Il y aura une nouvelle Renaissance. Elle sera en partie industrielle.
1- La désindustrialisation est source de malheur en France mais plus généralement dans tous les pays développés. A qui la faute ? Aux industriels parfois, aux utopistes accrochés à leurs avantages acquis, souvent, au déficit d’innovation et de créativité enfin. « No comment » sur les choix opérés dans les annuaires d’anciens, cela en vexerait un trop grand nombre ! 😉
2- La centralisation des sièges sociaux alors que se mettait progressivement en place la mondialisation n’est en réalité qu’une solution pratique purement « logistique ». Les directeurs d’usines sont en place et travaillent en réseau, ici et ailleurs. Et plus se concentrent les groupes, plus nombreux sont les sites de production et, in fine, peu importe où se trouvent les sièges sociaux. L’important, l’essentiel même, reste la conservation des rapports humains et la “proximité” de la direction avec ses équipes, où qu’elles soient. Les technologies d’aujourd’hui le permettent. Elles n’offrent pas encore aux dirigeants le don d’ubiquité 😉. Les régions, avec l’appui des élus locaux, contribueront au développement économique local qui passe nécessairement par une restauration (ou la création) d’un outil industriel. En revanche, sauf à céder aux sirènes “écolos”, affirmer que “la réindustrialisation du territoire national passera par le rapatriement d’un certain nombre de fabrications classiques ou traditionnelles abandonnées à des pays à bas coût de main d’œuvre” est illusoire. Vis et boulons, par exemple, ne créent pas de valeur, n’innovent pas, requièrent de lourds investissements pour une production en très grandes séries. Les rapatrier serait aussi mortifère que d’autres expériences malheureuses de l’histoire industrielle métropolitaine.
La “défense de l’emploi” doit toujours être une priorité. Mais sans aveuglement. Le chômage a déconstruit tant de liens sociaux, décomposé des familles, brisé des destins. Chacun le sait et c’est pourquoi l’emploi est un “ciment” de la Société, au travail comme “à la maison”. Le soutien public peut parfois être nécessaire pour ne pas reproduire des erreurs passées ou pour gérer au mieux des phases transitoires dans un secteur, l’industrie, demandant vision à terme, charisme, exigences dans la durée vis-à-vis de soi-même comme de ses employés et partenaires, des phases transitoires qui sont inévitables pour un appareil productif pérenne.
3- Si l’on ne peut que regretter qu’une part significative du patrimoine industriel soit passé sous pavillon allemand, américain ou chinois, c’est la responsabilité des cédants qui partaient en retraite ? Certainement pas ! Ils auraient même - c’est démontré - préféré céder leur affaire à leurs employés ou à des investisseurs français. Mais las, la responsabilité incombe aux banques françaises qui n’ont jamais su accompagner correctement les PME, les TPE et même les ETI dans leur développement et encore moins lorsqu'il était question de financer à des candidats sérieux leur transmission. La finance française peut être honteuse de l’état dans lequel elle a mis ce qui faisait la richesse nationale. Faute d'être accompagnés, les candidats sont passés à autre chose ou sont paris et les acquéreurs étrangers peuvent faire leur marché en toute quiétude.
4- mobiliser l’épargne vers le secteur productif n’est finalement que soin palliatif face à un système bancaire défaillant. L’épargne attend une rémunération garantie, une prise de risque minimale sinon la mobilisation de fonds privés acceptant risque et rémunération même négative (au moins un certain temps) a de bonne raisons de prétendre à participer aux décisions et donc à être actionnaire et membre du conseil d’administration, non ?
Les banques régionales, frappées des maux si bien analysés par M. Loïk Le Flock Prigent, ne pourront, au mieux, qu’appliquer les décisions prises au siège pour l’ensemble des entités dont chacun sait qu’il est d’ôtes et déjà prévu d’en supprimer beaucoup et d’automatiser bon nombre d’opérations courantes qui ne requièrent pas de compétences particulières. Les baronnies d’antan, bien gérées et parfois même très profitables ne sont plus que de “vulgaires business units” d’un siège rivé sur son résultat opérationnel en continuant de mélanger les métiers de banque de détail et de banque de spéculation à haut risque avec sa propre salle de marché.
Ce qui compte, pour conclure, pour que soit réussie la réindustralisation que chacun appelle de ses vœux c’est bien évidemment un soutien massif à l’innovation, à la création, à la protection de la propriété intellectuelle de celles-ci, les seules clés qui permettront d’apporter sur ce marché désormais globalisé des produits (ou services) uniques ne pouvant que très difficilement être contrefaits.
La recherche et le développement coûtent cher. Très cher. Mais bien conduits, ils sont extrêmement bien payés en retour.
Il est désolant d’assister à tant de gabegie publique (et privée) autour de la transformation digitale ou de la transition énergétique quand dans l’esprit créatif, parfois génial, de certains existent des pépites qui, faute d’une vision à suffisamment long terme, filent outre-Atlantique notamment.
Oui, il existe une jeunesse talentueuse, avide de réussite tout en restant au pays. Il faut la “bichonner”. C’est entre ses mains que sont concentrées presque toutes les clés du redressement d’un pays surendetté, qui ne produit pas assez, sinon des services, des “usages”, comme s’il fallait désormais démembrer toutes les propriétés pour n’offrir aux clients qu’un usufruit limité dans le temps et dans l’espace. S’adapter aux nouvelles facettes du monde est une nécessité. Tomber dans ses excès serait commettre une erreur dont il faut être conscient qu’elle se paierait sur bien plus qu’une génération.
En un mot comme en mille, qui dit réindustrialisation passe par l’innovation, le soutien des régions, de l’Etat, de l’Europe, au nom du principe de subsidiarité. Quant aux régions où il fait bon vivre ou travailler, libre à chacun, en fonction de critères parfois subjectifs, de faire ses choix, en toute connaissance de cause.
Bernard Marx