[Humeurs de Développement Durable : aurore et crépuscule, vers une société de "tous colonisés"]
42 ans ! c'est le temps "symbole" d'un parcours professionnel.
Il y a 42 ans, en 1982, ma première expérience de jeune agro en Haute Volta (aujourd'hui Burkina Faso) à Bobo Dioulasso portait sur les maraîchages, et en particulier sur les appuis au développement (venant de chez nous) par pompage des marigots, qui, pour être "efficace" conduisait souvent à la destruction de toute la gangue arborée. Cette gangue était pourtant ce qui protège les rives, l'humidité, l'écoulement, les changements de régime. Qu'en était il ? Et bien, avec les agronomes locaux, nous constations la disparition pure et simple de la présence des marigots, à une vitesse incroyable ! ils disparaissaient de la carte ... et bien sûr les maraîchages aussi, car il n'y avait plus d'eau à pomper.
Aujourd'hui même, 42 ans après, je vois dans notre bonne France agricole ce ru bordé il y a encore 5 ans de belles trognes ! aujourd'hui toutes mortes d'épuisement, les bois résiduels sont en cours de pourriture.
Savez vous quoi, même si nous sommes sous d'autres latitudes, je tiens le pari que nous aurons la même conséquence à moyen terme.
Mon pari est facile, nous constatons déjà la disparition de nombreux petits cours d'eau.
Or ce qui est "cocasse" (si vous m'autorisez ce mot en la situation dramatique), c'est que nous vivons justement de nouvelles grandes inondations, il n'y a que quelques semaines, avec débordement, flot à grande vitesse etc. Bref, tout ce qui faut pour vider la terre de ses qualités : nous avons pu constater d'ailleurs la couleur boueuse caractéristique de ces flots. Nous vivons aussi les sécheresses estivales récurrentes qui rendront ces rus si précieux très très vite.
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Alors me revient les excellentes analyses de plusieurs ethnographes à qui je dois énormément, P. Descola, E. Kuhn et en l'occurrence Xavier Ricard Lanata.
Xavier a parlé en visionnaire de l'impérieuse nécessité dans laquelle nous nous trouvons de penser le monde en nouveaux colonisés. La surexploitation de la Terre à l'échelle globale ne laisse plus d'espace à "aller chercher" pour notre bien être. Partout, tout autour de la Terre (et des océans, sujet tellement crucial), nous avons saisi tout ce qui était facile à saisir. Donc nous nous trouvons toutes et tous dans une situation où là où nous habitons, et bien il manque de plus en plus de moyens pour bien vivre.
Alors les sociétés qui ont éprouvé-expérimenté déjà par le passé cette situation ont inventé des moyens de résilience, de survie, de "ravivement de l'esprit" : donc peut être, certainement, nous pouvons y trouver des inspirations salutaires. Un renversement des rôles qui peut culturellement nous paraître "fada" mais qui me semble au contraire urgent, important, enthousiasmant.
Ainsi, au crépuscule de mon parcours, retrouvant les couleurs de son aube, se nourrit le cycle d'une époque peut être un peu "désabusée", d'un style de nos humanités, et aussi pourquoi pas d'une veille lumineuse pour de nouvelles métamorphoses sociales !
@développementdurable @economieecologique @developpementresponsable EHESS - École des hautes études en sciences sociales AgroParisTech
#NED | Board Member | Lecturer | IFA | APIA | Chapter Zero France
8 moisMerci Claude, c’est clair et c’est, suprême luxe, poétique.