Immobilier : Chronique d'une catastrophe industrielle annoncée. Y-a-t-il un pilote dans l’avion ?
Après la chute historique du nombre de réservations chez les promoteurs immobiliers dans le logement neuf, nous observons un record d’annulations de contrats, sur fond de hausse des taux d’emprunt et d’inflation. Un effet ciseaux redoutable et à présent inévitable. Zone de fortes turbulences en approche. Accrochez-vos ceintures, ça va secouer !
110 000 logements neufs réservés par des particuliers en 2022 sur le territoire français, soit une baisse de 15 % par rapport à 2021.[1] Un chiffre déjà historiquement bas, en raison de la crise du COVID-19. En 2023, chers amis, nous allons traverser un second trou d’air. On parle d’un taux d’annulation autour de 20 % des contrats déjà signés…
- Tour de contrôle ! Tour de contrôle ! On a un problème !!! Où sont les parachutes ?
- Eh bien, c’est-à-dire que…
Autrement dit, non seulement les livraisons à venir, d’immeubles de logements destinés à l’habitation, ne répondront ni à la croissance démographique naturelle, ni aux besoins d’une population vieillissante. Ces projections de ventes mettent en péril, une myriade d’entreprises, dont l’activité dépend en grande partie du dynamisme de la construction. « Quand le bâtiment va, tout va… » Sauf que rien ne va plus ma pauv’ Lucette ! Voyez-vous, c’est toute la chaîne de production qui est impactée. Il n’y a pas de non-consommateurs dans ce secteur. In fine, nous sommes tous concernés.
Propriétaires, locataires, tous touchés.
Incertitudes des investisseurs, difficultés à obtenir des permis de construire, lourdeurs administratives, recours abusifs, peur du changement, observation partout du phénomène NIMBY[2] (Not In My Back Yard), mises en commercialisations ralenties, retards de paiements, fragilisation des trésoreries des entreprises, des PME et des artisans. Dépôts de bilans en pagaille dans les tribunaux de commerce, explosion des coûts des matériaux et de construction[3], de l’énergie, des carburants, difficultés d’approvisionnement des matières premières, pénurie de main d’œuvre - malgré un chômage de masse - perte de compétences, de sens et de savoir-faire, refus de prêts en forte augmentation. On parle de la moitié des demandes de prêts refusées sur 2022, en raison principalement du fameux taux d’usure et de la hausse des taux… Rendez-vous compte ! Surendettement des ménages à qui sont destinés ce type de programmes immobiliers. C’est la machine à produire du logement qui s’enraille.
Pour produire quoi ? De la carcéralisation de populations, des logements produits en copier / coller pour répondre à des normes de standardisation des unités d’habitations, pour un grand nombre de promoteurs dit low-cost. Apartheid urbains et ghettoïsation de l’habitat populaire, production d’appartements de type trois pièces deux chambres de 54 m2 sans placards et sans caves, avec des sous-sols où vous aurez de la peine à manœuvrer une Twingo, création d’immobilier jetable, dont il ne restera que des cloisons alvéolées dans cinquante ans, et encore...
L’acte de construire, le geste de bâtir s’est perdu, entre deux tableaux Excel. Ce débat a déjà eu lieu, entre les Modernes et les Anciens, au Temps des Cathédrales. Soyez assurés que celles-ci seront toujours là demain, pour témoigner de la disparition d’immeubles en carton, qui ne survivront pas même à ce siècle.
Fiscalité à deux, trois, quatre vitesses. Le choc de l’offre n’est pas au rendez-vous Monsieur MACRON[4]. La crise du logement est une bombe à retardement sociale que personne ne veut assumer. Il suffirait de craquer une allumette dans l’usine à gaz que vous avez contribué à créer, vous et vos prédécesseurs depuis 30 ans pour que tout explose. Le mouvement des gilets jaunes à côté de ce qui nous attend demain est un apéritif dinatoire, et en famille, s’il vous plaît. Voulez-vous faire revivre aux français un hiver 1954[5] ?
Si nous ne répondons pas au besoin primaire de se loger des gens, Monsieur le Président de la République, nous nous dirigerons tout droit vers une explosion sociale. Mal logement, augmentation de la dette locative, surendettement des ménages, risques psycho-sociaux et tensions à tous les étages. Violences urbaines, manifestations qui dégénèrent… Ouvertures de squats, multiplication des expulsions… Vous connaissez le programme. Tout cela a un air de déjà vu Mesdames et Messieurs les décideurs. Monsieur Alexandre BENALLA, même armé, avec des renforts, et sous vos ordres ne pourra pas calmer tout ça. C’est le fleuve de la rage et du mépris semé qui risque de déborder.
- Capitaine ! Le marché du neuf s’effondre !
- Pas de panique junior ! Il y a suffisamment de logements à rénover dans l’ancien ! La France est un vieux Pays vous savez.
- Bonne idée chef ! On va sortir le nouveau DPE maintenant, sans aucune concertation des professionnels concernés, histoire de bien taper dans la fourmilière. Ça devrait les occuper un moment. On va envoyer un bon message à nos électeurs écolos qui font leurs courses chez Auchan. Comme ça, on ne produit surtout rien, on change les règles, et on exclut une bonne moitié du parc du marché de la location.
- Ça me semble pas mal comme projet mon petit Olivier ? Ne me faites pas de notes, je n’ai pas le temps de les lire. Je valide ! S’il y a un Responsable, c’est Moi ! Qu’ils viennent me chercher ! Mais résumez-moi le truc quand même ?
- Ben, en gros, un logement sur deux sera bientôt interdit à la location ![6]
- Génial ! On met ça en place pour quand ?
- 2023. On s’est large…[7]
Au début, lorsque vous débutez dans le monde de l’immobilier, vous êtes dans la croyance qu’un Grand Ordonnateur, un Ministre, un haut responsable, une institution, surveille et orchestre un schéma directeur cohérent, travaille à un dessein, un projet de société, pour trouver de l’harmonie et répondre aux besoins de la population, dans un ensemble qui nous dépasse et nous fait grandir en tant que citoyen. C’est du moins ce que je pensais naïvement, il y a près de vingt ans. Que quelqu’un avait une vue panoramique de la Cité dans laquelle nous évoluons, au sens grec du terme. Mais plus vous déroulez le fil d’Ariane, plus vous comprenez que personne, absolument personne n’a de vision d’ensemble de ce labyrinthe kafkaïen.
Chacun bricole une pièce dans le moteur de son côté, sans concerter les autres, et s’étonne que cela ne fonctionne pas lorsque vous tentez de le démarrer. Et je te bidouille le taux d’usure par-ci, et je te modifie la lettre du DPE par-là, et je change le taux de défiscalisation en bas, plafonne les loyers ici ou là, impose un taux de logements sociaux sur des communes qui n’ont absolument rien avoir entre elles, et je t’annonce bien fort dans un journal que le logement est une priorité… Et je te modifie localement, parce que j’en ai le pouvoir, une troisième fois un P.L.U.[8], qui devait être fixé pour vingt ans… Elections, changement de Ministre du logement dont vous ne connaissez pas le nom[9]. Mais je ne fais qu’ajouter un texte à une forêt législative qui n’en manquait pas, pour laisser mon nom, à une postérité qui ne voudra pas de Moi. Nous mourrons de notre millefeuille de décideurs qui ne décident rien. Il y a trop d’échelons ! Bref, nous sommes dans l’esbrouffe la plus totale en matière de logement. Les ténors et autres experts de plateaux télés, salariés de grands groupes, lobbyistes d’alcôves, et autres pseudos sinistres, sont des représentants sans pouvoir. Ils pavanent et cancanent, mais n’ont aucun début de solution. Ce sont des marionnettes qui gesticulent et répètent à l’envie, ce que tout le monde sait. Ils ne font que gérer une pénurie... Ils ne produisent rien. Ils sont des inutiles, quoi qu’ils en disent. Ils se promènent, de séminaires en congrès, d’assises en réunions, mais savent qu’au fond, ils ne représentent qu’eux-mêmes. Ils gueuletonnent, ça oui, aux frais et sur les côtelettes de leurs salariés, clients et du contribuable. Mais à quoi servent-ils ? A rien, si ce n’est à entretenir une croyance collective, que des gens travaillent au bien-être du populo, et à la création de logements, dans un projet de société structuré et organisé. C’est dure à croire, tellement les enjeux sont importants. Mais il n’en est Rien. Personne n’a de vue d’ensemble, et encore moins de pouvoir de faire, d’agir et de bâtir, un projet de société intelligent pour demain.
Messieurs, Mesdames, vous êtes d’ores et déjà condamnés à la damnatio memoriae. Vous serez effacé de la mémoire de vos contemporains, et hormis un bilan carbone bien pourri, votre vie professionnelle n’aura servi qu’à vous-même.
Suis-je Aigri ? Est-ce que je ressens de l’amertume ? Disons plutôt que je suis écœuré devant un tel gâchis, dans un pays au si fort potentiel. Le constat est sans appel. Nous ne savons plus construire. Comment alors envisager sereinement la société de demain et répondre aux enjeux qui nous attendent ? Ils sont pourtant si nombreux. Réchauffement climatique, vieillissement de la population, baisse du pouvoir d’achat, inflation, retour de la guerre en Europe, délitement de nos institutions, crises de confiances répétées envers des dirigeants défaillants, discrédits envers des élites aux promesses milles fois non-tenues, et aux comportements décevants. Hanounisation des esprits, illettrisme, capacité de concentration égale à celle d’un poulpe de nos contemporains, Q.I. en chute libre, tiktocquisation des cerveaux, et ignorance de savoirs à tous les étages. La France va mal mes amis. Nous ne sommes pas à la hauteur de Notre Histoire. Et aucun politique, homme ou femme, ne semble prendre la mesure de la chose au sérieux. Je parle ici de la question du LOGEMENT ! Dans une société, devenue orwellienne par peur, où nous troquons chaque jour un peu plus de Libertés contre de la Sécurité, nous fabriquons des êtres décérébrés à présents scotchés à leurs smartphones, mais qui ne savent plus débattre, par manque de mots. L’image est le nouveau langage d’un service de propagande sans bureaux. Mais elle ne peut valoir tous les discours.
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Soyez iconoclaste !
Si nous regardons du côté du marché de l’ancien, ce n’est guère plus réjouissant. Les ventes dans l’ancien ralentissent fortement, et cela provoque par ricochet une augmentation de la durée d’occupation des logements en location. Moins de primo-accédants, égal moins de rotation du parc locatif, et donc moins de logements disponibles à l’instant T. Une sur-pénurie dans un marché déjà en tension si vous préférez. Et la mise en place du nouveau DPE ne fait que commencer.
Je vous épargne ici les analyses des cours boursiers des principales banques françaises de la semaine dernière, qui ont chuté de pourcentages à deux chiffres… Le tableau est assez sombre comme cela, au cas où vous le l’auriez pas compris.
Alors Mesdames Messieurs les décideurs. Maires, Présidents de communautés de communes, PDG de grands groupes, banquiers de premier rang, Monsieur le Ministre du Logement, analyses de plateaux, et autres Grands Architectes de nos vies. Je vous en conjure. Mettez-vous autour d’une table, et trouvez des solutions. Si vous ne faîtes pas pour vos contemporains, faites-le pour vos enfants. Ils auront besoin de se loger demain.
[1] On oscille habituellement entre 300 000 et 400 000 logements construits chaque année depuis 1980.
Sources : Ministère du logement et de la transition écologique : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/commercialisation-des-logements-neufs-vente-aux-particuliers-au-4e-trimestre-2022#:~:text=Commercialisation%20des%20logements%20neufs%20%2D%20Vente%20aux%20particuliers%20au%204e%20trimestre%202022,-Logement&text=Au%20quatri%C3%A8me%20trimestre%202022%2C%2022,ouvrables%20(CVS%2DCJO).
[2] NIMBY est un acronyme tiré de l'anglais traduit par « pas dans mon arrière-cour » ou « pas dans mon jardin » ou « surtout pas chez moi ». Le syndrome NIMBY désigne l'attitude fréquente qui consiste à approuver un projet pourvu qu'il se fasse ailleurs, ou à refuser tout projet à proximité de son lieu de résidence. Source ENS-Lyon : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/nimby-not-in-my-back-yard-surtout-pas-chez-moi
[3] La hausse des prix observée est de 27% en moyenne entre janvier 2022 et janvier 2023, signalent les artisans du bâtiment. La menuiserie-serrurerie enregistre la plus forte progression (+29%) suivie de près par l’Aménagement-décoration-plâtrerie (28%). Source : étude Capeb / Xerfi consacrée au 4e trimestre 2022. https://www.effy.fr/pro/actualite/batiment-le-prix-des-materiaux-progresse-encore
[4] Logement : le « choc de l’offre » promis par le candidat Macron n’a pas eu lieu. Source : « Le Monde » :
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/22/l-introuvable-politique-du-logement-d-emmanuel-macron_6053124_3232.html
[5] Hiver 54 : l’appel de l’Abbé Pierre. https://www.histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/5563-hiver-54-l-appel-de-l-abbe-pierre.html
[6] Sans travaux de rénovation énergétique, près d’un logement francilien sur deux bientôt interdit à la location : Source : INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6541392
[7] Rénovation énergétique : le calendrier des interdictions de location
https://www.capital.fr/immobilier/renovation-energetique-le-calendrier-des-interdictions-de-location-1398829
[8] PLU : Plan Local d’Urbanisme. Celui de Lyon par exemple a été modifié trois fois récemment, et on parle déjà d’une quatrième modification : https://www.lyon.fr/actualite/democratie-locale/enquete-publique-sur-la-3e-modification-du-plu-h
[9] Allez-y, faîtes l’effort pour voir ? Non, sans google !
Groupe SeLoger leboncoin Nexity Bouygues Immobilier Kaufman & Broad OGIC SLC PITANCE UTEI Les Nouveaux Constructeurs Métropole de Lyon Ville de Lyon PROMOVAL Promoteur Immobilier FPI FRANCE - Fédération des Promoteurs Immobiliers de France PROMOGIM Valority Valority Investissement Carré d'Or Carré de l'Habitat Century 21 France Laforêt France Nestenn Immobilier GUY HOQUET L'IMMOBILIER ORPI FNAIM
Animation Commerciale Banque Privée LCL
1 ansbelle pour la mise en avant du sujet (qui tente d'englober de manière peut être un peu large à mon sens d'autres problématiques, la thématique centrale étant assez riche), il y a malheureusement trop peu de prise de conscience "mainstream" sur la catastrophe sociale annoncée , et clairement déjà effective , produit de décennies d'incompétence. L'impact de l'absence de cohérence, dans un contexte de prix des matériaux en hausse, est malheureusement bien présent. d'ailleurs, nous sommes au delà de 20% d'annulation sur les réservations si j'en crois le représentant des promoteurs alors que l'on a jamais eu plus besoin de construire et de loger. maintenant, à part croiser les doigts..
Directeur délégué chez Maslow | Directeur commercial chez Valority
1 ansOui Fabien Haubry 🔑 les alertes dans le cockpit ✈ sont connus. En septembre dernier, le gouverneur de la Banque de France expliquait à longueur d'interview qu'il n'y avait aucun problème de taux d'usure et que sa révision trimestrielle n'avait aucune raison de changer. Dans la transaction, la location, la promotion, les professionnels alertent sur les difficultés et le mur qui arrive à grand pas. Les pilotes sont prêts au décollage, mais la tour de contrôle, elle semble bien autiste !
Fondateur FLASH GREEN®
1 ansOui Fabien les effets de la crise économique et de la pandémie de Covid-19 vont se faire sentir sur le marché immobilier en 2023 !