Le bouton au milieu de la figure
Mes fidèles lecteurs ont dorénavant assimilé que nous avons tous un regard sur le monde qui dépend l'expérience et des références de chacun, et de ce fait nous ne pouvons pas nous retrouver dans une même et unique réalité. Soit.
Il semble bien plus difficile d'admettre que l'autre ne sera pas forcément apte à reconnaitre MA réalité, et ne soit pas en mesure de la voir avec MON regard.
De ce fait, nous restons persuadés que l'Autre nous voit tel que nous nous voyons.
Or, notre regard sur nous même est impitoyable, répondant aux exigences rarement partagées. Nous cherchons à correspondre à une image produite par notre esprit, que nous sommes seuls à connaitre.
Ainsi, un adolescent peut passer des heures devant une glace pour réussir sa sculpture capillaire correspondant aux normes en vigueur dans le monde d'adolescent, mais il est étonné, voire déçu, d'être accueilli par ses parents par un "ah bon, tu sors comme ça ?! "
En aucun cas je ne peux m'imaginer que personne ne sera perturbé par le bouton qui fleurit au milieu de mon visage, qui efface par sa simple présence tout le charme, voire même la totalité de l'intelligence que j'aurais pu avoir jadis. Évidemment, l'Autre, en face, ne pourra m'écouter parler sans être perturbé par cette affreuse excroissance qui me défigure à jamais. Je le sentirai dans son regard qui sera rivé, j'en suis sure, sur cette vérole me rendant ridicule. Je vais donc tout mettre en œuvre pour cacher cette imperfection. J'appliquerai produits miracles et maquillage, et je n'aurai de cesse avant que, à mes yeux, mon image sera à nouveau en parfaite correspondance avec celle de mon esprit, celle que je dois afficher.
Or, il est fort à parier que la personne en face n'aurait pas fait cas de ce bouton, sachant que chaque être humain est, parfois, frappé par ce fléau. Et sans doute cela n'aurait eu aucune conséquence sur l'avis qu'il a sur nous, cela n'aurait changé en rien notre relation. Nos efforts, par contre, pourraient l'amener à constater que nous sommes un tantinet trop maquillés, et que c'est bien dommage d'avoir enseveli ce si joli visage sous une épaisse couche de fond-de-teint.
De même que nous nous trouvons paralysés par une tâche sur notre chemise, qui, à coup sur, a une conséquence immédiate sur notre crédibilité. En essayant d'enlever cette tâche avec un bout de serviette (pourquoi pas rouge, la serviette, sur une chemise blanche!! Cela ne parle à personne ?!) nous l'étalons en grand et parvenons surtout à rendre le tissus informe, attirant ainsi le regard sur notre maladresse.
En voulant dompter un épi, qui nous fera sans aucun doute passer pour peu sérieux, voire fou, nous allons, par le gel appliqué, le rendre encore plus rigide, et donc plus visible.
Et que dire des personnes qui, déçues par ce que la nature leur a offert, souhaitent corriger les attributs de leur corps, pour un résultat bien souvent "étrange"…
Ainsi, en voulant gommer nos imperfections, qui ne le sont certainement qu'à nos yeux, nous parvenons surtout à les accentuer, et à obtenir au final l'effet inverse.
La réalité de l'autre implique également qu'il ne nous voit pas comme nous pensons qu'il nous voit. Et la plupart du temps, l'Autre est beaucoup plus indulgent avec nous que nous-même.
Alors, si nous étions un peu plus indulgents avec nous ?
Susanne PETERS, Psy simplement
(plus sur FB: @cabinet.s.peters)