équipe de trois experts. Une belle illustration des défis posés par l’intégration de l’intelligence artificielle aux processus de trésorerie.

Trop souvent, l’évocation de l’intelligence artificielle appliquée aux processus de trésorerie se résume à des promesses d’un monde meilleur et merveilleux. Un monde où les praticiens sont délivrés par la machine des tâches fastidieuses du quotidien de leur métier. Un monde où il devient possible de se concentrer exclusivement sur l’analyse et les tâches à valeur ajoutée, pour s’attirer (enfin ?) les bonnes grâces de la direction. Mais qui croit véritablement à ces discours non étayés par des faits ?


Loin du blabla et des salades, le Groupement Les Mousquetaires, qui regroupe les enseignes de distribution Intermarché, Netto, Bricomarché, Brico Cash, Bricorama, Roady et Rapid Pare-Brise associé à une centrale d’ Achat, des fonctions d’ appuis, une logistique propre , des bases et des usines de production  , a intégré avec succès l’intelligence artificielle à ses processus de prévisions de trésorerie. L’orchestrateur de ce projet, Sébastien Schweickert, et son promoteur, Laurent Bonhomme, directeur des financements, de la trésorerie et des relations investisseurs du Groupement Les Mousquetaires, étaient les invités du petit-déjeuner client organisé mi-novembre par l’équipe transformation de la trésorerie de Redbridge. Leur retour d’expérience a souligné toute la complexité d’un chantier d’intégration de l’intelligence artificielle aux processus de cash flow forecasting ; la nécessité d’y consacrer des ressources conséquentes dans le temps ; et le besoin de constamment suivre le jeu des données pour que le modèle ne s’encrasse pas mais, au contraire, évolue vers toujours plus de précision.

Au prix de ces efforts, le Groupement Les Mousquetaires est parvenu à ramener de 3 % à 1 % la marge d’erreur sur ses prévisions à 12 semaines, « un niveau acceptable pour pouvoir prendre des décisions financières », selon Laurent Bonhomme. Le Groupement estime à un million d’euros annuels les économies générées par son modèle de prévisions de trésorerie à base d’intelligence prédictive, à travers une allocation plus performante du cash disponible et un calibrage plus fin des tirages bancaires et des billets de trésorerie (NEU CP).

Les enjeux et les prérequis du projet Cash Flow Management

A l’origine du projet d’amélioration des prévisions de trésorerie grâce à un modèle d’IA prédictive – baptisé Cash Flow Management (CFM) -, la création d’un Data Lab destiné à « réaligner les planètes entre les expertises métier et les données ». Laurent Bonhomme explique : « La donnée constituait le premier étage du lancement de notre projet. Le deuxième était de savoir si le jeu en valait la chandelle. Pour Les Mousquetaires, la réponse était oui, en raison d’un différentiel élevé entre le coût des financements court terme et le niveau de rémunération des placements de trésorerie. Le troisième étage traitait de notre capacité à faire vivre le modèle de prévision de trésorerie via une gouvernance adaptée, et à le mettre au service de chaque département du groupe. Enfin, le quatrième étage consistait à mener des tests sur l’historique de nos prévisions ».

Le projet CFM consiste à modéliser par méthode directe pas moins de 15 milliards d’euros de flux sur trois mois. Au-delà de cet horizon, il y a trop d’éléments perturbant les prévisions de la trésorerie du Groupement, dont le pic s’élève à 1,2 milliard d’euros. CFM mobilise en équivalent temps plein une équipe de 1,5 data scientist et 0,5 data engineer, sous la direction d’un troisième mousquetaire, Sébastien Schweickert.

Selon lui, l’ancien modèle de prévisions de trésorerie, fondé sur excel, peinait à identifier des motifs récurrents sur les encaissements et les décaissements du Groupement. « Bien que chronophage et porteur d’erreurs sur horizon long, l’ancien modèle fonctionnait toutefois. Il convenait donc de rendre sa donnée plus exploitable et gommer ses dérives », commente M. Schweickert. Aussi, trois ans après le lancement du projet CFM, Les Mousquetaires continuent toujours de comparer les prédictions en back-testing de leur ancien modèle excel, avec celles basées sur l’intelligence artificielle et le machine learning.


Interface avec les outils de trésorerie, l’ERP et des sources externes

Concrètement, l’équipe a commencé par développer une interface à l’entrée de son logiciel de trésorerie  (ndlr – Kyriba) pour s’assurer un accès intelligent et récurrent à la donnée brute de trésorerie. Sans se faire aider d’un éditeur, l’équipe a ensuite construit deux modèles de prévisions. D’abord, un modèle métier, qui est une réplication du modèle excel, et s’appuie sur des règles métiers, des indices d’ évolution propres à chaques Métiers , etc.) Ensuite, un second modèle basé sur l’apprentissage d’une IA prédictive alimentée par une masse complémentaire de données externes (cours du pétrole et des denrées alimentaires de base notamment).

« Le cadre préalable nécessaire à l’épanouissement de ce projet incluait un cash pooling quotidien efficace, une modélisation des flux de trésorerie en vision compte de résultats (hors stocks) et une passerelle entre l’ERP comptable et l’outil de trésorerie. Nous menons notre suivi du modèle en comparant à J+2 les prévisions à la réalité. Nous analysons les flux de trésorerie et comment la donnée est séquencée, notamment les délais de paiement par type de flux. Enfin, nous contrôlons la stabilité des règles d’affectation de nos données et leur profondeur. Un minimum de 5 ans est nécessaire. »

10.000 lignes d’entrées par jour

Après avoir mené une preuve de concept (POC) en 2019, le Groupement Les Mousquetaires a lancé le projet CFM en 2020-2021, durant la période Covid. S’en est suivi un premier moteur de prédiction, utilisé à partir de 2022. « La crise de la COVID était un évènement exceptionnel, que nous avons détaché de la période d’apprentissage, mais qui se reflète néanmoins dans l’évolution des données comportementales, car les habitudes de consommation ont profondément changé en lien avec des évolutions sociétales comme le télétravail », souligne Sébastien Schweickert.

Dans le modèle actuel, les données du COVID peuvent aujourd’hui être réintégrées à tout moment par le trésorier, à la manière d’un évènement réplicable. En tout, le modèle fonctionne sur 10.000 lignes d’entrées par jour, et l’équipe travaille à intégrer à ses modèles prédictifs de nouvelles variables explicatives, telles que l’impact de la crise énergétique ayant suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine ou l’accélération de l’inflation.

« Nous mettons en garde contre les changements intempestifs de tags sur les données, qui ne permettent plus à la machine d’apprendre ! Une fois les règles de classification des différents flux établies, elles doivent rester immuables et sanctuarisées. Cela vaut tout particulièrement pour la classification des frais d’exploitation ou la décomposition analytique des coûts des fournisseurs de denrées ». Le responsable de CFM rappelle à cette occasion que l’IA n’est pas toujours intelligente. « Il y a parfois des dérives qui peuvent se prolonger durant plusieurs mois avant d’être corrigées par l’homme ».

Une marge d’erreur sur les flux inférieure à 1 %

Le modèle des Mousquetaires a évolué avec les pratiques métiers, par exemple à l’occasion de l’introduction de nouvelles règles en matière de risère, le modèle affiche un écart maximal de prévisions sur les flux de 100 à 150 millions dtournes. Alors qu’il se limitait à l’origine au périmètre du Groupement, le modèle s’est élargi au début de l’année 2024 pour développer une vision alliance et une vision par pôles.

Pour quel résultat ? Limiter l’endettement brut, à travers des prévisions plus précises. En la matière, le modèle affiche un écart maximal de prévisions sur les flux de 100 à 150 millions d’euros, soit moins de 1 % sur un chiffre d’affaires de 15 milliards, contre 3 % auparavant.

« Le ROI ne se mesure toutefois pas qu’au gain financier. Alors que notre trésorerie est cyclique, avec de grosses variations à la baisse du 15 janvier au 15 juin, suivies d’une reconstitution entre le 15 juin et le 15 janvier, il est intéressant et rassurant de pouvoir prédire avec précision les points bas de l’activité… et de prévenir en amont nos créanciers », conclut Laurent Bonhomme.

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