Il neige…

Ce matin il neige. L’envie me prend de faire un bonhomme de neige. Une voisine me demande pourquoi un bonhomme et pas une bonne femme. Elle a raison, c’est vrai, quel machisme ! Donc je fais aussi une grosse bonne femme de neige. Pas réussie. Plutôt moche. La voisine râle au nom des droits de la femme. Et flanque une taloche à son gamin qui fait des boules de neige. Il braille. Une autre dame prend les témoins à partie parce qu‘ ils n’ont pas empêché la claque... c’est vrai quoi la défense des enfants c’est sacré. Un attroupement se forme qui fait du bruit. Pendant ce temps une main anonyme ajoute au bonhomme de neige une carotte pour faire le nez. Une autre, rageuse, l’enlève en disant que ce n’est pas bien de se moquer des végans. Un témoin écolo lui prête main forte, en parlant de convergence des luttes. Pour tout arranger, afin de compléter mon œuvre d‘art, un gilet jaune de passage met un foulard sur la tête de la dame de neige. Aïe ! Un jeune de la cite voisine retire rageusement le foulard en criant qu’il voit bien les arrières pensés islamophobes derrière ça et qu’il ne laissera pas insulter les musulmans de cette manière. Le voilà qui injurie le gilet jaune en usant de tous les noms y compris ceux qui désignent les homos dans le langage cru des quartiers. Le ton monte et le niveau baisse. Un couple de passants, un peu efféminé peut être, saute sur l’occasion pour crier à l’homophobie. Deux flics déboulent et vérifient nos papiers. C’est là que les choses ont commencé à mal tourner. En effet une vidéo de la scène a été postée sur Internet, immédiatement reprise sur un tweet qui parle d’une échauffourée à coloration homophobe ou raciste, on ne sait pas. L’enquête le dira, le procureur est saisi. En tout cas un enfant en a été victime et ça c’est inacceptable. Le tweet a été d’ailleurs signé par une association de défense des droits de l’homme (ou quelque chose comme ça). Une télé en parle déjà. On me voit à l’écran au moment où j’affirme, en singeant Coluche, que mon bonhomme est « blanc comme neige… normal quoi !». Évidemment j’aurais pas dû : personne ne saisit la plaisanterie. Le présentateur télé en rajoute : on craint que, même si rien ne le laisse présager, la cité toute proche ne s’enflamme. Il faut si peu de choses dans ces cas-là. De mon côté je termine la soirée en garde à vue. Les flics me demandent depuis quand je monte des manifestations à connotation raciste sur la voie publique, avec en plus la complicité des gilets jaunes. Comme je me marre ils m’accusent d’outrage. Ces gens-là sont très sensibles. Heureusement lorsqu’un ami avocat vient me délivrer ils se calment un peu : mon ami est noir.  Pardon : je veux dire de couleur.