[Humeurs symphoniques : visages Visage ?]
Serait elle déjà éloignée, l'humanité d'Agnès Varda et de JR ?
Depuis quelques temps, les visages des jeunes adultes de moins de 30 ans m'intriguent et tout d'un coup, m'est venue un saisissement. Il me semble, oui, que leur visage, surtout le bas, n'exprime rien, lors de nos échanges ? En tous cas il y a une forme de face figée, et ce pour nombre d'entre eux. Et y prétant attention, je ne vois pas du tout ce type de visage chez les anciens, ridés, mais dont les micro-mouvements faciaux réagissent (je crois qu'on parle de l'extrême vivacité des réponses des neurones miroirs). Donc, ces jeunes porteraient une forme de handicap de l'expression, de la microexpression de leur visage ? Comme si ils portaient désormais un masque.
Et puis lors des conversations, je surprends le surgissement de "super expressions" assez convenues, assez "excessivées", issues, me semble t il , des séries américaines et des émissions de télé réalité ? la surprise, la joie, les différents sursauts émotionnels deviendraient codés et amplifiés, comme reproduction de ce qui est capté sur les écrans ?
Cette subtile métamorphose de l'expression a généré chez moi un malaise : si jamais elle devenait générationnelle, par l'impact profond et anthropologique des réseaux sociaux, des vidéos et des relations par écrans interposés, si elle n'était pas qu'une intuition sensorielle fausse, si elle sourdait comme une vibration profonde et nouvelle, que serait ce le signe ?
A ce stade je ne sais. Il me semble que ce serait une mutation extraordinaire, ouvrant un nouvel éon, une nouvelle ère pour nous, les humains, et cela générerait une cascade de conséquences sur la manière dont nous bâtissons les sociétés.
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Toute la philosophie de la responsabilité, par le visage de l'autre, que Levinas a exprimé magnifiquement, se trouverait bousculée. Philosophie, oui, mais de la philosophie à la vie réelle, à la communauté des humains inter-agissants, il n'y a qu'un pas, bien sûr. Quelle serait la vie de nos proches frères et soeurs ? comment diraient ils leur affection, leur mini-séismes émotionnels, comment se régulerait la joie et la peine ?
Je n'en ai aucune idée, mais ce surgissement des masques me semble faire un contrepoint avec les masques figés de nos rues commerçantes homogénéisées par les enseignes internationales, par les profilages des voitures homogénéisées par les mêmes optimums de la physique et des logiciels de design, par les mêmes habitations rendues efficientes par les mêmes matériaux mikado.
Il reste la pratique culinaire qui résiste : ce midi, courgettes revenues, moules, un peu de chou bouilli et du poivre de Madagascar, un subtil régal, nous étions ravis et les visages s'épanouissaient de cette surprise : "la terre est une table divine"
Pour aller plus loin : Emmanuel Levinas : "Totalité et infini" ; Agnes Varda et JR : Visages Villages film de 2017
Commercial, management, développement
1 moisTellement vrai !
Art-thérapeute certifiée RNCP
1 moisExcellent texte. Je ne sais pas non plus d'où ça vient exactement, mais cela m'interroge, aussi sur les effets dans l'éducation, dans le développement interpersonnel (les fameux neurones miroirs). Et pas seulement le visage qui se veut lisse, le masque de l'apparence, cette fausse croyance que les années ne passent que pour les autres et qu'on sait déjà tout. Il y a aussi la pauvreté du langage qui s'ajoute à la pauvreté de l'expression. Je ne veux pas généraliser, loin de là, mais il suffit d'être curieux : si on regarde des séries à succès des années 60-80, devenues culte dans l'histoire du cinema (voir "l'île au 30 cercueils", Belle et Sébastien, Rocambole, Belphegor...), certains jeunes d'aujourd'hui ne comprendraient pas tous les mots utilisés, la richesse de langue française, la richesse des références historiques et culturelles. Bien sûr, les expressions qui changent rapidement sont comme une appartenance à un groupe. Mais le langage SMS, l'argot appauvrissent le langage et l'orthographe, un constat réel et inquiétant en milieu scolaire
Inquiétant constat! Merci Claude.
Fondatrice de l'atelier de Méditation
1 moisMerci Claude de ces réflexions . Moi aussi j’ai constaté des expressions stéréotypées empruntées à des séries américaines. Dans les générations précédentes ce sont les vêtements qui nous servaient de vecteurs d’intégration ou d’expression. Autres temps autres mœurs .