Innovation et protection de la vie privée : le duo du siècle
Les premiers exemples d’utilisation des données dans les affaires remontent à plusieurs siècles.
Par exemple, Henry Ford a méthodiquement collecté des données de ses chaînes de montage pour améliorer leur vitesse. Les données elles-mêmes ne sont pas nouvelles. Mais grâce à la numérisation, nous pouvons maintenant les collecter et les analyser de manières auparavant inimaginables. Et la valeur dérivée de l’intelligence artificielle ou de l’apprentissage machine a fait des données la ressource la plus précieuse du monde.
Aujourd'hui, cinq des six sociétés les plus importantes cotées en bourse utilisent des données. Et si vous demandez au survivant du cancer qui a bénéficié d'un diagnostic précoce, ou à l'agriculteur qui a coupé son utilisation de pesticides en deux, les avantages sociaux et économiques de l'exploitation des données sont évidents. L’innovation par les données permettra aux compagnies de se développer et de créer de bons emplois pour la classe moyenne canadienne.
Mais ce boom de données est une arme à double tranchant. Comme toute innovation majeure, elle pose également sa juste part de risques. Les Canadiens sont légitimement préoccupés par les rapports faisant état de violations de données, d’utilisation abusive d'informations personnelles par de grandes entreprises, d’ingérence électorale. Et que dire de la haine diffusée en ligne et liée à des tragédies de masse?
Face à cette nouvelle réalité, comment protéger la vie privée des personnes et la sécurité de leurs données, tout en préservant, voire en améliorant, la compétitivité des innovateurs canadiens?
Pour beaucoup, c’est un jeu où tout le monde s’en sort perdant. Sacrifier la vie privée au nom de l'innovation, ou laisser l’innovation pâtir pour protéger la vie privée.
Mais ces priorités ne sont pas irréconciliables. En réalité, nous ne pourrons atteindre notre plein potentiel d'innovation que si nous construisons une base solide de confiance sur laquelle pourra prospérer notre économie numérique. Les entreprises axées sur les données s’appuient sur la confiance de leurs utilisateurs. Elles ne peuvent pas se permettre de les voir freiner leurs activités en ligne et arrêter de saisir des données.
En tant que société, nous ne pouvons pas nous le permettre non plus - même si seulement un petit nombre d’utilisateurs ont peur, parce que c’est lorsque des groupes sont sous-représentés dans le monde numérique que les algorithmes deviennent biaisés. Et rien ne pourra plus saper la confiance des gens que si certains d'entre nous sont laissés pour compte dans le monde numérique.
Il existe aussi un argument plus optimiste en faveur du cercle vertueux de la confiance et de l’innovation : pensez à la richesse des opportunités commerciales qui existent au cœur même de l'innovation et de la vie privée. Par exemple, après des années certes difficiles, BlackBerry est maintenant au volant de la voiture du futur grâce à la sécurité de ses logiciels. Il n’y a rien qui ait plus besoin d’être sécurisé que le logiciel qui va piloter nos voitures! Le Canada aura un avantage concurrentiel mondial si nous pouvons bâtir toute une économie numérique fondée sur la confiance.
En raison de notre diversité, le Canada est déjà un lieu attrayant pour la collecte de données. Les données sont plus utiles lorsqu'elles sont collectées auprès de gens du monde entier. Nous pouvons également être le porte-drapeau des normes de sécurité et de confidentialité des données permettant l'innovation. Chaque entreprise de données et numérique devrait convoiter le sceau d’approbation du Canada.
Si nous voulons être compétitifs dans l'économie numérique mondiale, la collecte, la gestion et l'utilisation des données doivent s'appuyer sur des bases solides de confiance et de transparence entre les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics.
En lançant la Charte numérique du Canada cette semaine, nous avons franchi une étape fondamentale dans ce sens. Elle est composée de dix principes fondés sur les valeurs canadiennes - allant de donner aux Canadiens le contrôle de leurs données, en passant par de puissants mécanismes d’application. La Charte jette les bases de règles fortes, mais prévisibles pour que les entreprises puissent innover et que les citoyens puissent avoir confiance que leur société numérique est sur la bonne voie.
Alors, saisissons cette opportunité. Définissons les règles du jeu. Et profitons des avantages d’une économie numérique et de données solide, fondée sur la confiance et l’inclusion.