Industrie 4.0 : Le grand défi du 21ème siècle… et bonne chance !

Industrie 4.0 : Le grand défi du 21ème siècle… et bonne chance !

J’ai eu la chance de rencontrer à une des soirées VIP du CES, un des collaborateurs de la ministre Agnès Pannier-Runacher, . Celui-ci était bien entouré de nombreux dirigeants de sociétés industrielles souhaitant briller aux yeux du ministère. Cependant, au détour d’une petite coupe de champagne, j’ai pu lui poser une question sur un des articles que la ministre a commis récemment sur l’absolue nécessité de la France de se lancer dans la quête de l’industrie 4.0. (https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/lindustrie-40-nest-pas-une-option-pour-notre-economie-1160455 )

J’ai pu lui exposer le cas de l’industriel que j’accompagne dans sa création d’une nouvelle usine et je lui ai demandé si de son point de vue au ministère, l’accompagnement des institutionnels vers le tissu industriel français était en place, et si oui, quels étaient les outils mis à disposition. Autant vous dire que je n’ai pas eu de réponse très précise. De ma collaboration ancienne avec la DGE, j’ai pu m’apercevoir qu’il existait une myriade d’outils, plus ou moins sophistiqués, qui revenait tous peu ou prou, soit à avoir une forme de subvention ou l’aide d’une émanation de l’état , en général académique (labo du CNRS par exemple). Et c’est bien là où le bât blesse. L’industrie 4.0, tout le monde en parle, mais concrètement, comment lance t’on l’initiative de façon concrète, et bien cela ne semble pas clair du tout. Je vais vous raconter pourquoi, suite à mes aventures au pays de l’industrie 4.0 au CES.

LE CARRE VIP AU CES

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Ayant un cas concret, depuis 3 mois, je sollicite plusieurs géants du logiciel auto-proclamés de l’industrie 4.0 afin d’avoir leur vision et un état de l’art des solutions existantes, pour en informer mon client sous la forme d’un document de veille. Pour la plupart des solutions de pays hors de France, j’avais bien avancé dans les échanges, et le CES serait l’occasion de voir des démonstrations lors d’ateliers. J’ai reçu 6 invitations se sociétés américaines, allemandes et japonaises. Pour les 2 champions français de l’industrie 4.0, je les ai déjà vu à Paris. J’ai pu découvrir lors de ces 6 réunions l’envers du décor du CES. La ou souvent, on ne voit que les stands et les halls d’expos, j’ai été invités dans les salles VIP et autres suites des grandes sociétés de logiciels, ou un autre CES s’expose. Ce CES là, c’est le CES concret, des grands contrats qui se négocient et des signatures à plusieurs millions. Pour entrer, il faut souvent montrer patte blanche et les réunions sont cadencées parfois jusqu’au bout de la nuit (j’ai eu mon correspondant japonais jusqu’à 3h du matin).

Cela à au moins eu le mérite de m’éclairer sur les solutions des grands fournisseurs de logiciels sur les solutions existantes et les déploiements concrets.

DE LA TECHNOLOGIE … sans méthodologie

Globalement, nos 6 offreurs de solutions ont une vision commune : L’industrie 4.0 cela doit changer la face du monde et du manufacturing. Pour cela, ils ont tous découpé le manufacturing en grands pans fonctionnels : la logistique, la configuration, le séquencement, la maintenance, le contrôle qualité, la gestion des machines et des outillages, le jumeau numérique, le grand chaudron de données et les algorithmes associés, le reporting visuel du pied de la machine à celui du grand patron. Tout cela devant; via les réseaux et les données se coordonner pour améliorer les indicateurs clés de l’usine que sont : le niveau de stock, le temps réel de production en fonction des configurations et des pannes, le taux de rebut, le taux de défauts, le nombre d’heure de downtime non programmé, l’agilité dans la mise en œuvre des configurations et la traçabilité de tout cela, dans le temps. Que cela soit en allemand, en anglais ou en japonais, c’est clair, et j’ai tout compris. Par contre personne ne m’a expliqué ce qu’on fait vraiment pour démarrer, de façon très pragmatique.

Pour vous donner un exemple concret, chez un de ces fournisseurs (allemand) mettre tous les modules en place dans une usine, consisterait à la bagatelle de 22 projets logiciels, dont la plupart devraient être intégrés de façon fine avec des monstres de simplicité que sont les ERP, le PLM (quand il existe) , la maquette 3D et la GMAO. Un de ces 22 projets logiciel, le MES qui semble souvent être au cœur de tout, est à lui tout seul tout aussi compliqué que les 4 piliers avec lesquels il doit s’intégrer. Pour manager cela, il y a de nouvelles fonctions autour de la donnée, de la gouvernance, de la prise de décision agile, de l'animation de management visuel. toutes ces compétences et tous ces processus sont nouveaux dans les entreprises et ne sont pas couvert par des solutions purement technologiques. Et cela dans 22 streams de gestion de la production différent, qui doivent tous se coordonner pour amplifier la puissance des concepts 4.0.

Pour ma part, si je dois faire tout cela, je pense que d’avoir des logiciels, aussi robuste et bien conçu soit-il, cela semble un véritable challenge.

D’où ma question : qu’est-ce que je fais lundi matin ? Et les fournisseurs de logiciels sont muets sur ce sujet.

L’industrie 4.0 : une remise en cause du modèle de production, avec un modèle qui reste à écrire.

Dans mon document de veille technologique, j’ai bien eu toutes les informations qui vont me permettre de faire un rapport de consultant, avec les forces et les faiblesses de chaque solution, les architectures associées et des grilles de coûts indicatives pour démarrer des négociations. Cependant, déja la question de mon client, support du canevas de mon rapport, porte la cause racine du futur échec de l'initiative industrie 4.0. Je sens que celui-ci ne porte en lui qu’une partie de la solution, essentiellement technique, mais pas du tout la partie organisationelle qu'il faudra aborder. Mon client, au-dela des solutions logicielles, va devoir repenser nombre de ces processus, former ces compagnons, définir des nouveaux modes de management (quand c’est la donnée qui dirige les opérations, qui est le chef, finalement ?), trouver ou développer des nouvelles compétences. Et au CES, je suis loin d’avoir trouvé toutes ces réponses…

Aujourd'hui il existe essentiellement des solutions technologiques à une industrie 4.0 qui est avant tout une transformation du mode de gouvernance de la production dans le but de la rendre agile et d'identifier des modes de fonctionnement plus performant en fonction des configuration. Identifier une solution technique à un sujet organisationnel n'est au final qu'une des facettes du problème, et pas forcément la plus difficile à résoudre. Nos amis du logiciel, quels que soient leurs continents, n'ont pas de solutions écrites pour toutes les autres facettes. Et la technologie ne peut pas tout, à elle toute seule.

A demain pour la suite et fin de mon aventure au CES avec le traditionnel débrief de ce CES 2020.

Eric Nowak

Consultant en excellence opérationnelle ⎪ Amélioration continue ⎪ Management de projets ⎪ Direction Industrielle

4 ans

Ce constat édifiant mais malheureusement partagé. « De la technologie sans méthodologie », tout est dit...

Jean FIGUE, PhD

CEO & Founder, Interim Manager & Consultant

4 ans

Merci Samir...

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